Au principe selon lequel un contrat de travail est conclu pour une durée indéterminée, votre projet de loi substitue la formule : « Le contrat à durée indéterminée est la forme normale de la relation de travail. » Pour nous, il ne s'agit de rien de moins que d'une façon habile de faire perdre sa généralité au CDI et de normaliser, de manière implicite, le recours aux contrats précaires, qui perdraient alors leur statut d'exception.
Admettez à tout le moins que la formule est incomplète et qu'elle ne rend pas justice à la forme juridique actuelle du contrat à durée indéterminée, qui est non seulement l'aboutissement d'une longue histoire sociale, mais qui a aussi, et surtout, contribué à donner un sens fort au statut salarial, en tant que socle de la cohésion sociale.
Que le plein emploi soit une responsabilité collective, assumée conjointement par les entreprises et par les politiques publiques, voilà au fond ce que vous entendez aujourd'hui remettre en cause, à l'invitation des organisations patronales. Pour ces dernières, l'évolution des systèmes techniques, l'instabilité des marchés, les normes concurrentielles acérées confortent les impératifs de flexibilité. Elles vous demandent depuis plusieurs années une modification en profondeur de notre droit du travail et la remise en cause du CDI pour mieux justifier le recours aux contrats de mission, aux contrats de travail à durée limitée et aux travailleurs indépendants, de façon à reporter sur un tiers, en l'occurrence le salarié, la partie ou la totalité du risque économique. C'est ce modèle que vous vous attachez à promouvoir depuis des années, et le texte dont nous discutons constitue une étape importante de sa mise en oeuvre.
Or nous estimons qu'il est indigne de faire supporter l'essentiel du risque économique sur les salariés, et que les entreprises et l'État doivent assumer leur part de responsabilité dans la promotion du plein emploi. C'est pourquoi nous jugeons essentiel que soit érigée au rang d'objectif prioritaire la pérennité de la relation d'emploi, ou tout au moins la réelle sécurisation du parcours professionnel, dont on ne trouve nulle trace dans ce texte ou dans les projets actuels de décret.
Si le CDI représente à ce jour l'expression la plus aboutie de cette exigence, il convient de rappeler qu'il est non seulement la forme normale de la relation de travail, mais encore sa forme générale. Ce principe ne saurait être mieux affirmé que dans la rédaction actuelle de l'article L. 1221-2 du code du travail. Aussi proposons-nous d'y revenir à l'alinéa 3 de l'article 1er du projet de loi : « Le contrat de travail est conclu pour une durée indéterminée. »