Parce qu'ils nient la personne humaine – je vais y venir.
Madame Grosskost, je ne conçois pas de restriction à cet interdit, à l'inverse de Bertrand Mathieu qui estime qu'un lien contractuel doit exister. Le principe doit être clair, objectif : on ne doit pas dissimuler son visage, dans tout l'espace public, et à l'égard de quiconque.
Monsieur Perruchot, il est toujours délicat de fixer le bon quantum. Une chose est certaine, il faut respecter le principe de proportionnalité. S'agissant des femmes qui seraient prêtes à affirmer que le port du voile intégral leur est imposé, je ne verrais que des avantages à ce que cette contrainte soit considérée comme une violence, et qu'à ce titre, elle soit visée par la loi réprimant les violences faites aux femmes.
Certes, le fait de contraindre une femme à porter le voile intégral constitue une négation de sa personne, Madame Hostalier. Mais il serait hasardeux d'affirmer que toutes celles qui portent le voile intégral y sont forcées. Certaines voient même dans cette pratique une forme d'affirmation de soi. Cela peut nous révulser, mais cela fait partie de leur code social. Le critère de l'interdiction ne peut donc être la contrainte, sauf à accepter d'autoriser le port du voile intégral lorsque la femme l'a librement choisi. Dès lors, il est vain de parler de négation de la personne, et d'en faire une atteinte au principe de dignité. Je le répète, ce principe n'entre pas en jeu ici.
Enfin, le principe d'égalité entre les hommes et les femmes est bien affirmé dans la constitution afghane. Mais comme d'autres principes, il n'est pas appliqué.
Le 26/01/2010 à 15:14, Miguel Karm a dit :
Mesdames et Messieurs les députés, Mesdames et Messieurs les professeurs de droit,
Permettez-moi de vous faire part d'une position et d'une proposition d'argumentation juridique.
1) Concernant l'utilité et la nécessité d'une loi interdisant la burqa: en effet la loi précise et détermine sous forme de règle les principes qui constituent la structure de la société et du contrat social. Elle a aussi pour mérite d'énoncer clairement l'autorité d'une norme qui est celle des pouvoirs publics, qui s'impose impérativement aux individus parce qu'elle n'est pas une simple opinion politique passagère ni un avis plus ou moins autorisé. C'est pour cette raison qu'elle pacifie la société civile parce qu'elle met fin aux conflits qui peuvent se produire à l'occasion de telle ou telle pratique et qui provoquent des désaccords d'appréciation. De ce point de vue, en édictant des prescriptions pratiques, elle ne se situe pas exactement sur le terrain des jugements de valeur personnels ; elle ne dit pas non plus ce qui serait bien ou mal absolument, mais elle dit ce qui est cohérent ou pas avec les principes de la constitution et du droit, elle fixe ce qui est objectivement et extérieurement autorisé ou interdit. C'est d'ailleurs tout le sens de la laïcité, de fixer les règles extérieures de la conduite dans l'État sans se mêler de ce qui est indécidable et souvent inexprimable (l'intimité de chacun).Plus encore, si elle doit s'assurer que le droit qu'elle énonce soit cohérent et compatible avec les autres droits et liberté, inversement elle doit intervenir partout où des particuliers prétendent suivre des pratiques qui non seulement ne peuvent pas être une loi universelle, mais ne permettent pas de rendre compatible le fait ou le "commandement" de chacun avec le droit et la liberté de tous les autres.
2) Or non seulement le "lien social" repose sur le fait de pouvoir échanger ordinairement et "faire société" avec les autres dans les circonstances de la vie courante sans qu'une barrière soit d'emblée opposée, qui joue le double rôle d'enfermement dans une prison, et d'obstacle discriminatoire qui exclut dans les deux sens, soi et l'autre, et interdit la communication avec lui. Non seulement il y a un droit, une exigence, et en effet une garantie de sécurité minimum à assurer dans la vie publique en commun : savoir à qui on a affaire et pouvoir le reconnaître et l'identifier (mais aussi obtenir des informations sur l'état dans lequel il se trouve, état de santé notamment). Non seulement il est évident que la revendication d'imposer la burqa au nom de la tradition la moins légitime est incompatible avec le droit général des femmes dans notre société. Mais Plus encore : la burqa revendique et impose une "vision du monde" dans laquelle la femme en tant que telle est interdite de liberté d'accès (et de ce fait en absolue non égalité avec les hommes) à l'espace public, aux activités et aux relations sociales ordinaires avec les autres, et tout simplement au monde extérieur, sinon par dérogation et à condition qu'elle soit obligée de se dissimiler, de se masquer, et d'avoir peur, de subir reproche, menace ou répression, donc violence. Les sociétés où domine la burqa nous fournissent une image de terreur suffisamment éloquente.
3) En clair : La burqa manifeste et "marque" extérieurement l'interdiction (pour les femmes) du libre accès à l'espace public sinon de manière dérogatoire, sous la condition impérative et contraignante de se dissimuler, sous peine de punition et de violence. Là réside très exactement le principe même de ce "commandement" et de ses manifestations objectives et extérieures parfaitement constatées. Voilà qui permet ainsi de formuler une position juridique concluante : c'est ce principe et sa manifestation qu'il s'agit d'interdire par l'autorité de la loi qui garantit la liberté et l'égalité devant et dans l'espace public.
En empêchant cette monstruosité la loi ne ferait qu'interdire d'interdire, et de terroriser...! Le critère démocratique reste en fin de compte la violence.
4) Est-ce que la loi doit désigner seulement la burqa en tant que telle ou énoncer une règle générale proscrivant de masquer les visages, de toutes les manières, dans "l'espace public"? Cette disposition aurait le mérite de ne pas viser seulement des coutumes traditionnelles, de s'appliquer aux cagoules et autres masques, mais de ne pas concerner les déguisements dans les soirées privées, les fêtes d'enfants, etc.
On pourrait peut-être ajouter une dimension supplémentaire: étendre cette interdiction non seulement à l'ensemble de l'espace public commun à l'ensemble des citoyens (en commençant de manière particulièrement impérative et renforcée par la proscrire absolument des lieux publics, ses services publics et ses activités qui leur sont afférentes), mais aussi aux lieux et espaces dits "de convivialité", puisque cette notion existe désormais en droit et qu'elle a été utilisée par les dispositions anti-tabac. Cela aurait l'avantage de faire ressortir précisément la notion de convivialité où peuvent se rencontrer par définition des personnes d'origine différente, d'éviter des ghettos de fait, et de régler par avance des cas possibles de contentieux (du type d'un gîte tenu par une personne privée et qui verrait se présenter en tant que clients des femmes en burqa, qui auraient nécessairement à évoluer dans les parties communes de l'établissement...). La piste me semble possible.
En vous remerciant de l'attention et de la considération que vous porterez à ce message,
M. Miguel Karm
professeur de Philosophie
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