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Intervention de Valérie Rosso-Debord

Réunion du 2 décembre 2009 à 10h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Rosso-Debord, rapporteur :

Depuis la création de la procédure de surendettement en 1990, près de deux millions et demi de dossiers ont été déposés dans notre pays. Les cinq dernières années, le nombre de demandes annuelles s'était stabilisé aux alentours de 180 000, mais la grave crise économique que nous traversons se traduit par une nouvelle hausse de ce chiffre ; plus de 200 000 dossiers ont été déposés depuis un an. 738 000 ménages sont actuellement, selon la Banque de France, en cours de désendettement, c'est-à-dire couverts par une mesure d'apurement en vigueur.

Pour autant, doit-on considérer que nos concitoyens abusent des facilités du crédit ? Le taux d'endettement des ménages français – c'est-à-dire le ratio de leur dette à leur revenu disponible – a certes presque triplé en trente ans, passant de 26 % en 1978 à 75 % actuellement, mais cette évolution semble surtout corrélée à celle des prix de l'immobilier, qui reste le principal motif d'emprunt, et je crois que personne ne conteste l'importance de l'accession à la propriété du logement pour ceux qui le souhaitent. Par rapport à certains de nos voisins européens, ce taux reste au demeurant modéré : le taux d'endettement des ménages dépasse 200 % au Pays-Bas, 100 % en Grande-Bretagne et en Allemagne.

Le nombre de ménages français ayant un crédit en cours est plus fluctuant, à la différence du taux d'endettement. Le taux de détention de crédits par les ménages a atteint en 2008 un niveau historiquement élevé, avant un probable reflux du fait de la crise financière. Ce taux s'est, en effet, établi à 52,6 %, ce qui représente l'un des niveaux les plus élevés constatés depuis 1989. Près de 14 millions de ménages ont des crédits en cours : 8,35 millions ont un crédit immobilier et 9,05 millions un crédit à la consommation.

S'agissant des prêts à la consommation et plus particulièrement des crédits renouvelables, dits revolving, notre pays occupe en Europe une position moyenne. En 2007, l'encours moyen de crédit renouvelable par ménage était de 1 100 euros dans notre pays, soit à peine plus que la moyenne de 9 pays étudiés par le rapport du cabinet Athling, et beaucoup moins que dans un pays comme la Grande-Bretagne, où cet encours moyen dépassait 3 500 euros.

Il faut aussi savoir que plusieurs lois ont encadré depuis 1978 le crédit à la consommation et particulièrement le crédit renouvelable avec des mesures, notamment de réglementation de la publicité, visant à garantir le consentement « éclairé » des souscripteurs. Certaines analyses mettent d'ailleurs en avant le fait que seuls 60 % des ménages français peuvent effectivement accéder au crédit, les autres s'en trouvant de fait écartés quand ils le sollicitent. En outre, 15 % des ménages, compris dans les 60 %, ne peuvent de fait accéder qu'au crédit renouvelable. Cette situation serait due à des éléments de réglementation comme le calcul différencié du taux de l'usure par type de crédit, qui conduit à spécialiser le crédit renouvelable sur les risques jugés les plus élevés, ainsi que la difficulté à apprécier la solvabilité des emprunteurs de manière fiable et peu coûteuse, qui résulterait de l'absence de ce que l'on appelle le « fichier positif ».

Dans ce contexte, l'objectif du projet de loi n'est pas de décourager la diffusion du crédit à la consommation, qui est un outil puissant de soutien de la croissance et peut bénéficier tout particulièrement, sous certaines conditions, aux plus modestes de nos concitoyens. D'où l'abandon d'options radicales comme l'interdiction du crédit revolving. Il s'agit plutôt de promouvoir un crédit responsable.

Je ne vais pas détailler les nombreuses mesures du projet. Un certain nombre visent à ce que les emprunteurs soient encore mieux mis en garde, informés et conseillés par les organismes prêteurs. Dans cette optique, une mesure particulièrement importante consiste à mettre fin au « crédit malgré soi », qui résultait de la distribution de cartes de fidélité auxquelles est attachée une ligne de crédit qui est activée lors de tout achat. Désormais, les avantages promotionnels des cartes de fidélité ne pourront pas être conditionnés à l'usage à crédit de ces cartes. Le consommateur pourra toujours choisir de payer au comptant et l'usage de la carte à crédit devra être décidé à chaque achat.

Plusieurs dispositions visent également à généraliser les crédits amortissables : pour financer un achat, les consommateurs devront toujours avoir le choix entre une ligne de crédit renouvelable et un crédit amortissable et toute échéance de crédit renouvelable devra inclure une part de remboursement du capital. Par ailleurs, la réforme du taux de l'usure adoptée au Sénat évitera que soient calculés deux taux de l'usure pour les crédits à la consommation, l'un pour les prêts personnels, l'autre pour les crédits revolving, car ce système conduit actuellement à des taux maxima très différents, 9,2 % dans un cas, plus de 20 % dans l'autre, et donc au report obligatoire sur le crédit revolving de toute une série de crédits impliquant des taux élevés, compte tenu de leur faible montant ou des caractéristiques des emprunteurs.

Enfin, pour finir sur les mesures du texte concernant le crédit, il est proposé de pérenniser et de redéfinir le fonds de cohésion sociale, qui garantit le micro-crédit à des fins sociales, afin d'assurer le développement de cet outil. Les premiers retours sur le micro-crédit en provenance des centres communaux d'action sociale qui l'expérimentent, montre, en effet qu'il bénéficie à des gens très modestes qui ne peuvent accéder au crédit classique : on relève un revenu mensuel moyen de 947 euros et des situations d'emploi presque toujours précaires, chômage, minima sociaux ou contrats temporaires. Et cependant, le taux de défaillance dans le remboursement est, pour le moment, très faible.

Pour ce qui est des procédures de surendettement, partie du texte dont nous sommes saisis, les mesures proposées n'en changent pas l'architecture générale, mais devraient apporter des améliorations importantes. Elles s'inscrivent dans trois axes :

Premièrement, il s'agit d'améliorer la situation des personnes sous procédure. Ainsi les frais de santé, les frais de garde d'enfants et ceux afférents aux déplacements professionnels devront être pris en compte pour fixer le reste à vivre laissé aux familles dans le cadre des plans d'apurement, ce qui n'était pas prévu jusqu'à présent. Le texte rend également automatique la suspension des procédures d'exécution portant sur les dettes autres qu'alimentaires au moment de la décision de recevabilité du dossier par la commission de surendettement ; il ne sera plus nécessaire de demander cette suspension au juge d'instance.

Deuxièmement, les procédures peuvent être rendues plus rapides et plus simples. Il est proposé de réduire de six à trois mois la durée maximale de la première phase de la procédure de surendettement, durant laquelle la commission de surendettement doit statuer sur la recevabilité du dossier et décider de son orientation entre une poursuite de la procédure administrative et un basculement sur la procédure judiciaire de rétablissement personnel. Par ailleurs, quand la commission ne peut amener les créanciers et le débiteur à trouver un accord amiable de rééchelonnement, elle peut actuellement « recommander » un certain nombre de mesures qui sont ensuite homologuées par le juge d'instance ; il est proposé que la commission puisse « imposer » certaines de ces mesures sans homologation obligatoire, les créanciers mécontents restant libres de saisir le juge pour contester ces mesures. De même, une forme simplifiée de la procédure de rétablissement personnel – ou « faillite personnelle » – pourra être mise en oeuvre par la commission, sans procédure judicaire pleine mais seulement avec homologation, quand il n'y aura aucun bien de valeur significative susceptible d'être vendu dans le cadre d'une liquidation judiciaire.

Enfin, il y a la volonté d'améliorer la transparence d'un dispositif parfois critiqué pour ses pratiques variables selon les lieux. Les commissions de surendettement devront avoir un règlement intérieur public et rendront compte annuellement de leur activité.

Le projet de loi veut aussi rendre plus réactif l'actuel fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP), notamment en prévoyant sa mise à jour en temps réel, en améliorant le droit d'accès des personnes inscrites et en réduisant les durées d'inscription quand un plan d'apurement se déroule sans incident. Certains, pourtant, estiment que cela ne sera pas suffisant et prônent un « fichier positif » (par opposition aux « fichiers négatifs » où l'on répertorie les incidents et les défaillances) où seraient recensés tous les engagements souscrits par des particuliers en France, afin de faciliter l'appréciation de la solvabilité des demandeurs de crédit. Il est vraisemblable qu'un fichier positif serait un instrument efficace de plus grande concurrence et de plus grande diffusion du crédit, notamment vers les catégories sociales modestes. Cependant, au regard des expériences étrangères, notamment belge, l'effet de prévention du surendettement est plus incertain et controversé. Or, l'atteinte à la vie privée que peut représenter un tel instrument est évidente, il s'agirait de ficher vingt millions de français. Le Sénat a donc souhaité que cette question fasse l'objet d'une étude sérieuse durant les trois prochaines années, option que j'estime raisonnable.

Je ne serai donc pas favorable à l'amendement de Cécile Gallez introduisant, dès à présent, un tel fichier positif. Je vous proposerai d'autres voies, plus modestes mais immédiates, d'amélioration de la situation des personnes surendettées.

Il s'agirait notamment d'interdire ce que l'on appelle les intérêts intercalaires, c'est-à-dire les intérêts qui courent durant le déroulement de la procédure de surendettement, qui font qu'un plan d'apurement peut apparaître inadapté dès le début, car s'y ajoute la charge de ces intérêts.

Il s'agirait aussi de mieux protéger les personnes surendettées qui sont propriétaires de leur logement ; actuellement, au motif qu'elles ont un bien de valeur à vendre, ces personnes sont parfois écartées des procédures de surendettement ; c'est excessif. La propriété du logement ne doit pas être un motif en soi d'irrecevabilité d'un dossier, si l'on est dans le cas d'un logement principal.

L'utilité des programmes d'éducation budgétaire mérite également d'être affirmée, car cela est très utile quelle que soit la catégorie sociale.

Enfin, je vous proposerai des mesures techniques pour améliorer les règles de protection des surendettés contre les saisies, notamment dans le cas où, au cours de l'exécution d'un plan d'apurement qui n'apparaît pas tenable, un basculement dans la procédure de rétablissement personnel est demandé.

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