Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'expression « identité nationale » date des années 1980. Elle désigne le sentiment, ressenti par une personne, de faire partie d'une nation. C'est aussi l'ensemble des points communs aux individus d'une même nation et formant un ensemble d'habitus socialisant.
Sociologiquement et historiquement, l'identité nationale d'une personne est une intériorisation de repères identitaires, due à une présence quotidienne de points communs de la nation, de manière intime, pratique et symbolique, organisée volontairement par l'État auprès des individus dès leur enfance.
De manière générale, l'identité nationale d'une personne n'est pas figée ; elle évolue et correspond à un parcours de vie.
Ainsi définie, l'identité nationale semble un concept simple : c'est l'ensemble des points communs partagés par un peuple au sein d'une nation, et qui évoluerait a priori de manière individuelle. « L'identité n'est pas donnée une fois pour toutes, elle se construit et se transforme tout au long de l'existence. » C'est bien sur ce point que le débat est engagé.
L'identité nationale a été, en 2007, l'un des thèmes de la campagne électorale de Nicolas Sarkozy. Par fidélité au programme, mais aussi par nécessité, voire par urgence sociétale, il faut à présent réaffirmer et réactualiser, pour mieux les intérioriser et les transmettre, les valeurs et les principes qui font la spécificité, le caractère, la réputation et la fierté de la France. N'hésitons donc pas à poser la question : qu'est ce qu'être français ?
Certains journaux ont eu l'audace – ou le courage – de dire que le débat lancé par M. Besson était une « gageure ». Nous qui sommes les représentants de la nation, nous nous devons de clarifier les repères des Français. La France, terre d'accueil par tradition, se doit de préciser ce que c'est qu'être français. Ce débat n'a rien d'une catastrophe, d'un cataclysme, d'une épée de Damoclès suspendue au-dessus de la société française, dont il menacerait la cohésion et la solidarité. Bien au contraire, il représente une aubaine.
Certes, nul ne l'ignore, toutes les nations – française, italienne, espagnole, anglaise ou autre – se définissent par une langue, un drapeau, des valeurs, une histoire, un hymne. Ce débat nous est l'occasion de réaffirmer et de rappeler cet héritage commun. L'identité française est associée aux valeurs républicaines ; elle est enracinée dans des valeurs universelles, respectueuses de la dignité de l'homme et qui ne peuvent que susciter l'adhésion de tous.
La politique d'assimilation doit prévaloir, et c'est en sens, je crois, qu'il faut comprendre et mener ce débat. Hannah Arendt a dit : « Pour être confirmé dans mon identité, je dépends entièrement des autres. » Ne nous laissons pas emprisonner et impressionner par la propagande opportuniste qui soutient que la diversité culturelle, réalité de la France d'aujourd'hui, serait un danger pour l'identité française et donc pour l'unité nationale : je suis bien placé pour vous en parler, moi qui suis élu de Seine-Saint-Denis. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Fernand Braudel affirmait que « la France se nomme diversité » et que « c'est de l'identité qu'est née la différence. » La France, vivier de rencontres interculturelles, c'est la traduction d'un paradoxe : l'alliance de l'ouverture et de la fermeture, de l'assimilation et de la différenciation, de la transformation et du maintien de l'identité de chacun.
La France d'aujourd'hui est métissée, elle se nourrit des apports des uns et des autres. Filiation et affiliation ne doivent pas être pensées comme exclusives, mais plutôt comme complémentaires.
Considérons cela comme une richesse et non comme un handicap, surtout dans notre monde internationalisé, globalisé, où les frontières sont de plus en plus pénétrables physiquement, virtuellement, intellectuellement. De nos jours, un pays fermé, uniquement peuplé d'autochtones, vivant en autarcie, est inconcevable. Grâce à sa diversité, la France dispose indéniablement d'atouts considérables. La France a le monde en elle. Les minorités visibles sont une chance pour l'économie française, elles sont un levier de la croissance économique. En ce contexte de crise avérée, reconnue et vécue, il n'est pas inutile de le rappeler.
Trois Français sur cinq pensent que ce débat est une bonne chose. Arrêtons donc toutes ces polémiques inutiles sur son inopportunité.
Les actes d'incivilité, de délinquance ou de criminalité commis par des personnes d'origine étrangère ou par des Français issus de l'immigration sont perçus par une grande majorité de la population comme un manquement aux devoirs envers notre pays terre d'accueil.
Encore une fois, et sans stigmatiser ma circonscription ni mon département, je suis convaincu que ce débat est très important, qu'il est devenu indispensable d'encadrer et de définir ce que c'est qu'être français. L'objectif n'est nullement de figer la notion, mais plutôt de l'affirmer, afin de mieux la transmettre. La Seine-Saint-Denis est d'autant plus concernée par le sujet que, pour bien des raisons, le brassage des populations y est important, massif. Ce département, plaque tournante pour les étrangers et les immigrés, est riche de diversités : il est essentiel, tant pour leur intégration que pour leur socialisation, mais aussi pour le bien-être de tous, résidents anciens et nouveaux habitants, que nous définissions la notion d'identité nationale.
Il me semble aussi opportun et inévitable de poser la question de l'Union européenne, des retombées du traité de Lisbonne et des conséquences de ce dernier sur l'identité nationale et sur la problématique houleuse de l'asile et de l'immigration.
Pour conclure, je voudrais vous rappeler un débat qui s'est tenu dans cette assemblée en 1920 à propos de Jeanne d'Arc, l'un des symboles de notre pays. « Ainsi tous les partis peuvent réclamer Jeanne d'Arc. Mais elle les dépasse tous. Nul ne peut la confisquer. C'est autour de sa bannière radieuse que peut s'accomplir aujourd'hui, comme il y a cinq siècles, le miracle de la réconciliation nationale. » Je souhaite que ce débat, comme en 1920, soit un moment de rassemblement, et non pas de division partisane. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)