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Intervention de Dominique Saint-Macary

Réunion du 23 novembre 2009 à 17h00
Délégation aux droits des femmes et l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Dominique Saint-Macary, responsable du département enquêtes et analyses statistiques du Secours catholique :

Après notre rapport rendu l'année dernière sur l'enfance et la famille, celui-ci, qui porte plus particulièrement sur la pauvreté des femmes, a permis de constater que, pour l'année 2008, le nombre de personnes et de familles rencontrées au Secours catholique a augmenté de 2 % à 3 %, après deux années de diminution. Ce phénomène n'a rien à voir avec la crise puisqu'il a commencé en début d'année.

En 2008, les revenus des personnes accueillies ont augmenté de 4 % par rapport à 2007. Dans le même temps, selon l'INSEE, leurs loyers ont connu une hausse de 3 %, l'électricité, le gaz et l'énergie de 10 %, l'indice des prix à la grande consommation de 5 %, et les premiers prix des épiceries sociales de 7 % comme l'ont établi nos propres relevés. Ainsi, le pouvoir d'achat des personnes pauvres augmente de moins en moins d'année en année, voire diminue car, même si les hausses de prix se sont ralenties ou même inversées, les dépenses essentielles de ces personnes sont contraintes.

Je vais aborder la pauvreté au féminin sous deux angles : la pauvreté comparée des hommes et des femmes, d'une part, et les formes de pauvreté féminine, d'autre part.

Concernant le premier point, les situations rencontrées au Secours catholique se répartissent ainsi : 27,1 % d'hommes seuls, 25 % de mères isolées, 20,5 % de couples avec enfants, 17,2 % de femmes seules, 6,1 % de couples sans enfant et 4,1 % de pères seuls. Le pourcentage des familles monoparentales accueillies est de 30 %, soit plus de trois fois supérieur à la moyenne nationale qui est de 8 à 9 %. L'absence de conjoint est en effet une forme particulière d'isolement qui pèse très lourd dans la pauvreté.

La pauvreté se féminise. Les femmes sont plus touchées que les hommes par la pauvreté et de plus en plus. À la fin des années 1980, dans nos accueils, on recevait un peu plus de 50 % de femmes et un taux sensiblement en dessous pour les hommes. L'écart n'a cessé d'augmenter depuis. Notre observation est confirmée par les calculs de l'INSEE, selon lesquels le taux de pauvreté en France est d'un peu plus de 13 %, mais de 14 % pour les femmes et de 13 % pour les hommes.

Les femmes sont plus fragiles devant la pauvreté pour deux raisons principales.

Première raison : l'isolement touche plus les femmes que les hommes, d'abord, parce qu'elles vivent plus longtemps, ensuite parce que les hommes sont plus nombreux à se remettre en couple à la suite d'un veuvage ou d'une séparation. Selon le titre d'une étude de l'INSEE de 2006, « Les femmes vieillissent seules, les hommes vieillissent à deux. Un bilan européen ».

Seconde raison : les enfants vivent le plus souvent avec une femme, qu'elle soit leur mère ou la compagne de leur père. Plus de 90 % des enfants de personnes rencontrées au Secours catholique vivent avec une femme.

Facteur majeur de pauvreté, la monoparentalité est la conjugaison de ces deux fragilités. Le taux moyen de pauvreté en France est de 30 % pour les mères seules et de 64 % quand, en plus, elles n'ont pas d'activité professionnelle. Autrement dit, les deux tiers des femmes seules avec enfants, sans activité professionnelle, sont pauvres au sens de l'INSEE.

Les enfants sont des vecteurs d'intégration, de sociabilité et de solidarités, cependant ils conditionnent aussi la vie de leurs parents – principalement celle de leur mère sur lesquelles reposent encore, le plus souvent, l'éducation et le soin aux enfants –, en limitant leurs possibilités d'accès à l'emploi, car la conciliation entre les vies professionnelle, sociale et familiale est très souvent difficile.

Malgré une progression rapide, l'activité professionnelle des femmes reste inférieure à celle des hommes et l'inactivité professionnelle des femmes en âge de travailler est le plus souvent due à la présence d'enfants au foyer. Par ailleurs, vivre en couple facilite l'accès à l'emploi, à temps plein ou partiel, en permettant le partage des tâches. Pour gagner de l'argent, s'occuper des enfants, tenir la maison, avoir une vie sociale, un couple dispose d'une journée de 48 heures, un parent seul de 24 heures… Enfin, en France, plus de 80 % des emplois à temps partiel sont occupés par des femmes, soit par choix, soit parce que c'est la seule forme d'activité accessible. Or, qui dit temps partiel dit également revenu partiel.

Il est vrai que les services sociaux sont particulièrement présents auprès des femmes et des enfants. D'abord, un homme seul en grande précarité, à la rue, souvent ne sollicite pas les services sociaux.

Ensuite, les familles avec enfants sont prioritaires dans le parc social, les mères isolées tout spécialement. Peu de femmes sont sans domicile, et beaucoup sont hébergées par des proches. C'est une forme de solidarité, car on ne laisse pas une femme à la rue… En outre, grâce aux enfants, les femmes ont un lien avec le monde de l'école, de la santé, avec d'autres parents. Elles sont intégrées dans la vie de la cité où des solidarités s'exercent. Au fond, les femmes sont plus souvent pauvres, mais mieux aidées.

Enfin, elles ont des ressources régulières, mais faibles, alors que les hommes ont des revenus irréguliers. Parmi les personnes que nous rencontrons, les hommes seuls sont trois fois plus souvent sans ressources, mais plus de 60 % des femmes vivent uniquement de transferts sociaux, parfois de pensions alimentaires.

J'en viens à la deuxième partie de mon intervention : les formes de la pauvreté féminine. Nous avons caractérisé cinq.

D'abord, les jeunes précaires (6 %). Elles ont souvent moins de vingt-cinq ans, sont seules et sans enfants, en rupture familiale ou éloignées de leur famille, parfois à la suite de violences subies. Elles logent chez les uns et les autres, en foyer ou en résidence, et sont quelquefois à la rue. Elles sont étudiantes ou en formation, parfois en recherche d'emploi, mais sans être indemnisées, ou exercent un travail intérimaire à temps partiel ou un petit travail informel. Au moins 60 % n'ont aucune ressource et le niveau moyen de vie des autres est, d'après mes calculs, de 145 euros par mois – à comparer au seuil de pauvreté de 910 euros pour 2007.

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