…ont augmenté de 70 % entre 1970 et 2004, dont 24 % depuis 1990, année de référence. Ces émissions pourraient doubler d'ici 2050.
Deuxième constat : la vitesse de réchauffement a doublé au cours des cinquante dernières années. D'ailleurs, onze des douze dernières années ont été parmi les plus chaudes jamais enregistrées depuis 1850.
Voilà un constat clair, difficile à évoquer pendant une telle séance, mais qui, à lui seul, démontre l'urgence d'agir.
Spontanément et en ayant une vision à court terme, la tendance serait de se dire que ce n'est pas le bon moment d'agir, en ces temps de crise. L'économiste Nicolas Stern a très bien contré cet argument en démontrant que plus l'on tarde à agir, plus le coût des actions à entreprendre est élevé.
Cela dit, ce ne serait pas la première fois que nous ferions preuve d'égoïsme ou – permettez ce néologisme – de « chronocentrisme », en pratiquant la procrastination et en prônant : « Après moi le déluge ! »
Ceux qui ont inventé cette expression populaire n'imaginaient d'ailleurs pas la réalité de son fondement sémantique.
On va déjà laisser aux générations futures des déficits publics colossaux. Évitons de leur léguer en plus des déficits environnementaux irréversibles, une planète devenue irrespirable et climatiquement dangereuse.
Monsieur le ministre, 2009 ne doit pas rester uniquement dans l'histoire comme l'année de la grande crise financière mondiale ; 2009 doit aussi rester dans les mémoires comme l'année où le monde s'est uni pour trouver une solution au problème climatique. Pour reprendre un sigle devenu familier dans cet hémicycle, le monde doit procéder à sa RGPP, c'est-à-dire à sa revue générale des pratiques polluantes.
Certes, ce sera difficile et douloureux. Pourtant, ce réalisme ne doit pas nous faire sombrer dans le pessimisme qui, trop souvent, règne autour de ce sommet.
Quand j'entends les éternelles Cassandre nous expliquer que ça ne marchera pas, que ce sera un remake de Kyoto, qu'on va accoucher d'une souris, cela me rappelle l'histoire que me racontaient mes étudiants burkinabés et qui va sûrement vous plaire, monsieur le ministre. C'est celle de deux pessimistes qui se rencontrent. L'un propose : « Et si on créait un club de pessimistes ? » Et l'autre de répondre : « Non, laisse tomber, ça ne marchera pas. » Voilà pour les perpétuels pessimistes.
À ces indécrottables marchands de malheur, je voudrais dire deux choses. Tout d'abord, il n'y aurait pas Copenhague s' il n'y avait pas eu Kyoto, Rio, Berlin, ou plus récemment Montréal, Nairobi et bien sûr Bali.
Si Copenhague doit être le premier chapitre d'un monde nouveau, cela ne s'obtiendra pas en claquant des doigts. Copenhague est la résultante de tout un processus enclenché depuis vingt ans, et seulement depuis vingt ans.
Ensuite, il me paraît important de rappeler que, indépendamment des décisions individuelles des 192 pays de faire ou de ne pas faire, il y a une prise de conscience incroyable au niveau des populations. Un mouvement international s'opère de bas en haut des organisations humaines. Même si nous savons que c'est insuffisant, c'est nouveau et c'est déjà un premier succès.
Nous le vivons en tant qu'individus, en tant que pères et mères de famille, en tant que responsables de collectivités locales. S'il reste inégal sur le plan planétaire, un vent favorable souffle dans l'opinion sur ce sujet, et il est générateur de changements comportementaux.
De plus, depuis des mois, des délégations du monde entier se rencontrent, des experts débattent, les ONG se mobilisent. Cela aussi, c'est un premier succès !
Des pays longtemps très réticents, comme les États-Unis, la Chine ou encore la Russie ont fait ces derniers temps des pas en avant très significatifs, certes insuffisants mais déjà louables.
Aux États-Unis, le Texas – terre d'énergies fossiles s'il en est et berceau de l'ancien président George Bush, peu connu pour ses engagements écologiques – est en train de devenir le premier producteur national américain d'énergie éolienne.
La Chine, si rétive à la remise en cause de son modèle de développement, s'y met également par pragmatisme, pour contrer notamment les innombrables et dramatiques pollutions en tout genre, qui sont à l'origine des plus importantes révoltes sociales du pays.
D'autres parties du monde, jusqu'à présent éloignées des préoccupations du développement durable, commencent à s'impliquer.
Je voudrais maintenant vous parler de l'Afrique et souligner l'effort de certains pays de ce continent. Je pense en particulier aux projets éoliens de l'Éthiopie ou encore du Kenya, des pays pourtant très pauvres – vous y avez fait allusion – et peu responsables du réchauffement de la planète.
L'empreinte carbone personnelle d'un habitant du Burundi est en moyenne égale à celle d'un poste de télévision occidental en veille. Copenhague, monsieur le ministre d'État, ne sera pas un succès s'il se résume à un accord entre les enfants gâtés de la terre. Certes, ce sont eux qui ont cassé le jouet et c'est donc à eux, à nous, qu'il revient de le réparer. Mais Copenhague doit aussi et surtout être un grand moment historique pour l'Afrique, ce continent que nous avons lâchement abandonné à son tragique destin.
Aujourd'hui, mes chers collègues – en tout cas ceux qui veulent bien m'écouter –, 500 millions d'Africains, soit 60 % de la population du continent, n'ont pas accès à l'électricité, alors que l'Afrique dispose de ressources importantes en énergies renouvelables dans les domaines de l'hydraulique, de la géothermie et, bien entendu, du solaire. J'en profite, monsieur le ministre d'État, madame la secrétaire d'État, pour dire qu'il est essentiel que la France dénonce avec force, devant les autorités de l'ONU, la nouvelle forme de colonisation dont sont victimes de nombreux pays africains comme le Gabon, l'Angola, la Zambie, le Mozambique, la République démocratique du Congo ou encore Madagascar. Ce qui se passe là-bas, cette mainmise de grands pays ou de grands groupes privés sur les terres arables, est le grand scandale malthusien du début du siècle.
La France, quant à elle, est à la pointe du combat : le groupe Nouveau Centre, qui s'en réjouit, tient à le souligner et à vous en féliciter, monsieur le ministre d'État, vous qui abordez ce sujet avec détermination, panache et beaucoup d'humanité. Notre pays est en pointe car il s'applique à lui-même ce qu'il demande aux autres : par cette véritable révolution culturelle que représente le Grenelle de l'environnement, il s'est en effet engagé à diviser par quatre ses émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2050. Est-il d'ailleurs utile de rappeler que la France a réduit ses émissions, et qu'elle est l'un des rares pays à respecter les engagements qu'elle a pris à Kyoto ?