Je suis très heureuse de pouvoir vous présenter la stratégie internationale d'AREVA, le fonctionnement de notre groupe et les enjeux de son développement à l'étranger.
Nous assistons aujourd'hui à la troisième révolution énergétique, caractérisée par la conjonction de quatre facteurs : des ressources fossiles limitées, une croissance démographique considérable, l'émergence de grands pays en développement, un changement climatique avéré. Nous devons impérativement trouver une énergie peu chère – la compétitivité de nos pays en dépend – à coût prédictible et domestique, qui nous permette d'atteindre le « facteur 4 » : une énergie deux fois plus abondante mais dont le contenu serait deux fois moins important en CO2. C'est tout l'enjeu des Grenelles de l'environnement et de la conférence de Copenhague.
Notre positionnement stratégique est d'offrir à nos clients des solutions pour produire de l'électricité en grande quantité, à faible coût et sans CO2. Pour ce faire, nous avons décidé de ne plus opposer nucléaire et énergies renouvelables, mais de mettre en avant leur complémentarité.
S'agissant du nucléaire, nous avons fait le choix du modèle intégré dès 2001, alors que ce mode de production n'était pas promis à un grand avenir. Ce modèle, clairement soutenu par notre actionnaire principal, l'État, nous a permis de gagner plusieurs années d'avance : nous sommes désormais copiés par nos concurrents. Osons la comparaison avec « Nespresso » : AREVA vend à la fois les « cafetières », les « capsules de café », et les récupère pour les recycler.
En guise de « cafetières », nous proposons une gamme de réacteurs de troisième génération : EPR, ATMEA et KERENA. Ces blocs d'acier et de béton sont à même de résister aux accidents et aux attaques de toute sorte survenant aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur, hormis à l'explosion d'une bombe nucléaire. Ils sont de taille plus ou moins importante – ATMEA produit 1 100 mégawatts contre 1 600 mégawatts pour l'EPR – et utilisent différentes technologies – KERENA, par exemple, développé avec E.ON, est un réacteur à eau bouillante. La technologie EPR a été retenue dans dix-huit projets – huit aux États-Unis, quatre en Grande-Bretagne et en Italie et deux en Inde – et quatre réacteurs sont en construction, en Finlande, en France et en Chine.
S'agissant des énergies renouvelables, c'est un marché en croissance forte : 8,5 % sur les vingt prochaines années. Nous souhaitons devenir leader sur les segments les plus prometteurs que sont la biomasse – nous sommes n° 1 au Brésil –, l'hydrogène et la pile à combustible – notre filiale Hélion, une start-up, est basée à Aix-en-Provence – et le solaire thermique. En ce qui concerne l'éolien off-shore, nous avons acquis en 2007 Multibrid et nous avons signé un contrat pour l'installation de quatre-vingts éoliennes de 5 mégawatts chacune, en mer du Nord, à quarante kilomètres des côtes. Notre objectif est de conquérir 15 % de ce marché d'ici à 2012.
C'est un positionnement stratégique gagnant : en cinq ans, nous avons doublé notre carnet de commande. Au 30 septembre dernier, il s'élevait à 47,5 milliards d'euros, en augmentation de 22,3 % par rapport à septembre 2008 – le nucléaire ayant progressé de 27, 4 %. Nous jouissons d'une exceptionnelle visibilité sur notre activité future.
Notre chiffre d'affaires, en croissance rapide et constante – il a augmenté de 34 % sur les quatre dernières années et s'établissait à 13,2 milliards d'euros en 2008 –, traduit notre capacité à exécuter notre carnet de commandes. Nous avons recruté 12 000 personnes en 2009, dont la moitié en France, et nous investissons massivement sur notre territoire.
Notre rythme de développement est soutenu. Désormais, nous développons nos activités minières au-delà du Canada et du Niger, afin de disposer d'un portfolio équilibré et de diminuer notre risque de dépendance. Nous exploitons ainsi des gisements d'uranium en Namibie, en Afrique du Sud, en Centrafrique, en Mongolie, au Kazakhstan et en Australie, et nous sommes en passe de devenir le premier producteur mondial.
Pour ce qui est des activités d'enrichissement, nous avons inauguré la première cascade de l'usine George Besse II, qui repose sur la technologie la plus performante au monde, développée par URENCO – désormais notre partenaire. Dans le domaine de la fabrication de combustible, nous avons passé un nouvel accord avec les Japonais. Enfin, s'agissant du traitement-recyclage, nous avons été choisis pour gérer, aux côtés d'une société américaine et d'une société britannique, l'imposant site de Sellafield, en Grande-Bretagne.
En ce qui concerne les énergies renouvelables, AREVA a lancé avec Duke Energy une opération, saluée par la Clinton Global Initiative : la coentreprise Adage permet de développer des centrales biomasse aux États-Unis, capables de transformer les débris végétaux en électricité de 50 mégawatts. Par ailleurs, six éoliennes, sur les quatre-vingts prévues en mer du Nord, fonctionnent aujourd'hui. Enfin, nous avons mis sur pied un partenariat stratégique avec l'Inde concernant la biomasse.
Ce développement important, dans une structure de bilan inchangée depuis 2001, supposait une augmentation de capital. Décidée le 30 juin, l'augmentation de 3 milliards d'euros permettra de réaliser le plan d'investissement 2009-2012, qui s'élève à 11 milliards. Notre actionnaire majoritaire a décidé d'ouvrir le capital à des partenaires stratégiques et industriels et nous a demandé de céder notre activité transmission et distribution. Ce n'était pas l'option que nous avions retenue, mais nous avons mis en oeuvre cette décision : parmi les trois offres – d'excellente qualité –, le conseil de surveillance a choisi celle d'Alstom-Schneider.
Le nucléaire représente une grande chance en termes d'exportation. La renaissance du nucléaire est engagée de par le monde, même dans les pays producteurs de charbon et de pétrole, qui y étaient traditionnellement opposés. Ainsi, 25 % des nouveaux réacteurs seront construits dans des pays « entrants ».
L'organisation à mettre en oeuvre n'est pas la même, selon qu'il s'agit d'un pays ayant déjà développé la filière nucléaire ou d'un pays débutant dans ce domaine, sans électricien, ni autorité de sûreté, ni cadre légal. Nous visons un tiers des parts du marché de nouvelles constructions – soit 350 gigawatts d'ici 2030 –, étant entendu que l'ensemble des pays souhaite que nous leur fournissions les « cafetières » et le « café ». Dans ce dernier domaine, nous avons pris des engagements sur un très long terme.
Deux autres marchés nous intéressent : l'allongement de la durée de vie des réacteurs existants – qui suppose le changement d'un certain nombre de composants et de logiciels, une technologie que nous possédons et qui nous a permis de gagner 50 % des parts du marché américain – et le démantèlement des centrales en fin de vie – nous possédons une grande expérience dans ce domaine, l'exemple de Marcoule, que nous sommes actuellement en train de démanteler, le prouve.
AREVA est n° 1 mondial, très loin devant ses concurrents. Notre vitrine technologique – 4 EPR en construction ; des opérateurs électriques de référence – est sans égale ; le choix qu'a fait la France lui permet aujourd'hui de jouir d'un avantage économique et environnemental considérable et de développer la filière à l'étranger. Les normes françaises de sûreté et de sécurité, qui figurent parmi les plus sévères au monde, nous permettent de nous prévaloir de ce niveau d'exigence.
Récemment désigné par le Président de la République, François Roussely a pour mission d'examiner les conditions de la coopération entre les acteurs de la filière nucléaire française, lorsqu'il s'agit de conquérir des marchés à l'international. Dans 75 % des cas, les pays ont déjà un électricien nucléaire : les électriciens français peuvent alors apporter des financements – c'est le cas d'EDF en Chine sur les deux EPR – ou leur savoir-faire. Pour ce qui nous concerne, nous avons cloisonné de façon hermétique nos activités et nous traitons directement, dans une relation de confiance, avec l'électricien du pays. Pour ce qui est des pays qui démarrent dans le nucléaire – le Vietnam ou la Thaïlande par exemple – il est dans notre intérêt d'organiser le système français afin de répartir clairement les rôles et de savoir, le plus en amont possible, quel sera l'électricien français opérateur. Cela évitera les problèmes rencontrés aux Émirats arabes unis.
Un pays qui achète une centrale nucléaire souhaite que son industrie en profite. C'est le cas de la Grande-Bretagne, où nous avons identifié 120 entreprises aptes à entrer dans la supply chain. Autant nous entraînons beaucoup d'entreprises françaises dans nos exportations, autant nous ne souhaitons pas « télétransporter » tout un système : il est de notre devoir d'intégrer les entreprises locales, les former, les développer et les mettre à niveau.
Les personnes que nous recrutons n'ont pas toujours le niveau requis. Nous travaillons en collaboration avec les universités et les grandes écoles pour mettre sur pied un système de formation. Nous avons créé un campus à Aix-en-Provence, où sont formés nos propres cadres et nos clients. Enfin, les apprentis représentent 3 à 5 % des employés, selon les sites.
Même si, en ces temps de crise, certaines décisions prennent plus de temps à entrer en application, AREVA connaît une formidable dynamique industrielle. Notre modèle est devenu une référence ; nous faisons la course en tête et souhaitons creuser l'écart. La conquête de marchés suppose de définir une nouvelle organisation. Elle exige de ne pas courir trop de lièvres à la fois, quitte à se retirer de la compétition lorsque la concurrence casse les prix.