Monsieur le président, monsieur le ministre, contrairement à l'orateur précédent, je ne considère pas que l'accord du 11 janvier soit historique. À moins qu'il ne s'agisse de souligner l'apparition, à la faveur des différents échanges auxquels ont donné lieu ce projet de loi et l'accord du 11 janvier qu'il transpose, d'un nouveau maître mot, celui de « flexicurité ». À en croire certains, il s'agirait d'un remède miracle, d'une nouvelle potion qui permettrait de tout régler.
Si l'introduction d'outils de flexibilité peut parfois permettre une adaptation nécessaire – et, dans ce domaine, votre volonté est clairement affichée, comme en témoignent l'allongement des périodes d'essai, la rupture conventionnelle et le contrat de mission –, l'équilibre, en faveur duquel les partenaires sociaux ont clairement dit leur engagement, impose que le volet « sécurité » soit aussi bien traité. Or force est de constater que le compte n'y est pas, et les annonces faites pour nous rassurer devront être rapidement confirmées et développées.
Faut-il s'en étonner ? Vous êtes, par sensibilité, des libéraux attachés depuis longtemps à la volonté de libérer les entreprises. En outre, chacun sait qu'à l'origine des accords du 11 janvier, il y a un texte initialement rédigé de la main du MEDEF.
Si le dialogue social, sous haute surveillance, a permis d'aboutir à un accord, il vous a aussi permis d'éviter de transcrire un certain nombre de ses dispositions. Comme par hasard, ce sont surtout les éléments favorables à la sécurité des salariés qu'il faudra revoir plus tard.
Mon premier constat, c'est donc que le point d'équilibre n'a pas été atteint – c'est le moins que l'on puisse dire.
L'objectif majeur de ce texte est de lutter contre le fléau du chômage. Or Laurence Parisot elle-même reconnaît que le principal problème n'est pas tant celui des personnes qui sont déjà dans l'emploi que celui des personnes qui tentent d'entrer sur le marché du travail, qu'elles soient primo-entrantes ou qu'elles y reviennent après une période de latence.
Tout à l'heure, lors de son explication de vote sur la motion d'irrecevabilité défendue par notre collègue Roland Muzeau, le représentant du groupe UMP, M. Apparu, a dit que la « flexicurité » était indispensable pour parvenir au plein emploi. Mais alors, et c'est ce qui motive mon second constat, une véritable réforme du marché du travail, une modernisation – au sens d'une adaptation aux réalités et aux difficultés actuelles – aurait dû intégrer tous ceux qui souhaitent travailler, y compris ceux qui sont les plus éloignés du marché du travail.
Mais, pour cela, il aurait fallu transposer, en même temps que les mesures de flexibilité, les éléments relatifs à la rémunération. Or on ne trouve rien, dans le texte, en faveur des travailleurs pauvres – et faut-il rappeler les incertitudes qui pèsent sur le RSA ? –, ni sur la répartition des bénéfices dans l'entreprise, ni sur les droits sociaux.
Alors que la lutte contre la précarité des jeunes, des femmes et des seniors passe par la formation continue, on nous renvoie, sur ce sujet, à une nouvelle négociation. Or le maintien des droits à la formation continue pendant une période de chômage aurait été un bon élément de sécurisation du parcours professionnel.
La lutte contre le sous-emploi des seniors, grâce à un conditionnement des aides aux entreprises, et contre la précarité des jeunes, grâce à la diminution de la durée de cotisation ouvrant droit à l'assurance chômage pour les moins de vingt-cinq ans, est également remise à plus tard.
Le texte ne contient rien non plus sur la précarité. Pourtant, il eût été important que le Gouvernement envoie un signal fort, que ce soit dans le domaine de la lutte contre les contrats subis les plus fragilisants – intérim, stages, temps partiel – et contre l'abus des renouvellements de CDD ou en matière de modulation des aides aux entreprises en fonction de leur comportement social et de lutte contre les licenciements abusifs décidés par des entreprises qui font des bénéfices.
Une conclusion s'impose : nous n'avons pas la même définition de la modernisation. Pour nous, elle peut être un équilibre réel entre les concessions faites à la flexibilité et la satisfaction de nouveaux droits dont chacun peut admettre la pertinence. Pour vous, elle consiste d'abord à engranger les avancées en termes de flexibilité et à repousser à plus tard ce qui était pourtant possible après l'accord du 11 janvier.
Tout à l'heure, certains d'entre vous semblaient nous donner des leçons en matière de dialogue social. Le dialogue, c'est bien. Mais le traduire dans les actes, c'est mieux, pour que la représentation nationale ait la capacité d'évaluer la portée générale des accords signés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)