Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Michel Havard

Réunion du 8 décembre 2009 à 18h00
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Havard :

Le Président de la République m'a chargé de faire le point sur l'obligation nouvelle qui sera créée par l'article 26 du projet de loi portant engagement national pour l'environnement, dit « Grenelle II », imposant aux personnes morales de droit privé de plus de 500 salariés, aux établissements publics de plus de 250 personnes et aux collectivités locales de plus de 50 000 habitants l'obligation de réaliser un bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre.

Avant qu'il ne soit possible de formuler des recommandations, plusieurs questions se sont posées.

La première porte sur la finalité de cette obligation et sur le contexte dans lequel elle s'impose à de nouveaux « éligibles ».

La deuxième est de savoir qui sont ces éligibles. À l'aide du numéro SIREN, nous avons pu déterminer environ 3 000 obligés – un peu moins de 2 500 entreprises de plus de 500 salariés, une centaine d'établissements publics et 458 collectivités locales de plus de 50 000 habitants. Pour ce qui est de la définition du périmètre, le seuil de 500 salariés a fait, en particulier, l'objet de nombreuses interrogations de la part des personnes auditionnées.

La troisième question concerne la nature du bilan prévu : que compte-t-on, et dans quel périmètre ?

La quatrième est celle du référentiel et de la méthode retenus, compte tenu notamment du fait que l'article 26 prévoit la mise à disposition gratuite par l'État d'une méthode d'établissement des bilans – laquelle devra par ailleurs être compatible avec celles qui s'appliquent dans d'autres référentiels internationaux.

Une remise à jour des bilans d'émissions de GES, accompagnés de plans d'action, est prévue tous les cinq ans. Mes différents interlocuteurs ont émis des souhaits très variables pour la périodicité – de cinq ans pour les moins motivés à un an pour ceux qui ont déjà intégré depuis longtemps le principe d'un bilan et d'un plan d'action dans leur management environnemental.

Pour les collectivités locales, la question de la superposition et de la cohérence des comptages a été largement débattue. En effet, l'établissement d'un bilan par territoire aurait pour effet que le comptage serait réalisé plusieurs fois dans le même périmètre – dans ma région, par exemple, se superposeraient les comptages de la ville de Lyon, du Grand Lyon, du département du Rhône et de la région Rhône-Alpes. On pourrait donc envisager, en s'inspirant du schéma régional prévu à l'article 23 du même « Grenelle II », qu'un bilan soit établi pour l'ensemble de la région et que les collectivités de périmètre plus réduit qui souhaitent procéder elles aussi à un comptage puissent le faire, à la condition impérative que ce soit en cohérence avec l'autorité régionale compétente. De fait, de nombreuses structures ont la capacité à réaliser ces bilans et l'ensemble des acteurs du territoire pourraient alors contribuer à l'actualisation annuelle du comptage régional en apportant des compléments d'information quant aux émissions liées aux bâtiments, aux transports, aux entreprises ou à l'agriculture, sans pour autant dépenser inutilement l'argent public par la redondance des comptages. Ainsi, les collectivités de plus de 50 000 habitants pourraient réaliser à la fois le bilan de leur activité propre – la gestion de leur patrimoine et de leurs services – et, si elles le souhaitent vraiment, un bilan territorial établi en cohérence avec le niveau régional.

Alors que le comptage national est actuellement « top-down », c'est-à-dire établi à partir d'indicateurs nationaux, ce mécanisme permettrait également une remontée d'informations des différentes régions qui serait très utile à l'organisme chargé du comptage national dans le cadre des engagements internationaux de la France, le CITEPA (Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique).

Il a également été envisagé de créer un pôle national de coordination. L'article 26 donne en effet l'occasion de poser un cadre de cohérence pour l'ensemble des comptages et des plans d'action. Des questions fondamentales se posent sur la collecte des données et sur l'application du facteur d'émissions, notamment dans les domaines du bâtiment, de l'énergie et du transport. De fait, le mode de comptage des émissions de carbone liées à la production d'électricité peut améliorer ou dégrader considérablement le bilan carbone. Je ne prendrai qu'un exemple : selon que l'électricité est achetée à EDF, qui la produit dans des centrales nucléaires, ou à l'Allemagne, qui utilise des centrales à charbon, certaine grande entreprise française de transport ferroviaire présentera d'une année à l'autre des bilans carbone par voyageur très différents. Il conviendra d'associer les usagers et les bureaux d'étude à la définition du facteur d'émissions. Le pôle national de coordination devra également assurer la convergence des méthodes et la cohérence des comptages territoriaux.

La question de la périodicité devra être abordée en vue de nos obligations internationales de réduction des émissions de GES à l'horizon 2020. En demandant à 3 000 nouveaux obligés de compter et, surtout, d'agir, nous créons un outil potentiellement puissant de diminution de ces émissions. La progressivité de l'application de la mesure est donc un aspect important du débat.

Se pose, enfin, la question de la vérification des obligations et des éventuelles sanctions, afin que ces obligations puissent être réellement suivies d'effet.

Voilà donc les principales questions soulevées par la mise en oeuvre concrète de l'obligation nouvelle imposée à 3 000 éligibles. Je suis maintenant à votre disposition pour répondre à vos interrogations. Vos réflexions permettront d'affiner les recommandations que je dois formuler pour le 31 décembre 2009 et qui serviront de base au débat que nous aurons dans l'hémicycle, notamment lors de l'examen de l'article 26.

J'ajoute que, dans la rédaction du Sénat, les entreprises de plus de 500 salariés visées par l'article 26 sont celles issues des secteurs fortement émetteurs. La suppression de cette disposition, qui restreint l'obligation aux entités déjà soumises aux dispositions européennes, a fait l'objet de nombreuses discussions lors des auditions.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion