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Intervention de David Sharp

Réunion du 2 décembre 2009 à 16h15
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

David Sharp, SUD :

Certes, l'AFP est en concurrence, mais elle l'a toujours été, mais il s'agit d'une concurrence partielle. En effet, il n'est pas dans l'intérêt de toutes les agences d'aller chercher toutes les informations. Par exemple, Reuters, en France, ne couvrira pas des informations locales telles que des affaires de police ou certains procès.

On semble partir du principe qu'il existe un problème à résoudre. Est-ce vraiment le cas, ou sommes-nous sous le coup d'un emballement politique ? Selon moi, il y a des deux. On se rappellera en premier lieu que l'AFP a été attaquée assez vivement par des hommes politiques l'année dernière. Ensuite, si un problème existe, j'observe qu'il est mouvant, puisque, lorsque M. Louette a rédigé son premier rapport, la crise mondiale n'avait pas encore commencé. On souligne avec force les effets du développement du web, mais puis-je rappeler qu'il n'y a là, à ce jour, ni source de revenus ni bénéfices ? N'est-ce pas, en tout et pour tout, un effet de mode ? Enfin, on a beaucoup insisté sur les difficultés qu'éprouvent les journaux américains. Elles sont réelles et graves pour certains d'entre eux, mais cela ne doit pas conduire à focaliser l'attention sur un seul pays et sur un seul type de presse, car de nombreux groupes de presse américains demeurent extrêmement rentables.

Dans ce contexte, doit-on attribuer les problèmes que connaît l'AFP à une crise économique mondiale gravissime mais conjoncturelle, ou à son modèle économique spécifique, ce qui signalerait un défaut structurel ? Aujourd'hui même, M. Louette souligne dans La Tribune la révolte des agences de presse face au pillage de leurs informations par les agrégateurs de contenu présents sur l'Internet. On sait ce qu'il en est pour la musique et pour le cinéma. On sait aussi que la loi HADOPI commence d'être copiée de par le monde ; même si elle peut être critiquée sur certains points, elle est fondée sur l'idée que tout producteur doit voir ses productions rémunérées. Pour ce qui nous concerne, toute information mise en ligne peut être copiée à l'infini, si bien qu'en profitent des gens qui ne l'ont pas payée. Selon La Tribune, Associated Press et News Corp., le groupe de M. Murdoch, cherchent à se défendre contre ce piratage constant. Le comité d'entreprise de l'AFP a encouragé M. Louette à réfléchir à cette question, car il est anormal que l'Agence donne l'impression de couler alors que des milliers de sites web utilisent gratuitement les informations qu'elle a collectées. Au moment où l'on apprend que M. Murdoch doit conclure un accord à ce sujet avec Google, ne faut-il pas se demander si la crise que traverse l'AFP ne s'explique pas tout bonnement par le fait que sa production ne lui est pas payée ?

Par ailleurs, j'insiste à nouveau sur le fait que l'AFP doit se centrer sur le coeur de son métier – le journalisme et l'information – et non sur des produits dérivés et des gadgets qui risquent de poser des problèmes déontologiques.

Enfin, la composition du conseil d'administration de l'Agence est certes inhabituelle, et une logique perverse est peut-être à l'oeuvre car les clients qui y siègent n'ont pas intérêt à ce que les tarifs augmentent, mais ce conseil a pour particularité que les administrateurs représentent des catégories de clients. Ce n'est pas du tout la même chose que si, pour reprendre cet exemple, Mme Carol Bartz, présidente de Yahoo, y avait un siège parce que Yahoo est un gros client de l'AFP ; que se passerait-il si Yahoo se désabonnait, comme il l'a d'ailleurs fait pour partie ? À supposer que la composition du conseil d'administration soit modifiée, il doit demeurer constitué selon le modèle coopératif : ce ne sont pas des clients particuliers qui doivent y être représentés, mais toujours des catégories de clients.

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