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Intervention de Gilles Carrez

Réunion du 2 décembre 2009 à 9h30
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Carrez, Rapporteur général :

Je veux insister sur l'importance de cet amendement qui vise à créer une procédure d'enquête judiciaire fiscale. Je précise qu'il ne s'agit nullement de créer un service fiscal judiciaire.

Comment cela fonctionne-t-il aujourd'hui ? Aujourd'hui, pour saisir le parquet, il faut une autorisation préalable de la Commission des infractions fiscales (CIF). Cette Commission ne peut être saisie qu'à partir d'un dossier constitué de preuves. Or, au cours de la mission, nous avons constaté qu'il faut un délai de neuf mois à un an pour constituer un tel dossier et obtenir, dans quasiment tous les cas, l'autorisation préalable de la Commission. Dans les cas complexes, les preuves ne peuvent être réunies. Lorsque la CIF est saisie, le contribuable concerné est informé. Il existe donc un risque non négligeable de dépérissement des preuves durant le délai de constitution du dossier et l'examen du dossier par la CIF.

De plus, les agents de l'administration fiscale ne disposent pas de pouvoirs de police judiciaire contrairement à la police nationale ou aux agents des douanes. Or, il ressort des auditions de la mission que les magistrats n'ont pas toujours l'expertise nécessaire et le savoir-faire suffisant pour enquêter sur certains montages d'évasion fiscale. Par exemple, au titre des plaintes déposées, après autorisation de la CIF, contre des pratiques au Lichtenstein, le procureur aurait fait appel à la douane pour disposer d'une expertise. Il nous paraît donc nécessaire de conférer des pouvoirs de police judiciaire aux agents de l'administration fiscale, compétents en matière de lutte contre l'évasion fiscale. Je précise que l'Italie, l'Allemagne, comme de nombreux États, disposent d'un véritable service fiscal judiciaire. La France a une tradition différente qui met en avant le respect des droits des contribuables. Toutefois, dans la mesure où ce projet de loi de finances rectificative comprend plusieurs mesures de lutte contre les paradis fiscaux et l'évasion fiscale, il nous semble utile d'introduire une nouvelle procédure, respectueuse des droits des contribuables, mais plus efficace que celle en vigueur actuellement.

Le présent amendement propose donc le dispositif suivant.

En premier lieu, il maintient la saisine préalable de la CIF, mais introduit une procédure accélérée en cas de présomptions caractérisées d'infraction fiscale pour laquelle existe un risque de dépérissement des preuves, qui permette de ne pas informer le contribuable préalablement à la saisine du procureur, et ce dans trois cas de figure :

– en cas de falsification ou de toute autre manoeuvre impliquant un montage destiné à égarer l'administration ;

– en cas d'utilisation, aux fins de se soustraire à l'impôt, de comptes ou de contrats souscrits auprès d'organismes établis dans un État ou territoire non coopératif ;

– en cas d'interposition d'une personne ou d'un organisme établi dans un État ou territoire non coopératif.

En second lieu, l'amendement encadre les pouvoirs de police judiciaire des agents de l'administration fiscale à travers les garanties suivantes :

– les agents ne seraient compétents que pour intervenir dans les trois cas de figure précités ;

– ils ne pourraient intervenir qu'après avoir été personnellement désignés par arrêté des ministres chargés du budget et de la justice, et habilités par le procureur général ;

– pendant toute la durée de leur habilitation, ils seraient placés sous l'autorité exclusive du procureur de la République et ne pourraient pas participer à une procédure de contrôle fiscal. Ils seraient donc déconnectés de leur administration d'origine ;

– enfin, ils ne pourraient ni effectuer des enquêtes judiciaires sur des faits pour lesquels ils ont participé à une procédure de contrôle fiscal, ni participer à un contrôle fiscal relatif à des faits sur lesquels ils ont été habilités à enquêter.

C'est en effet la responsabilité des hommes politiques que de montrer que nous sommes soucieux de la protection des droits individuels des citoyens. Je précise qu'il s'agit d'un dispositif plus protecteur que celui applicable à la douane judiciaire du point de vue du contribuable. Je ne vous cache pas que le ministère des finances envisage cette avancée depuis longtemps, mais qu'elle fait l'objet d'un blocage, lié à la crainte que des contrôles fiscaux s'accompagnent d'une descente de police dans les locaux d'une entreprise pour arrêter son dirigeant. Or, ce n'est pas du tout l'objet du présent amendement.

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