Cette possibilité m'avait été proposée mais l'anglais est la langue de notre groupe. Il s'agit de surcroît de la langue la plus parlée dans le monde. Une partie d'entre vous devrait d'ailleurs pouvoir suivre mon propos directement, sans recourir à la traduction.
Pour nos hélicoptères militaires, je le reconnais, nous accusons beaucoup de retard, et la responsabilité en incombe en grande partie à l'industriel : nous avons sous-estimé les problèmes techniques ainsi que la complexité de tels programmes internationaux. Il convient toutefois de comparer la situation européenne à celle de nos concurrents américains.
Dans la dernière décennie, ceux-ci ont participé à trois programmes d'hélicoptères. Le programme Comanche a été annulé en 2003 à cause d'un dépassement de coût. Le contrat sur les hélicoptères de reconnaissance, attribué à Bell, n'a pas abouti car le constructeur n'a pas réussi à assurer les performances demandées. De même, le programme sur l'hélicoptère présidentiel a été interrompu en raison de ses résultats insuffisants et d'un très important dépassement de coût. À l'inverse, je note que nous parvenons à équiper nos clients puisque le Caracal, le Tigre, la Gazelle et le Super Puma sont parfaitement opérationnels en Afghanistan, où ils augmentent considérablement les capacités des armées qui les utilisent.
Je partage votre analyse : nous avons un problème industriel à Marignane. Comme je l'ai dit, nos performances industrielles sont insuffisantes ; mais c'est la même chose sur tous nos sites. Simplement, depuis 2006, nos livraisons ont augmenté de 20 % par an, et nous avons dû recruter chaque année 1 000 personnes supplémentaires à Marignane, auxquelles s'ajoutent 650 personnes supplémentaires parmi les sous-traitants et les intermédiaires. Le taux de nouveau personnel s'est donc considérablement accru.
Nous avions deux possibilités : soit nous essayions de conserver notre position dans un marché civil en plein développement, ce qui supposait qu'Eurocopter se développe très vite, soit nous abandonnions le marché à nos concurrents. Nous avons fait le premier choix, ce qui nous a permis d'avoir une croissance exceptionnelle quatre années de suite. Pour autant, cela s'est fait au détriment de l'intégration et de la formation des nouvelles recrues. Aujourd'hui, nous devons remédier à des problèmes de qualité ; toutefois, nous sommes en train de réduire le nombre d'intermédiaires, ce qui nous facilite la tâche.
Nous avons créé en 2009 une cellule chargée de remettre de l'ordre dans le programme Tigre ; elle est dirigée par un ancien ingénieur en chef du programme Tigre qui le connaît parfaitement. Dominique Maudet vous apportera des précisions sur ce point.
La situation du NH 90 est totalement différente. S'agissant de la France, il convient de distinguer la version terrestre (TTH), commandée en 2007 et qui doit être livrée en 2011, et la version navale (NFH). Le programme se caractérise par sa dimension internationale et, de ce point de vue, sa conception est loin d'être optimale. Du côté industriel, le système fonctionne au travers d'un consortium, au sein duquel même un partenaire très minoritaire comme le néerlandais Fokker a la possibilité de bloquer n'importe quelle décision. Du côté gouvernemental, la gestion du programme a été confiée à la NATO Helicopter Management Agency (NAHEMA), agence de l'OTAN à la volonté réelle mais au pouvoir limité. Nous sommes obligés de passer par elle, tout en travaillant aussi avec les nations, ce qui rallonge d'autant les discussions.
Nous avons réglé les problèmes du côté industriel, mais il sera difficile de changer quoi que ce soit du côté de la NAHEMA, malgré nos demandes. Le processus décisionnel est extrêmement lent. Par exemple, si vous voulez livrer un hélicoptère, il faut fournir un manuel de vol : en Allemagne, le pilote est censé connaître par coeur ce qui est imprimé en caractère gras ; en Italie, la totalité du texte doit être en gras, afin qu'il puisse être lu facilement à toute heure de la journée. Il a fallu quatre mois pour que les différents pays parviennent à un accord sur ce seul sujet ! Nous avons totalement sous-estimé ce problème, du côté industriel comme du côté gouvernemental. Il ne faudra pas reproduire cette erreur.
S'agissant des appareils à livrer, la version navale française a été qualifiée il y a deux semaines par la NAHEMA pour les opérations de sauvetage. Le premier modèle, qui doit être livré en mars, a effectué son baptême de l'air la semaine dernière. Nous serons donc en mesure de respecter les nouveaux délais qui avaient été communiqués au début de l'année 2008. En ce qui concerne la version terrestre, aucun retard n'est prévu pour la version française.