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Intervention de Dominique Saint-Macary

Réunion du 23 novembre 2009 à 17h00
Délégation aux droits des femmes et l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Dominique Saint-Macary, responsable du département enquêtes et analyses statistiques du Secours catholique :

La pauvreté des jeunes précaires, public très fluide, est un sujet difficile. Elles passent nous voir la plupart du temps pour un dépannage, ne font pas vraiment l'objet d'un suivi par les associations ou les travailleurs sociaux – la prostitution étudiante, certes pas très développée, n'est pas exclue…

Deuxième forme de pauvreté féminine : les jeunes mères (27 %). Elles ont souvent moins de quarante ans, sont seules avec un ou plusieurs jeunes enfants, séparées de leur conjoint, éloignées de leur famille, parfois également à la suite de violences subies. Le fait pour ces femmes d'avoir des enfants change tout, et d'abord en matière de logement, car elles sont récemment installées dans le parc social ou privé. Elles sont soit en recherche d'emploi et non indemnisées, soit au foyer, et vivent principalement de transferts sociaux, parfois de pensions alimentaires. Les trois quarts sont adressés au Secours catholique par les services sociaux.

Ces jeunes mères ne sont pas dans une démarche de formation ni, pour certaines, d'emploi, désirant avant tout s'occuper de leurs enfants qui donnent un sens à leur vie et leur permettent d'exister dans la société. C'est une réalité : avoir un enfant permet à des jeunes filles très désocialisées ou exclues d'être réintégrées dans la société. Cependant, la faiblesse de leurs revenus, et donc l'impossibilité de faire garder leurs enfants, les isole énormément. J'en ai recensé

Troisième forme de précarité : les femmes en couple avec un ou plusieurs enfants (17 %). Elles ont entre vingt-cinq et cinquante ans et viennent souvent nous voir à la suite d'un accident de la vie – maladie, accident, handicap – ou de parcours, en particulier à cause d'un endettement ou d'un surendettement. Alors que ces femmes se pensaient dans une situation relativement solide – ayant souvent un emploi ou étant au chômage indemnisé, locataires ou propriétaires –, elles se retrouvent tout à coup dans une situation inextricable. Tout s'écroule très vite, et c'est à ce moment-là que ces nouveaux contacts nous sont envoyés par les services sociaux.

Ce type de familles se rencontre le plus souvent dans le monde rural : elles ont quitté la ville pour se loger moins cher, mais subissent tous les problèmes d'éloignement, de déplacement, de dépendance à un moyen de transport. 10 à 12 % sont confrontées au surendettement. Certaines surestiment la sécurité de leur situation, veulent vivre comme tout le monde et que rien ne manque à leurs enfants ; le moindre accident les fait chuter à cause de leurs crédits.

Quatrième forme de précarité féminine : les mères seules plus âgées (20 %). Elles ont de quarante à soixante ans, sont seules avec un ou deux enfants adolescents, ont vécu la séparation, un décès, peuvent être atteintes d'un handicap ou d'une maladie, physique ou psychique, comme une longue dépression. Tant que les enfants sont jeunes, ces mères sont en contact avec l'école si cela ne se passe pas trop mal pour eux, mais n'osent plus s'y rendre si elles s'y font sermonner. Les enfants devenus grands, elles ont du mal à les contrôler, surtout s'ils vivent dans des cités. Parfois, ces femmes travaillent à temps partiel, mais elles sont inactives. Leurs ressources étant faibles, les activités, les sorties, sont peu accessibles, et l'isolement les frappe durement. C'est une pauvreté durable, et nous le constatons puisque la moitié de ces femmes reviennent d'une année sur l'autre au Secours catholique. Leurs problèmes sont très difficiles à régler car il est pratiquement impossible d'accéder à un emploi à cet âge, en n'ayant jamais travaillé.

Enfin, cinquième forme de précarité : les femmes sans enfant (30 %). C'est un groupe hétérogène mais qui comprend surtout des femmes de plus de quarante ans, seules sans enfant, ayant vécu un décès, ou étant touchées par la maladie ou le handicap, et s'étant éloignées de leur famille. Elles ont élevé leurs enfants, qui sont partis, et certaines n'ont jamais vu leurs petits-enfants si les relations familiales sont très tendues. Elles travaillent à temps partiel ou sont inactives en raison de leur santé ou de leur âge. Elles aussi sont très atteintes par la solitude et l'isolement.

Si nous avons l'espoir de voir les femmes se sortir d'un mauvais passage, en revanche, chez certaines, toutes ces formes de précarité s'enchaînent : elles sont d'abord jeunes précaires, ont un enfant et deviennent jeunes mères seules, vivent parfois en couple ou sautent directement à la case mères seules plus âgées, puis finissent seules éloignées de leurs enfants et brouillées avec leur famille. Ainsi, durant toute leur vie, elles passent de la précarité à la pauvreté, et dans la solitude. Cela est intolérable, et il est indispensable de faire quelque chose quand il en est encore temps.

Il faut présenter aux jeunes femmes, qui ne sont pas forcément dans une démarche d'emploi, un avenir attrayant. Comme l'emploi est difficile et que la formation et la garde d'enfant entraînent des frais, des travailleurs sociaux leur recommandent souvent, en toute logique mais dans un raisonnement à court terme, de ne pas bouger pour qu'elles puissent être mieux aidées. Au contraire, il faut les aider à faire des projets, sans forcément les cantonner dans des métiers dits « féminins » comme les soins aux enfants et aux personnes âgées. Il faut aussi les orienter vers des gardes d'enfants accessibles en proximité et en tarifs. Si on n'agit pas, elles auront, certes, de quoi vivre, mais pauvrement.

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