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Intervention de Florence Panoussian

Réunion du 2 décembre 2009 à 16h15
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Florence Panoussian, CFDT :

Sans revenir sur ce qu'on dit mes collègues, je souhaite rappeler que le statut de l'AFP est à part. Beaucoup de gens nous posent la question : êtes-vous une agence publique, une agence d'État ? Non, justement. Nous ne voulons pas que l'on puisse affirmer à l'avenir que nous sommes une agence d'État. J'ai, moi aussi, longtemps travaillé à l'étranger, en Amérique latine et en Afrique. La force de l'AFP est de pouvoir dire qu'elle n'est pas la voix de la France. Un des arguments de M. Louette est que France Télévisions et Radio France sont des médias d'État, ce qui ne les empêche pas d'être indépendants. Mais leur situation est complètement différente : ils ne sont pas fournisseurs d'informations pour d'autres médias ; ils ne disposent pas d'un réseau international comme le nôtre ; ils ne travaillent pas, comme nous, pour des clients étrangers. Vous ne verrez jamais publiées en France certaines informations que diffuse l'AFP, parce qu'elles sont publiées en espagnol pour des journaux hispanophones. Et parce que nous sommes la seule agence généraliste non anglo-saxonne, nous tenons beaucoup à notre statut.

Je travaillais en Amérique latine au moment du coup d'État contre Chavez. Il y avait là Reuters, Associated Press, et EFE, l'agence espagnole. Or tout le monde attendait les dépêches de l'AFP, parce que nous étions la seule agence à ne pas avoir l'étiquette de gringo ou celle d'ancien colonisateur. Le fait de passer sous la coupe de l'État mettrait tout cela à bas.

Un autre danger du changement de statut voulu par la direction actuelle est le passage d'une étatisation à une privatisation. J'ai vu certains d'entre vous tiquer lorsque cette crainte a été exprimée, mais à partir du moment où l'État est détenteur du capital, rien ne l'empêche d'ouvrir ce capital à des personnes privées. M. Louette affirme que personne ne s'intéresserait à l'AFP parce qu'elle n'est pas rentable du point de vue financier. Mais il a pourtant tenu, le 21 septembre, ces propos significatifs : « L'AFP, dans le cadre de la gouvernance actuelle, doit donc se retourner vers l'État, et l'État attend en retour que la forme juridique de l'AFP évolue, pour que l'investissement consenti soit matérialisé par un titre si possible rémunéré. » Or une société par actions peut passer d'un actionnaire unique à des actionnaires multiples.

Mes collègues ont évoqué la façon dont l'État pourrait « contractualiser » les missions d'intérêt général pour justifier un financement public et se mettre ainsi en règle vis-à-vis de Bruxelles. Ces missions, nous les remplissons depuis toujours, avec des bureaux qui ne sont pas forcément rentables, situés dans des pays où nous n'avons pas nécessairement de clients. Et ces missions intéressent fortement l'État français. En effet, quand on est à l'étranger, lorsqu'une crise survient, il ne se passe pas un jour sans que l'on reçoive un appel de la mission économique ou de l'ambassade de France, car elles ont besoin des informations dont nous disposons. De la même façon, les grandes organisations internationales telles que l'ONU ou l'OMS, en cas de crise, nous sollicitent. Les missions d'intérêt général existent donc : il suffit de les mettre par écrit pour justifier un financement.

Passer à 100 % sous la coupe de l'État serait en contradiction avec les efforts consentis pendant des années afin de réduire la part de l'État dans notre chiffre d'affaires, une part dont l'ampleur nous était reprochée. Désormais, nous avons de très nombreux clients étrangers qui ne comprendraient pas un changement de statut et perdraient confiance. M. Louette s'appuie sur le fait que des clients français nous quittent, notamment parmi la PQR. Mais nous voyons venir depuis longtemps la désaffection des Français pour les petits ou grands quotidiens régionaux. Faut-il faire peser sur l'AFP le poids de cette crise structurelle ?

Dans son « projet de projet » du 31 mars, M. Louette disait que « le statut de 1957 reflète l'idée d'associer majoritairement la presse au fonctionnement de l'agence tout en ne faisant pas de l'AFP une coopérative que la presse française n'aurait de toute évidence pu financer ». C'est encore le cas aujourd'hui : l'aide de l'État à l'AFP a toujours été vue comme une aide indirecte à la presse, motivée par le souci de garantir la pluralité de l'information et la liberté d'opinion.

Un autre argument que nous renvoie la direction est que les syndicats bloquent tout, qu'ils seraient contre tout changement. Mais nous sommes pour la modernisation de l'Agence ! Nous sommes montés au créneau pour la photographie internationale. Rentrée à Paris depuis un an, je travaille aujourd'hui à la rédaction multimédia, qui se veut le fer de lance des nouveaux produits. Mais cette rédaction existe depuis dix ans ! La crise structurelle de la presse quotidienne régionale s'explique aussi par l'engouement pour le web. Mais cet engouement va-t-il durer ? Peut-on tout miser là-dessus ?

Il faut nous laisser la liberté que permet le statut de 1957, même s'il a sans doute besoin d'être dépoussiéré, notamment pour ce qui concerne la gouvernance. Ainsi, il serait aberrant que des clients qui se sont désabonnés siègent encore au conseil d'administration. Mais cela ne justifie pas de mettre à bas le statut actuel.

Pour montrer que tous les personnels de l'AFP – qui s'impliquent depuis longtemps dans cette agence, parfois au péril de leur vie – sont concernés, et que tout cela n'est pas seulement une histoire entre la direction et les syndicats, l'intersyndicale a décidé d'organiser un référendum afin de consulter le personnel. Il sera lancé le 12 janvier, jour de la table ronde organisée au Sénat, et se tiendra jusqu'au 26 janvier. Seront interrogés tous les personnels AFP de statut « siège » qui votent pour les élections professionnelles – mais non les personnels de statut local, malheureusement, car ce ne serait pas légal. La question posée sera la suivante : « Approuvez-vous le projet de nouveau statut défendu par le PDG et comportant la transformation de l'AFP en société par actions ? »

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