Madame la présidente, les médias ont repris en boucle la malheureuse déclaration du maire de Gussainville, localité de mon département, lors du premier débat sur l'identité nationale. Certains en ont alors profité pour critiquer ce débat : il serait malsain, disent-ils, de s'évertuer à demander l'avis de nos concitoyens sur des sujets de société, malsain de leur demander leurs propres convictions.
Je ne souscris évidemment pas aux propos de cet élu, que je considère contraires aux valeurs de l'UMP, formation politique dont il se réclamait. En conséquence, j'ai décidé de proposer à nos instances politiques départementales de le suspendre, tout en affirmant solennellement que chacun est libre de ses déclarations.
On a beaucoup cité Fernand Braudel, en oubliant qu'il était né dans ma circonscription, mais je n'en fais grief à personne. (Sourires.) Mme Pau-Langevin reprenait ainsi la formule selon laquelle nous sommes tous des fils d'immigrés, et présentait les vagues d'immigration successives comme une chance pour notre pays.
Attaché viscéralement à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, j'estime qu'un étranger accueilli sur notre territoire selon les lois de la République doit être considéré comme ayant les mêmes droits et les mêmes devoirs que les Français dits de souche.
Je soutiens sans réserve le grand débat qui a été organisé, car nos concitoyens demanderont à l'avenir des règles et des valeurs à leurs dirigeants, ce qui est nouveau.
Les règles sont issues des grands changements intervenus dans notre société ces vingt dernières années. La démocratie occidentale, théorisée par Benjamin Constant au XIXe siècle, reposait sur des pouvoirs totalement transférés aux responsables politiques, lesquels, par le biais d'une économie de plus en plus libre, permettaient à leurs concitoyens de jouir d'une quantité croissante de biens et de services. Pour leur part, les citoyens n'avaient pas vocation à intervenir dans les affaires publiques, hormis en période électorale, mais l'élévation du niveau de formation, la généralisation de l'information, les catastrophes sanitaires et les cataclysmes environnementaux rendent maintenant indispensable d'associer nos concitoyens aux décisions prises.
Depuis quelques années sont apparues des exigences nouvelles : fixer des limites aux dérégulations économiques des marchés mondiaux, afin de nous prémunir contre une nouvelle crise ; contrôler l'utilisation de nos ressources énergétiques, afin d'éviter des cataclysmes ; donner de la conscience à la science, afin d'empêcher la création de monstres au visage humain. Des règles de vie sont exigées par le plus grand nombre de nos concitoyens, qui veulent se les approprier. Nous avons donc besoin de valeurs hiérarchisées, comme quoi ce débat n'arrive pas par hasard.
Les valeurs sont le fruit des grands apports de notre civilisation et du passé, mais aussi la résultante des grandes mutations du temps présent. Les apports de la civilisation sont les héritages gréco-romains, mêlés aux valeurs de la religion judéo-chrétienne et à la pensée du siècle des Lumières. Les mutations de notre temps résultent, pour leur part, de l'infusion de nos cultures nées des échanges et des immigrations.
L'héritage de notre passé se conjuguant aux grands courants présents doit constituer le socle de notre identité nationale. Sans la conscience de qui nous sommes, nous ne pouvons pas nous projeter dans l'avenir.
Beaucoup d'autres pays, comme le Canada, ont mené des réflexions analogues. Il est très heureux que la France, à l'instar d'autres nations, s'engage dans ce dialogue.
Je voudrais cependant insister, monsieur le ministre, sur le besoin de mieux structurer ce débat et la nécessité, surtout, de toucher l'ensemble des Français, sans exception. Nous devons prendre notre temps, car il serait trop regrettable de ne pas réussir.
Le Gouvernement s'engage dans de grands débats publics, toujours plus nombreux, avec nos concitoyens : les nanotechnologies, la ruralité, la politique industrielle et, en ce moment, l'identité nationale. Notre devoir est de réussir ces débats. Notre pays trop centralisé, aux contrepouvoirs insuffisants, s'est trop illustré dans le passé en décidant et en discutant ensuite ; partout ailleurs, on consulte, on sonde, on teste, on expérimente. Il ne faut donc pas s'étonner que l'on manifeste en France à la moindre réforme ou que ceux qui n'ont que trop rarement droit à la parole se défoulent en public.
Prenons notre temps afin de toucher le plus grand nombre. Définissons des objectifs précis. Mettons-les en oeuvre en affirmant qu'il s'agira de constituer le socle de notre nouvelle société.
Je souhaite, monsieur le ministre, que ce débat soit un vrai succès, que nous puissions enfin transcender nos clivages politiques et que nos concitoyens, longtemps aveuglés par notre société de consommation, se rappellent que, fort de ses grandes valeurs, notre pays fut longtemps le phare du monde.
« Tout homme a deux pays, le sien et puis la France », disait Goethe. La France doit et peut à nouveau entraîner le monde, et je pense que le monde en a besoin. Encore faut-il que notre pays se retrouve dans ses si grandes et si belles valeurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)