Or, reconnaissons-le, les petites maisons d'édition sont quelque peu oubliées par cette proposition de loi.
Le système conventionnel pose un problème, dans la mesure où les grosses centrales de diffusion ont nécessairement plus de poids dans la négociation des délais de paiement des fournisseurs que les petites librairies. À l'inverse, les gros éditeurs peuvent plus facilement négocier des délais de paiement courts que les très petites maisons d'édition. En un mot, le principal défaut du système conventionnel est qu'il avantage par nature les gros acteurs au détriment des petits.
Pour défendre véritablement le secteur du livre, il nous semble important de mettre fin à la précarité galopante qui règne pour les salariés de ce secteur.
Du côté de la diffusion, les libraires indépendants pâtissent en effet de la concurrence des rouleaux compresseurs que sont la Fnac ou Virgin, et du taux de marge particulièrement faible du secteur, ce qui porte le salaire moyen d'un libraire indépendant à 1 600 euros brut, d'après le syndicat de la librairie française.
Du côté de l'édition, les difficultés structurelles du secteur du livre sont connues de tous et poussent les maisons d'édition à la concentration, au recours systématique aux contrats précaires, sous-payés, ou à l'utilisation abusive de stagiaires en grand nombre.
Pourtant, si les deux géants que sont Hachette-Lagardère et Editis se partagent 35 % du marché des ventes de livres, ils sont loin de représenter l'ensemble du secteur !
Plutôt que de tabler sur un énième abaissement des cotisations sociales patronales réclamé par les représentants patronaux, il conviendrait, monsieur le ministre, de créer des aides massives au secteur, conditionnées à la réalisation d'objectifs d'amélioration qualitative de l'offre d'emploi dans les maisons d'édition et dans les lieux de diffusion. Il faudrait inciter les acteurs à la pérennisation des contrats et à l'amélioration des conditions de travail et de rémunération.
Les politiques publiques doivent également s'orienter vers la promotion de la diversité des publications. Le marché concurrentiel du livre pousse en effet à la concentration des acteurs, et la recherche de la rentabilité immédiate pousse à l'uniformisation. Si les chaînes de la grande distribution culturelle présentent à peu près le même catalogue, il n'en est pas de même pour les petites librairies qui peuvent se spécialiser.
Il s'agit donc de comprendre que le sort des petites librairies est lié à celui des petites maisons d'édition. Il faut trouver le moyen de concilier les intérêts de ces deux types d'acteurs pour que l'exception culturelle française et la diffusion du livre perdurent. Je tenais, monsieur le ministre, à vous faire passer ce message.
Si ce texte présente une amélioration, il ne réglera certainement pas le problème de fond du secteur du livre, qui est la précarisation constante des salariés. Dans ce domaine, nous proposons d'instituer des aides conditionnées à l'amélioration qualitative des emplois du secteur.
Avec toutes les réserves que j'ai évoquées, les députés communistes, républicains et du parti de gauche voteront pour ce « mea culpa » de la majorité qui revient sur la loi de modernisation de l'économie.