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Intervention de Guy Carcassonne

Réunion du 25 novembre 2009 à 16h00
Mission d’information sur la pratique du port du voile intégral sur le territoire national

Guy Carcassonne, professeur de droit public à l'Université Paris Ouest Nanterre la Défense :

C'est toujours un honneur que de s'exprimer devant la représentation nationale, et je m'efforcerai d'en être digne. Permettez-moi d'abord de vous dire que si je suis favorable, en tant que citoyen, à une interdiction du port du voile intégral, le juriste que je suis n'est pas insensible à la méthode qui sera utilisée pour y parvenir.

En l'espèce, la forme et le fond se rejoignent. Si un fondement paraît à mes yeux concevable, les trois autres généralement évoqués – la laïcité, la dignité et les contraintes faite aux femmes – ne sont pas acceptables.

La laïcité n'est pas un fondement imaginable : comme vous le savez, ce principe s'impose à la République, en aucun cas aux citoyens. La République peut se fixer des règles, procédant de la notion de neutralité, mais elle ne peut y soumettre les consciences. Sur le plan pratique, une loi d'interdiction fondée sur la laïcité ouvrirait une brèche : tous les signes extérieurs d'appartenance religieuse seraient prohibés, sauf à introduire des discriminations injustifiables.

Fonder la loi d'interdiction sur la dignité n'est pas plus envisageable, et ce pour une raison simple : il s'agit d'un principe opposable au législateur, mais que le législateur ne peut opposer aux citoyens. La dignité de la personne humaine, principe constitutionnel depuis 1994 – lorsque les juges du Palais Royal l'ont extrapolée d'une phrase du premier alinéa du Préambule de 1946 – est aussi protégée par des instruments internationaux, à commencer par la Convention européenne des droits de l'homme.

Ce principe permet d'affirmer que les régimes ou les systèmes ne peuvent asservir la personne humaine : le législateur ne peut prendre une disposition qui serait contraire à la dignité. Il ne signifie nullement que le législateur est qualifié pour juger de la dignité d'autrui, sauf à entrer en conflit avec le principe premier de notre Constitution, celui de liberté.

A cet égard, j'ai été indigné par l'arrêt Commune de Morsang-sur-Orge du Conseil d'État : si l'on accepte l'idée qu'un maire ou un juge soient fondés à dire à un nain ce qui est digne de son appartenance à l'espèce humaine, dans quel engrenage infernal mettons-nous le doigt ?

La dignité de la personne humaine est un principe fondamental auquel nous sommes tous attachés, mais comme à une protection de notre liberté.

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