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Intervention de Serge Eyrolles

Réunion du 25 novembre 2009 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Serge Eyrolles, président du Syndicat national de l'édition :

Aujourd'hui, le secteur du livre papier n'est pas en voie d'effondrement, contrairement à ce qu'affirment certains. Avec trois milliards d'euros de chiffre d'affaires, c'est le premier secteur culturel français. En importance, c'est le double de celui de la musique, et quatre fois celui du cinéma. Alors que, depuis dix-huit ans que je préside le SNE, je n'entends qu'annoncer notre mort, et le futur bouleversement du secteur par le numérique, l'année 2009 sera encore une année très correcte pour les éditeurs.

Cette bonne santé du livre papier trouve son origine dans les éléments qui en protègent l'économie. Au premier rang, il faut citer la loi du 10 août 1981 relative au prix du livre – le récent rapport d'Hervé Gaymard le démontre encore. Un autre atout fondamental est le réseau extrêmement riche, de plus de 2 500 librairies, dont dispose la France : le service que rendent les libraires est extrêmement apprécié des consommateurs. La loi sur le « photocopillage », entrée en vigueur il y a quinze ans, a permis de protéger du piratage le secteur des ouvrages papier. L'édition française a su produire des ouvrages de qualité ; 70 000 titres environ sont publiés en France chaque année. Enfin, il faut mentionner le taux réduit de TVA qui s'applique au livre. L'ensemble de ces éléments permet au secteur de continuer à se développer.

Nous avons été très attentifs au numérique. Aujourd'hui, c'est un nouveau mode de consommation pour des générations plus habituées aux écrans d'ordinateurs qu'à la fréquentation des librairies. Depuis plusieurs années, le SNE réfléchit, en collaboration avec ses partenaires, aux modalités d'un développement de l'offre ; il faut fournir des contenus, les protéger, les rendre accessibles, et trouver pour cela un modèle économique pertinent.

Nous pensons tous le plus grand mal de la stratégie de Google, et notamment de l'entreprise de numérisation d'ouvrages protégés que cette société conduit depuis quelques années. En France, le droit d'auteur est protégé par la loi – jusqu'à soixante-dix ans après la mort de l'auteur depuis une modification de la loi du 11 mars 1957. C'est cette protection qui permet la perpétuation dans notre pays d'une édition très riche et créative. Le procès que nous avons intenté à Google a pour seul motif le non-respect de la loi française. Je regrette qu'il n'ait pas été possible de trouver un arrangement avec cette société. L'affaire judiciaire, avec un procès en cours aux États-Unis et le lancement, indépendant de notre volonté, d'une « class action », est devenue très complexe. Et Google continue de numériser des ouvrages sans aucune autorisation des ayants droit, que les auteurs soient français ou ressortissants d'autres pays…

Aujourd'hui, il nous faut fournir une offre numérique. Nous sommes en train d'aboutir dans notre entreprise de définition de normes interopérables, accessibles aux fabricants de matériels, pour la lecture des fichiers que nous avons numérisés depuis dix ans environ. Il faut éviter la multiplicité des normes qu'a connue un temps le domaine de la musique.

La numérisation des ouvrages coûte cher. Elle a besoin d'argent. L'affectation de 750 millions d'euros du Grand emprunt a été évoquée. Depuis plus d'un an, des ressources du CNL ont été déjà attribuées à des fins de numérisation à la BNF mais aussi aux éditeurs, en vue de leur diffusion sur Gallica. Cette bibliothèque numérique, dont le modèle est très en avance sur les réalisations d'autres pays européens, doit continuer à se développer.

Un modèle économique doit être élaboré. Faut-il une loi sur le prix du livre numérique ? Le taux de TVA doit-il être fixé à 5,5 % ? Après tout, il n'y a pas de raison que le traitement fiscal d'un livre papier et d'un livre numérisé soient différents.

L'offre doit être accrue. Un million d'ouvrages environ sont sous droits. Ils sont loin d'être tous numérisés. Il faut aussi trouver une solution pour les ouvrages épuisés, qui ne sont plus dans le commerce, ou orphelins, dont les ayants droit ne sont plus identifiables. À l'échelon européen, nous débattons de la création de plateformes pour la reprise de leur diffusion.

Le développement de l'offre de livres numériques est un chantier considérable. Il suscite l'intérêt ; cet après-midi ont lieu à la Mutualité des assises du numérique : nous refusons du monde ! Les technologies des « e-books » et autres « e-readers » sont de plus en plus performantes. Les prix baissent. Bref, un marché se crée.

Nous sommes presque prêts. Le livre papier garde cependant un avenir. Si le livre numérique s'est beaucoup développé dans certains pays, son chiffre d'affaires en France est quasi inexistant. Ceux qui pensent que, comme dans certains pays anglo-saxons, le livre doit être gratuit se trompent. Ce qu'on appelle le « fair use » aux États-Unis, c'est la mort de l'édition française, de sa richesse et de nos auteurs.

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