Une remarque d'ordre général, tout d'abord.
M. le ministre vient de parler d'équilibre, rejoignant en cela le président Méhaignerie, qui lui aussi a évoqué « un équilibre à préserver ». Je nuancerai le propos, considérant, pour ma part, que l'équilibre reste à construire. Je suis plus proche de Jean-Patrick Gille, qui a estimé que ce texte était une version borgne de la transcription de l'accord interprofessionnel. En effet, le volet flexibilité apparaît très clairement. Le projet de loi reprend ainsi les mesures de l'accord national interprofessionnel qui sont les plus favorables aux travailleurs. En revanche, les dispositifs les plus importants pour les salariés sont systématiquement renvoyés aux décrets, aux négociations ultérieures et à l'extension de l'ANI. Dans les prochains mois, nous veillerons donc, aux côtés des organisations syndicales, à ce que le volet sécurité soit bien traduit, dans les faits, par de réelles avancées au profit des salariés.
Je veux souligner ensuite qu'il est paradoxal, alors que l'article 1er stipule que le contrat de travail à durée indéterminée est la forme normale de la relation de travail, de créer, à l'article 6, un CDD à objet défini. Certes, à l'article 9, on abroge le CNE – et c'est une très bonne chose. Convenez cependant que les quelque trente-sept ou trente-huit formes différentes de contrat de travail relativisent la notion de CDI comme forme normale de la relation de travail.
Il y a donc ce qu'on proclame dans les textes de loi et la réalité du marché du travail, qui, contrairement à ce que dit Benoist Apparu, n'est pas aussi rigide que cela. Au contraire ! Certes, 85 % des emplois sont des CDI. Mais on ne trouve que 25 % de CDI dans les nouvelles embauches. Cela signifie que les trois quarts des emplois créés aujourd'hui sont des contrats temporaires, des CDD ou de l'intérim. En outre, ce taux est passé, en vingt ans, de 5 % à 15 % de l'emploi salarié. Comme cela a été dit à l'instant, les premiers touchés sont les plus jeunes, les salariés les moins diplômés et les moins qualifiés. De plus, Daniel Paul l'a souligné, 17 % des salariés sont à temps partiel et, parmi ceux-ci, beaucoup souhaiteraient travailler davantage. Voilà la réalité du marché du travail ! Nous savons aussi que les transitions entre CDD et contrats temporaires et CDI se font très mal. Les taux de transition sont même parmi les plus mauvais en Europe.
Une étude de l'INSEE en date du début de l'année montre également l'accroissement du phénomène des travailleurs pauvres. Aujourd'hui, 1,2 million de salariés sont dans l'obligation de cumuler deux emplois pour pouvoir joindre les deux bouts. En outre, ce taux augmente de 15 %.
Au vu de tous ces chiffres, le présent texte aurait gagné à intégrer une forte dimension de lutte contre la précarité au travail. C'est ce qui manque dans l'équilibre général. On aurait pu imaginer, par exemple, que le projet de loi prévoie une modulation des aides aux entreprises ou des exonérations de cotisations sociales pour favoriser les entreprises qui embauchent davantage sous CDI et pénaliser celles qui abusent des CDD ou de l'intérim.
L'article 1er stipule que le contrat de travail à durée indéterminée est la forme normale de la relation de travail. Dans l'accord national interprofessionnel, il était précisé que c'était la forme normale et générale. Nous allons donc défendre des amendements visant à ajouter le mot « générale ». (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)