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Intervention de Gideon Kouts

Réunion du 9 décembre 2009 à 10h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Gideon Kouts, président de l'Association de la presse étrangère :

Merci de m'avoir invité ici à exprimer le regard des journalistes étrangers sur ce grand organisme international. Je n'entrerai évidemment pas dans les questions de structure ou de statut de la société. Je me placerai uniquement du point de vue de la liberté de la presse et de son indépendance, et pourrai vous donner certains détails pas forcément très connus du regard que portent les journalistes étrangers sur l'AFP.

La plupart d'entre eux considèrent d'abord qu'un brusque passage à une structure privée ne pourrait être que contraire à la liberté de la presse et créerait une grande instabilité. Mais surtout, ils évoquent les deux aspects de l'agence. D'une part, elle joue un rôle plus important que bien d'autres organismes internationaux parce qu'elle est représentée dans nombre de pays, en Afrique par exemple, où il n'y a presque pas de journalistes indépendants – elle peut donc avoir accès à des informations essentielles – et qu'elle emploie des journalistes de quatre-vingt nationalités. Mais, d'autre part, elle est perçue, surtout par les journalistes anglo-saxons, comme une agence officielle de l'État français et elle gardera cette image quelles que soient les modifications de son statut.

Le regard français peut être très rafraîchissant, et il est très important pour ceux qui dépendent exclusivement de l'information anglo-saxonne – comme c'est le cas dans mon pays, Israël, où l'AFP est très peu utilisée sauf par les médias qui ont besoin d'une information immédiate, parce que les autres canaux sont beaucoup plus lents. Mais à force de vouloir étendre son réseau, l'Agence France Presse emploie beaucoup de pigistes et de correspondants locaux aux salaires très bas, qui dépendent des autres instances du pays et délivrent une information pas toujours objective. C'est le cas dans différentes régions du monde. Certains correspondants en Afrique subsaharienne travaillent ainsi, sous des pseudonymes, à la fois pour l'AFP et RFI, voire pour l'AFP et Reuters, en s'adaptant au style de l'agence concernée ! Or, l'AFP est perçue comme l'agence où les journalistes parviennent le mieux à exprimer leur propre opinion, malgré toutes les règles qu'ils doivent suivre. Les anglo-saxons, très fidèles à leur modèle classique, l'accusent de promouvoir des opinions non indépendantes.

Mais plus que la notion d'indépendance, c'est la notion de responsabilité qui importe. Qui sera responsable de l'information transmise par la nouvelle structure ? L'État français – même si ce n'était pas lui, cela serait toujours perçu ainsi. Il faut savoir si l'AFP est maintenant capable de prendre un autre type de responsabilité, ou si la privatisation mènera à l'irresponsabilité. Les problèmes de la presse écrite ont été remarquablement traités en France par des états généraux qui ont été appréciés, voire admirés dans beaucoup de pays du monde. On peut toujours accuser le Président de la République de faire de la politique politicienne, reste que s'occuper du problème au niveau de l'État a été très positif pour l'image des médias français. Une commission qui travaillerait sérieusement sur le nouveau statut est donc la meilleure solution non seulement pour l'Agence elle-même, mais pour son image dans le monde, qui se traduit en termes d'éventuels clients.

Je dois enfin vous dire que les correspondants étrangers en poste à Paris utilisent principalement l'AFP pour l'information française et relative aux pays où il n'y a pas d'autre correspondant, et moins pour l'information internationale en général. Par ailleurs, et c'est paradoxal, il est possible que la crise de la presse écrite soit favorable aux agences de presse : les journaux envoyant de moins en moins de correspondants à l'étranger, dans le contexte du développement d'internet, le rôle des agences de presse se trouve augmenté.

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