Madame la ministre Ameline, il n'y a pas de loi idéale. Il n'y a que des lois par défaut, quand on n'a pas trouvé d'autre solution pour régler une question. C'est ce qui s'est passé avec la commission Stasi.
Je voudrais insister sur la nécessité de faire preuve de courage politique dans certaines circonstances. Cela fait onze ans que je suis secrétaire général de la LICRA et que je suis l'action de nos militants sur le terrain. En vertu de conventions passées avec les ministères de l'Éducation nationale et de la Jeunesse et des sports, ils rencontrent chaque année des dizaines de milliers de jeunes. Un problème s'est posé il y a deux ans dans le cadre des activités périscolaires : celui des mères accompagnatrices voilées ou arborant des signes ostentatoires de leur appartenance religieuse. L'éducation nationale n'a pas eu le courage de suivre notre préconisation, qui était d'assimiler les mères accompagnantes à des agents temporaires de la fonction publique, comme cela se fait dans d'autres cas, ce qui aurait eu pour effet de les soumettre à la règle de neutralité, réglant ainsi ce problème de prosélytisme, actif ou passif. Le ministère a botté en touche en s'adressant à la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE), qui a conclu que, le cas n'étant pas prévu par la loi, le port de ce voile et de ces signes était autorisé. Compte tenu de cette position, il faudrait recourir à la loi pour que le ministère de l'Éducation nationale puisse prendre des circulaires réglementant cette pratique des mères accompagnatrices.
Je constate, par ailleurs, qu'on a oublié d'apprendre à des enfants, dont les parents étaient issus de cultures étrangères, les règles qui prévalent dans notre pays. Devenus adultes, ces enfants sont partagés entre la culture de leurs parents – leurs mères étant parfois recluses au foyer depuis trente ou quarante ans et ne parlant toujours que la langue de leur pays d'origine – et la culture du pays dans lequel ils vivent et dont ils sont citoyens. Ce travail de pédagogie et d'éducation, qui était sorti des programmes, revient maintenant petit à petit. Mais il ne faut pas s'étonner que les personnes concernées se réfèrent « par défaut » à leur culture d'origine – quand ce n'est pas par provocation, non pas religieuse, mais politique.
Je voudrais enfin que l'on s'interroge sur la notion d'espace public. On sait ce que l'on entendait par sphère privée et sphère publique dans le cadre de la loi de 1905. Mais aujourd'hui, en 2009, qu'est-ce que l'espace public ? L'entreprise privée relève-t-elle de l'espace privé ou de la sphère publique en tant qu'espace de sociabilité, c'est-à-dire de confrontation à l'autre, de respect et d'acceptation de l'autre ? Est-ce que l'espace de circulation qu'est la rue appartient à l'espace public ?