Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord remercier mes collègues du groupe socialiste : alors que, sur la question de la nation, nous avons tous bien des choses à dire, ils ont tenu symboliquement à ce que les porte-parole du groupe soient Marietta Karamanli, Serge Letchimy et moi-même, c'est-à-dire des Français un peu particuliers.
Nous nous demandons ce que vous cherchez avec ce débat. Cherchez-vous à dire que certains Français sont plus respectables que d'autres ? Voulez-vous dire aux étrangers qui viennent travailler dans notre pays qu'ils doivent renoncer à leur propre identité, à leur histoire personnelle ?
Permettez-moi d'évoquer ma propre histoire : je suis née en Guadeloupe, j'ai des ancêtres qui sont venus d'Afrique, j'avais une grand-mère indienne, je suis mariée à un Parisien et mon petit-fils nouveau-né est à moitié kabyle. J'ai l'impression que nous sommes une famille française comme beaucoup d'autres. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.) Ce débat n'est pas digne de la réalité que vivent aujourd'hui tous les Français. (Même mouvement.)
Si l'on peut avoir l'impression que l'identité est remise en cause, c'est parfois par vos services, monsieur le ministre. Je pense à cette famille qui est venue me voir, l'autre jour, et qui est en plein désarroi. Ils se sont vu réclamer avec insistance des preuves de leur nationalité française, alors qu'ils vivent dans ce pays depuis toujours et y ont toujours eu des papiers d'identité. Leurs parents sont venus de Pologne après maintes persécutions et ont été naturalisés français. Aujourd'hui, on veut remettre en cause leur nationalité française, cette identité qui, pour eux, ne faisait aucun doute : c'est leur infliger une blessure insupportable.
En fait, les Français ne doutent pas de leur identité. Attachés aux valeurs de la Révolution de 1789, et particulièrement à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ils savent qu'elle s'adresse aussi aux non-nationaux.
Cette conception n'a jamais été remise en cause, mais au contraire réaffirmée par Renan, même si nous n'éprouvons pas une admiration sans borne pour cet auteur.