Je vous prie, tout d'abord, de bien vouloir excuser l'absence du président de la Société des journalistes de l'AFP qui est en déplacement à l'étranger.
La Société des journalistes a vocation à représenter l'ensemble de la rédaction indépendamment du statut et de la situation des professionnels, qu'ils soient locaux, nationaux ou à l'étranger. Plus précisément, elle représente plus du tiers de la rédaction et je suis moi-même membre du conseil d'administration de l'Agence.
Je rappelle qu'avec la britannique Reuters et l'américaine Associated Press (AP), l'AFP est l'une des trois agences internationales qui fournissent des informations à la quasi-totalité des médias dans le monde entier. Loin d'être une Agence franco-française, ses journalistes travaillent en six langues – notre premier client est d'ailleurs l'agence japonaise Jiji. En outre, elle est considérée, en Asie en particulier, comme une agence de référence tant le regard français – même si nos journalistes sont tous anglophones pour d'évidentes raisons géographiques – se singularise par rapport à celui des deux agences anglo-saxonnes, comme ce fut le cas notamment lors de la guerre en Irak. Notre crédibilité, en effet, repose entièrement sur notre indépendance à l'endroit de tous les pouvoirs, laquelle est le fruit d'un long et difficile combat.
En l'occurrence, si l'État doit demeurer membre du conseil d'administration de l'Agence, il doit également savoir s'effacer afin de lui permettre de se développer. De ce point de vue, le projet présenté par son PDG nous inquiète car il menace notre indépendance : l'AFP devenant une société nationale à capitaux publics dont l'État serait le seul actionnaire, elle serait de facto nationalisée et l'ensemble de ses concurrent ne manqueraient évidemment pas d'en faire état afin de la décrédibiliser – en particulier auprès de ses clients étrangers. Pourquoi donc tenter le diable en modifiant son statut ? A cela s'ajoute que l'AFP n'est en rien figée : ses journalistes ne sont pas plus éloignés des réalités qu'ils ne sont accrochés à leurs privilèges et arc-boutés sur leurs douze semaines de vacances ! Une majorité écrasante et silencieuse parmi eux travaille et est prête à voir son statut évoluer. C'est elle qui fait l'Agence au jour le jour et grâce à qui CNN ou le New York Times font confiance à l'Agence !
Si nous n'avons quant à nous ni les moyens ni l'expertise pour trouver la solution miracle qui permettrait d'éviter la nationalisation, nous vous invitons à faire preuve de la même imagination que le législateur de 1957, lequel avait su inventer un véritable hapax juridique sur le plan statutaire. Ce n'est ni plus ni moins que l'existence de l'AFP qui est en jeu.