Monsieur le président, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, « c'est l'exception qui confirme la règle » : nous connaissons tous cette maxime un peu surprenante, qui semble contradictoire et paradoxale. De surcroît, comment le régime de l'exception, de l'exemption singulière, pourrait-il exister dans notre démocratie sans faire craindre aussitôt le scandale du privilège ?
Et pourtant ! Dans le droit français, nous avons défini un champ de l'exception qui n'est pas celui de l'arbitraire ni de l'égoïsme, mais celui de l'intérêt général : c'est le champ de l'exception culturelle. La culture – qu'il s'agisse des biens ou des services culturels – n'est pas une marchandise comme une autre, elle ne constitue pas un marché identique aux autres, où il y aurait simplement des vendeurs et des acheteurs, des clients, des consommateurs. Non, elle est porteuse de valeurs particulières qui échappent à la seule logique marchande et qui sont fondatrices de la qualité de notre vivre ensemble.
Au sein de ce champ culturel, le livre occupe une place spéciale, une place centrale. Chacun voit pourquoi il est exceptionnel et en quoi il fait exception. Il est, depuis très longtemps, la propédeutique par excellence de la complexité et de la profondeur. Il implique aussi de prendre en compte une temporalité spécifique, celle de la lecture d'abord : par elle, nous ne sommes pas dans l'immédiat du choc, ni dans le zapping, mais dans la durée et la patience, et ce temps se reflète dans toute la chaîne du livre. Vous connaissez sans doute ce récit de Borges, Le livre de sable, emblématique de notre modernité : ce n'est pas un hasard si c'est le même élément qu'on trouve dans le livre et dans le sablier ; c'est bien parce que le livre entretient un rapport très particulier au temps. Le livre est fait de l'étoffe du temps ; le livre est même, d'une certaine façon, le temps.