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Intervention de Philippe Colombet

Réunion du 25 novembre 2009 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Philippe Colombet, responsable du programme « recherche de livres » de Google Europe :

Les enjeux auxquels la numérisation nous confronte ne sont évidemment pas seulement de nature technologique. Google, société technologique née en Californie il y a un peu plus de dix ans, se rend bien compte qu'en abordant le territoire du livre et du patrimoine, elle s'avance très au-delà du monde de la technique.

Le premier thème que je souhaiterais évoquer est celui du rayonnement de la culture écrite et des oeuvres du patrimoine, notamment français.

Nous pouvons tirer des conclusions de notre expérience depuis cinq ans avec les bibliothèques qui sont nos partenaires. La nouvelle ère numérique n'a pas forcément pour conséquence de modifier la mission première des bibliothèques, c'est-à-dire l'organisation du rayonnement local des oeuvres à travers leur conservation et leur présentation au public. Une oeuvre, numérisée par la bibliothèque qui la conserve ou en partenariat avec Google, continue à pouvoir rayonner localement, sous forme papier mais aussi sous forme numérique, puisque pour toute numérisation effectuée en partenariat, un fichier numérique est donné à la bibliothèque.

La nouveauté que propose la révolution numérique, ce sont des outils de transmission à l'échelle mondiale. Chez Google, nous nous réjouissons de l'apparition de cette nouvelle échelle de la transmission et du rayonnement de la culture. C'est avec joie que nous imaginons qu'un étudiant malgache pourra consulter un ouvrage recensant la flore de son pays telle que l'ont découverte des explorateurs français au XIXe siècle. L'outil global qu'est Internet lui permettra de se réapproprier un contenu inhérent à sa culture, même si ce contenu a dû d'abord passer par un écrit et une bibliothèque français.

Le rayonnement culturel nous paraît fondamental. L'ère numérique ne nie pas la dimension locale de l'oeuvre dans sa conservation et sa numérisation. Elle propose simplement des outils de transmission globaux, parmi lesquels figure Google. Nous pensons que les internautes du monde entier s'en réjouissent comme nous.

Le deuxième thème que j'aborderai est celui de l'économie basée sur la connaissance.

Je me félicite, en tant que citoyen français, que le Grand emprunt fasse la part belle à l'investissement dans les connaissances, dans les universités et dans les contenus numériques dont celles-ci ont besoin.

Nous sommes très fiers, chez Google, d'avoir conclu en cinq ans des partenariats avec trente des cinquante plus grandes universités mondiales, au Japon, aux États-Unis, en Grande-Bretagne, mais aussi en Europe continentale. Ces partenariats mettent ces grandes universités à l'avant-garde de l'économie de la connaissance. Elles peuvent proposer efficacement à leurs étudiants et à leurs chercheurs des outils de pointe. Elles sont ainsi au service d'une compétitivité économique d'exception, au profit des régions, des villes et des États qui les ont créées.

J'ai aussi été ravi de voir que les dix plus grandes universités françaises – situées notamment à Lyon, Strasbourg, Lille, Toulouse, sans oublier la Sorbonne – ont souhaité, à travers leurs départements d'édition, devenir partenaires de Google Livres pour que les travaux de leurs chercheurs puissent être découverts, questionnés et ensuite achetés également sous forme de livres physiques, grâce au service offert. Si elles ne font pas partie des géants de la profession, ces presses universitaires reflètent la production intellectuelle des chercheurs français. Google Livres a aussi recueilli les suffrages de 30 000 éditeurs de par le monde.

Au-delà des oeuvres du domaine public sur la numérisation desquelles nous souhaitons travailler avec la BNF, le troisième thème est celui de notre articulation avec le monde de l'édition française contemporaine et de notre capacité à trouver des accords avec ses champions nationaux, qui, M. Nourry l'a rappelé, occupent les premières places dans l'édition mondiale. Cette question reste ouverte. Sa résolution reste soumise à de longues discussions. Je n'imagine cependant pas une seule seconde que nous ne parvenions pas à trouver un accord, non seulement pour les oeuvres épuisées, auxquelles la numérisation donne une seconde vie – grâce à elle, les auteurs peuvent percevoir un nouveau revenu, et les éditeurs faire revivre des fonds –, mais aussi pour les oeuvres plus récentes. Je ne doute pas que nous trouvions un moyen de travailler avec ces grandes entreprises internationales comme nous travaillons aujourd'hui avec les grands noms de l'édition européenne que sont Elsevier, Wolters Kluwer ou Pearson.

Cependant, notre travail serait incomplet si nous ne nous intéressions qu'aux grands groupes. Notre force, c'est que nous touchons également les petites et moyennes maisons d'édition indépendantes. La richesse de l'indexation dans un moteur de recherche se mesure non seulement à la présence des grands sujets et des grands auteurs, mais aussi à sa contribution à la diffusion de contenus spécialisés, scientifiques ou régionaux. D'ailleurs, en France, ce sont surtout les petits éditeurs indépendants, en général adhérents du Syndicat national de l'édition, qui ont rejoint les rangs de nos partenaires.

Je suis convaincu qu'un partenariat public-privé pourrait être profitable aux deux parties, à deux conditions.

D'abord, il devrait être créatif. Dans l'hypothèse d'un accord avec la Bibliothèque nationale de France, il ne s'agirait pas uniquement de numériser les oeuvres qui ne le sont pas encore, mais de réfléchir à la manière dont des oeuvres françaises déjà numérisées par Google depuis d'autres bibliothèques – européennes, américaines, ou même françaises – pourraient venir enrichir Gallica – dont nul ne peut contester la vigueur, l'audience et la rapidité de développement – afin qu'elles bénéficient d'un plus grand rayonnement. Cette éventualité n'a guère été évoquée par les médias, ce que je regrette.

Ensuite, ce partenariat devrait être exemplaire et parfaitement transparent, pour vous, mesdames et messieurs les députés, comme pour l'ensemble des citoyens. À cet égard, je souscris aux conditions mises par M. Racine à un partenariat public-privé, et je souhaite qu'elles soient connues de tous, notamment par l'intermédiaire des conclusions de la mission Tessier.

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