Je vous remercie de m'avoir invitée. J'ai donc deux « casquettes » sous le même intitulé du développement durable : celle de déléguée interministérielle et celle de commissaire générale, qui est une fonction interne au ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer – MEEDDM.
Comme tous les ministères, celui-ci comprend des directions générales thématiques – au nombre de cinq : l'énergie et le climat ; les infrastructures, les transports et la mer ; l'aménagement, le logement et la nature ; l'aviation civile et la prévention des risques – et une structure transversale ayant une fonction de support pour le fonctionnement quotidien : le secrétariat général, chargé du budget, des personnels, de la communication et de l'action internationale. Mais, et c'est là une originalité, il comporte en outre une seconde structure transversale, chargée de proposer une vision stratégique et de travailler sur des sujets de moyen et long termes : c'est le commissariat général au développement durable.
Ce commissariat regroupe les moyens des trois anciens ministères à partir desquels a été constitué le MEEDDM, et ce autour de trois métiers.
Le premier métier concerne l'observation et les statistiques, avec un service qui réunit l'Institut français de l'environnement – IFEN – du ministère de l'environnement, l'Observatoire de l'énergie de la direction générale de l'énergie et des matières premières – DGEMP –, et le service des statistiques sur les transports et la construction de l'ex-ministère de l'équipement. Ce service a pour vocation de produire l'ensemble des statistiques du ministère, mais aussi de travailler sur des sujets tels que les indicateurs de développement durable, dans le prolongement des travaux de la commission Stiglitz.
Deuxième métier : la recherche, avec une direction de la recherche et de l'innovation. En effet, non contents de regrouper les moyens de recherche des ministères de l'environnement et de l'équipement, nous souhaitons mettre en oeuvre des projets, avoir une action en termes d'innovation et, si possible, mener une réflexion de politique industrielle sur les sujets qui concernent le ministère.
Notre direction de la recherche et de l'innovation finance des programmes de recherche avec des moyens relativement limités et en se plaçant le plus possible dans une posture d'anticipation – l'administration centrale n'ayant pas vocation à porter elle-même des projets de recherche lourds exigeant beaucoup de moyens. Elle essaie donc de créer des équipes dans des domaines prometteurs où il apparaît nécessaire de faire collaborer des chercheurs que le sujet intéresse, la logique voulant que ce travail soit ensuite repris, sur une échelle différente, par des organismes de recherche proprement dits.
Le CGDD anime également les 35 établissements, rattachés au ministère, qui font de la recherche, comme le Commissariat à l'énergie atomique – CEA –, l'Institut français du pétrole, l'IFP, ou encore le Muséum national d'histoire naturelle. Ce faisant, nous créons le réseau scientifique et technique du ministère en les faisant travailler ensemble sur des sujets communs, la « ville durable » par exemple, en « modes projets », par l'échange d'informations ou par le montage de projets, y compris au niveau européen. Nous devons enfin gérer et faire progresser les centres d'études techniques de l'ex-ministère de l'équipement, les CETE, qui ont vocation aujourd'hui à s'intéresser à d'autres sujets que les transports et la construction. Pour ce faire, nous faisons évoluer les compétences de leurs personnels pour les mettre à disposition des directions générales, dont ils prendront en charge les thématiques en y introduisant une dimension de développement durable.
Vous le voyez : cette direction de la recherche et de l'innovation a un travail très particulier de recherche, mais surtout d'animation, pour mobiliser les outils rattachés au ministère au service notamment de la politique des pôles de compétitivité et de la promotion des filières vertes.
Le troisième métier concerne les études économiques : le service « de l'économie, de l'évaluation et de l'intégration du développement durable », constitué des services « économie » des ministères de l'environnement et de l'équipement, mais aussi d'une partie de la délégation au développement durable qui existait avant la création du MEEDDM, a une double tâche.
D'une part, en développant les évaluations et les études sur le thème du développement durable, il fait en sorte que les évaluations des politiques publiques portent sur les trois piliers. Cela suppose que nous soyons particulièrement experts dans l'évaluation environnementale.
D'autre part, chargé de « l'intégration du développement durable », il fait en sorte que les entreprises et les acteurs publics – collectivités locales et État – intègrent cette préoccupation dans leur démarche. Ainsi, nous nous préoccupons de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE), nous travaillons sur la consommation durable et les programmes « État exemplaire », et nous aidons les collectivités territoriales à mener à bien les actions relevant de l'Agenda 21.
Ainsi, s'appuyant sur ces trois métiers, le commissariat aide les directions générales dans leurs politiques classiques, mais aussi les incite à travailler ensemble et à intégrer structurellement le développement durable dans leur action, comme il a d'ailleurs vocation à y inciter tous les acteurs économiques, publics et privés. Là est sa mission de base.
Moins de 500 personnes travaillent au sein du CGDD : environ 200 aux statistiques, 80 à la recherche, 120 au service économique, auxquelles s'ajoutent une quarantaine de personnes au sein de la délégation au développement durable – DDD –, qui est une structure transversale ayant vocation à travailler sur la prospective. L'essentiel des moyens financiers est constitué de crédits pour la recherche – une quinzaine de millions –, pour les études des services déconcentrés et pour les statistiques. Les personnels et la « matière grise » sont en effet les forces vives du commissariat, à qui il ne revient pas d'investir.
Mais le commissariat ne travaille pas qu'à l'intérieur du MEEDDM, pour les directions générales ; il a également vocation à convaincre les autres ministères de mener des politiques de développement durable, notamment au travers de l'élaboration de la stratégie nationale du développement durable.
Cela m'amène aux trois sujets majeurs sur lesquels nous travaillons.
En premier lieu donc, la stratégie nationale du développement durable. Nous mettons actuellement au point la deuxième stratégie nationale, la précédente ayant débuté en 2003 et pris fin en 2008. Le travail d'élaboration et de concertation, qui a duré toute l'année 2009, s'est fait sur Internet et par de nombreux échanges avec la multitude d'institutions que le sujet intéresse ; il est achevé. Nous avons travaillé avec les cinq collèges du Grenelle de l'environnement et avec le comité de suivi où ils sont tous représentés, et, de ce fait, le document a beaucoup évolué entre le début et la fin de l'année. Il est aujourd'hui soumis au Conseil économique, social et environnemental qui devrait rendre son avis d'ici fin janvier, ce qui permettra d'adopter la nouvelle stratégie à partir de février. Cette adoption relève du comité interministériel du développement durable – CIDD –, composé de tous les ministres et présidé, soit par le Premier ministre, soit par le ministre chargé du développement durable – ce comité ne s'est d'ailleurs réuni que deux fois à ce jour : en 2003 pour l'adoption de la première stratégie et en 2006 pour son actualisation.
Ce deuxième document, de 40 pages, est beaucoup plus une stratégie que le premier – qui, avec 180 pages, constituait plutôt une juxtaposition de plans d'action – et s'inspire beaucoup de la stratégie européenne du développement durable de 2006 ; nous avons complété les sept défis de cette stratégie européenne avec le souci de lier étroitement préoccupations environnementales et préoccupations économiques et sociales, de manière à bien traiter de développement durable au lieu de céder à l'habitude française de ramener ce sujet à la seule préservation de l'environnement.
Entre le début et la fin des travaux, la crise économique est intervenue. À présent, nous attendons les conclusions du sommet de Copenhague. Tout cela a influé sur le contenu de la stratégie, très marqué au départ par le Grenelle, et maintenant davantage par des thèmes comme celui de la croissance verte.
Le deuxième sujet sur lequel nous travaillons, de manière innovante j'espère, est justement la croissance verte et les filières industrielles susceptibles de la porter. Cet été, nous avons, à la demande du cabinet, préparé un rapport pour déterminer dans lesquelles de ces filières notre pays a vocation à devenir un « champion ». En fonction du potentiel mondial et national, mais aussi de nos capacités industrielles et de nos atouts naturels – forêts, côtes maritimes –, nous avons pris le risque d'identifier ces filières ainsi que des zones à développements économiques intéressants. Pour l'heure, ce rapport est soumis à concertation sur Internet, et nous menons des échanges bilatéraux avec l'ensemble des grandes entreprises que le sujet intéresse, avec l'idée d'aboutir en janvier, sur ces deux catégories, à un diagnostic partagé par l'ensemble des ministères et des acteurs économiques.
Dernier sujet : tous les éléments précédents découlent plus ou moins directement du Grenelle de l'environnement et une des missions du commissariat est justement d'assurer le suivi transversal de la mise en oeuvre du Grenelle – ce qui n'est pas simple car il s'agit de 268 engagements impliquant des milliers d'actions à entreprendre – et de coordonner les textes législatifs sur ces sujets. Selon une étude d'impact que nous avons effectuée et que nous actualisons régulièrement, si tous les investissements prévus d'ici à 2020 dans le Grenelle sont réalisés, nous arriverons à un total de 440 milliards d'euros, et à la création de 500 000 emplois – 600 000 selon le Boston Consulting Group qui a repris ce travail. On le voit : ces politiques ont un enjeu économique et social important et c'est pourquoi nous y travaillons spécifiquement sous l'angle industriel – mais aussi fiscal, s'agissant en particulier de la taxe carbone. Nous essayons de faire en sorte que les différents outils nécessaires à la mise en oeuvre du Grenelle se déploient progressivement à travers l'ensemble des politiques publiques, et pas uniquement celles de notre ministère.