…enfin, là où les services publics, dans leur neutralité, constituaient le patrimoine laïc de ceux qui n'ont rien, votre gouvernement les détruit un à un, à l'instar de l'éducation nationale, de l'hôpital public ou encore de La Poste, après avoir diminué les mérites de ceux qui les incarnent. Alors que Jaurès, déjà, préconisait que l'émancipation laïque et la résolution de la question sociale marchent ensemble dans la société et dans la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Oubliant que la laïcité porte en elle l'espérance de l'affranchissement de l'homme par le dépassement de tous les dogmatismes, votre gouvernement réduit le débat sur l'identité de la France à celui de notre relation à l'étranger, stigmatisé au sommet d'un minaret, avec tous les égarements nauséabonds que cela autorise. Comment, avec un tel discours, éviter que la morale religieuse qui distingue jusqu'à enfermer les êtres dans le communautarisme, ne se substitue dans chaque conscience à la morale républicaine qui rassemble ? Comment éviter, dès lors, que des jeunes, cherchant en vain un chemin qui les conduise vers la citoyenneté, se retrouvent ailleurs que dans l'école et les institutions de la République, au point de se perdre parfois dans l'extrémisme des fanatismes et des violences sectaires ?
Comment expliquer à ceux qui ne sont pas chrétiens que, si le prêtre ou le pasteur sont plus légitimes que l'instituteur pour transmettre les valeurs essentielles, ils devront, malgré tout, respecter le maître d'école (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) comme le firent des générations et des générations d'élèves de toutes confessions et nationalités, face à ceux qu'on appelait les « hussards noirs de la République » ?
Par-delà la posture, chacun mesurera bien les risques de dislocation de la République par la négation de ses racines laïques. Le modèle anglo-saxon, communautariste, a montré ses dangers et ses limites.
Si aucun creuset de valeurs partagées ne vient, comme un pacte chaque jour réitéré, garantir l'indivisibilité de la République, les particularismes mineront la démocratie, alors que les cultures qui la traversent auraient pu l'enrichir.
C'est pourquoi la laïcité renvoie à la notion ancienne de peuple formant un tout, à l'idée d'une indivisibilité par ailleurs inscrite dans notre Constitution, à l'unité du peuple français.
Cette unité n'est pas un nivellement. Elle permet à la République laïque, depuis plus d'un siècle, d'accueillir et d'intégrer en son sein l'ensemble de ses enfants.
La France que nous désirons ardemment n'accepte pas ces discriminations qui éloignent de l'emploi, ou tout simplement de la vie, une grande partie de ses enfants, en raison de leurs origines ethniques, religieuses ou sociales.
La France que nous désirons ardemment n'a pas peur des musulmans de France, car elle pense la République laïque assez forte pour les accueillir tous dans le respect de ses valeurs.
La France que nous désirons ardemment doit assurer l'égalité républicaine plutôt que réinventer les népotismes d'ancien régime. Elle doit tendre la main à tous les quartiers de ses villes plutôt que de stigmatiser ses banlieues. Elle doit tout mettre en oeuvre pour que l'égalité des chances et la méritocratie quittent leur statut de chimère.
Les immigrés et les plus faibles des Français sont les premiers à pâtir des manquements au contrat social et au pacte républicain. Si l'aggravation de leur condition devait les renvoyer à leurs origines, à leur dénuement, ou, pis encore, étendre les discriminations qu'ils peuvent subir, alors le malaise social aujourd'hui perceptible pourrait se muer demain en rage sociale.
Il ne resterait plus alors qu'à dire, comme aux heures tristes du bonapartisme : « Il est temps que les bons se rassurent et que les méchants tremblent. »
Au moins la démonstration aura été faite, par vous, que la sécurité est davantage menacée par l'éclatement de notre modèle social que par une immigration que, chaque jour, vous assignez devant le tribunal de l'opinion.
En engageant ce débat, Nicolas Sarkozy a sans doute voulu conduire la France à changer peu à peu d'identité. C'est la raison pour laquelle il a confié à un ministre expert en changement d'identité le soin de conduire ce débat. Mais nul n'est dupe de ce qui se joue ici et sur ces thèmes. (Mmes et MM. les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent.)