Quand il s'agit de rendre les pratiques moins favorables au droit des salariés, vous n'hésitez pas à recourir à la loi au détriment de la voie conventionnelle, alors même que vous savez, en d'autres occasions, dénoncer l'outil législatif comme un archaïsme français liberticide.
Rappelons en effet que la plupart des conventions collectives prévoient actuellement des périodes d'essai comprises entre une semaine et trois mois. Comment pouvez-vous affirmer, comme vous l'avez fait en répondant à M. Muzeau, que cet article 2 va dans le sens de plus de sécurité ? En fait, vous actez dans la loi un dispositif plus défavorable au salarié.
Comment ne pas voir dans cette disposition un instrument de flexibilisation du droit du travail au service des employeurs ?
Car enfin, chers collègues, s'il est tout à fait normal que l'employeur puisse vérifier les compétences et la motivation des salariés pendant une période d'essai, le texte que vous nous proposez ce soir ouvre la porte à de réels abus en la matière ! Convenez que deux mois, quand il s'agit de juger des compétences d'une personne pour des travaux d'exécution, c'est un peu long !
Qui plus est, ces périodes pourront être doublées, si un accord de branche le prévoit. Je m'en réfère pour cela à votre article 2.
Pour les cadres, on arriverait donc ainsi à huit mois de période d'essai ! Certes, le Conseil d'État a précisé, dans son avis sur le texte, que cette durée ne pourrait être qu'un plafond. Mais enfin, la porte est ouverte. Huit mois pendant lesquels il serait difficile pour les salariés d'espérer un logement, de contracter un prêt, de lancer un projet de long terme.
Au final, la période d'essai continuera-t-elle réellement à servir à ce pour quoi elle est conçue, à savoir l'évaluation générale des compétences et de la motivation du nouvel employé ?
En revanche, ces dispositions font sens si l'on se place du strict point de vue de l'employeur, qui pourra, pendant une période bien plus longue qu'auparavant, éviter l'application du droit du licenciement, élément pourtant central du droit du travail, qui impose certaines procédures, « liberticides » ou « protectrices », selon le point de vue auquel on se place...
Avec votre texte, cette période d'essai deviendrait en fait une période de validation économique. Elle permettrait une flexibilité plus grande dans la gestion du personnel.
On peut d'ailleurs imaginer des scenarii quelque peu machiavéliques : par exemple, l'embauche de personnes en CDI sur des durées pouvant aller jusqu'à huit mois, sans s'embarrasser du versement de la prime de précarité qui accompagne toute embauche de salariés en CDD...
On a en tête les modes de recrutement actuels de nombreuses entreprises, grandes ou petites, qui n'hésitent pas à faire passer les salariés par la voie de l'intérim, à renouveler des contrats d'intérim à deux ou trois reprises, avant de daigner accorder un CDD et de faire attendre ceux-ci pendant quatre mois au moins, avant l'hypothétique signature d'un CDI... Ainsi, si ce texte était adopté, pendant plus d'un an, les salariés seraient en situation précaire et incertains quant à leur sort !
Bref, cet article constitue bien un outil de « détricotage » supplémentaire du droit du travail.