Monsieur le député, je vais vous répondre au nom de Mme la garde des sceaux et en mon nom personnel.
Nous savons les inquiétudes que suscite, au sein de la profession de notaire, la proposition de la commission présidée par Me Darrois d'introduire dans notre système juridique un acte sous seing privé d'un genre nouveau dont la valeur juridique serait renforcée par le contreseing d'un avocat. C'est un vieux débat : étant moi-même fils et petit-fils de notaire, je connais le monde des notaires et leur sensibilité. J'ai d'ailleurs eu souvent l'occasion d'en discuter avec eux, y compris depuis ma prise de fonctions. Cela a été également le cas pour la garde des sceaux.
S'inspirant des travaux de la commission Darrois, M. le député Étienne Blanc a déposé une proposition de loi ayant pour objet d'instituer l'acte sous seing privé contresigné par avocat. C'est là une initiative parlementaire tout à fait estimable, et qui arrive à point nommé. Nous veillerons à la Chancellerie à ce que qu'elle fasse l'objet d'une expertise et d'un débat approfondis de façon à parvenir, le moment venu, par la voie parlementaire ou autre, à des propositions préservant un équilibre auquel nous sommes tous attachés.
En effet, l'introduction dans la loi de l'acte contresigné par avocat n'a pas pour objectif de remettre en cause le monopole des notaires – si important dans un monde très mal sécurisé sur le plan juridique – ni l'authenticité attachée à leurs actes ; il vise à encourager le recours plus fréquent à des professionnels du droit tenus d'informer les parties à un acte sur les conséquences de leur engagement. C'est une considération importante tant pour ces professions, confrontées à une vive concurrence, que pour nos concitoyens. Mais cette mesure ne doit pas avoir pour effet de porter atteinte à l'autorité de l'acte authentique.
En particulier, la procédure de remise en cause par la voie de l'inscription de faux, réservée aux actes authentiques, doit demeurer attachée à la qualité d'officier public. Les avocats n'ayant pas reçu délégation de puissance publique – à la différence des officiers ministériels que sont les notaires –, l'acte contresigné ne saurait non plus avoir force exécutoire.
Il me semble qu'un consensus doit pouvoir être trouvé, qui rende possible une inscription de la proposition de loi de M. Étienne Blanc dans le calendrier parlementaire ; le débat en ces lieux permettra de trouver un équilibre. Si les difficultés persistent d'ici à la fin de l'année, Mme la garde des sceaux proposera au Premier ministre que cette disposition soit inscrite dans un texte qu'elle portera personnellement, et je serai à ses côtés.