Une fusion est toujours un moment très difficile à vivre pour une équipe, mais le travail de convergence que nous avons accompli depuis un mois et demi a été extrêmement fructueux. J'ajouterai seulement quelques remarques à ce qui vient d'être dit.
La loi du 1er juillet 1998 qui a créé l'AFSSA et celle du 9 mai 2001 qui a créé l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale (AFSSE), devenue ensuite l'AFSSET, étaient visionnaires. Elles ont créé ces agences pour répondre aux crises sanitaires, à un moment où les experts publics n'avaient plus aucun crédit. Cette réponse se fonde sur l'indépendance de ces établissements par rapport à l'État, ainsi que sur l'expertise collective – car aujourd'hui, nul ne peut détenir la vérité tout seul, et nous faisons en sorte d'écouter tout scientifique susceptible d'apporter sa contribution à un débat. Mais nos agences sont aussi des « objets politiques » qui doivent faire consensus : nous sommes un pont entre le monde de la connaissance scientifique et la société. C'est à mon avis sur ce point que se joue la fusion. Nous devons rechercher le consensus avec toutes les parties au Grenelle de l'environnement – fédérations professionnelles, syndicats, ONG, élus, collectivités locales, État –, qui seront représentées au conseil d'administration.
Les inquiétudes qui sont apparues ne sont cependant pas totalement dissipées. Il me paraît donc essentiel d'expliquer à chacun ce qu'il a à gagner dans cette fusion. Le milieu le plus inquiet est celui de la santé au travail – partenaires sociaux et médecins du travail. Ils considèrent que le monde « agricole » de l'AFSSA est complètement étranger à leurs sujets de préoccupation et craignent l'abandon de leurs thématiques – par exemple celle des maladies professionnelles, sujet essentiel s'il en est puisqu'on chiffre le nombre de cas à 50 000 par an, soit dix fois plus que le nombre de tués sur la route. Dans un tel domaine, il est évidemment indispensable de ne pas réduire nos moyens.
Les menaces existent, mais les opportunités aussi. La première d'entre elles est le deuxième plan Santé au travail (PST 2010-2014) que M. Darcos a annoncé pour février prochain. Il est l'occasion de se demander si l'on souhaite, ou non, disposer en ce domaine d'une expertise forte. L'AFSSET est aujourd'hui seule à financer la recherche en santé au travail ; nous y consacrons modestement un million d'euros par an, mais notre contribution représente 50 % des ressources financières de certains laboratoires. C'est dire que, si l'on veut qu'existent durablement des équipes de recherche en santé au travail, il ne faut surtout pas supprimer cette source de financement. La menace est néanmoins réelle : les moyens financiers attribués à l'AFSSET vont diminuer de 5,7 % en 2010, en dépit d'une augmentation des effectifs. De ce fait, alors qu'en 2009, 38 % de nos ressources allaient au financement de la recherche, en 2010 cette part tombera à 29 %. Si cette tendance se poursuit, la qualité des expertises ne pourra que se dégrader et nos liens avec les chercheurs se distendront – car l'AFSSET, je le rappelle, ne fonctionne pas dans un cadre fermé : elle offre un nom collectif à ce que des scientifiques externes viennent composer ensemble. C'est de cette manière que nous avons travaillé sur la téléphonie mobile, sur l'amiante, sur les produits chimiques. Nous avons montré le mois dernier sur la téléphonie mobile que nous étions capables de faire converger à la fois les scientifiques, les opérateurs et les associations.
Pour garder cette capacité à produire du consensus sur des sujets de société, il faut préserver la recherche, donc ne pas diminuer les moyens, et par ailleurs préserver la séparation entre l'évaluation et la gestion : dans le nouvel établissement, il faudra que le travail d'expertise – rassemblant une partie de l'AFSSA et toute l'AFSSET – soit considéré, à l'intérieur de ce grand ensemble, comme un métier en soi, totalement séparé de la gestion, et s'exerçant dans le cadre de pôles bien identifiés. Un comité de déontologie extérieur veillera au respect de certaines règles.
S'agissant des thématiques de travail, force est de reconnaître que le choix se fait aujourd'hui avec les ministères, le conseil d'administration ne jouant qu'un rôle d'enregistrement. Demain, j'espère que, grâce aux comités d'orientation que nous allons mettre en place, nous aurons un vrai dialogue en amont, permettant à toutes les parties extérieures de venir exposer les sujets de préoccupation qui justifieraient des investigations. Je pense par exemple, actuellement, aux incinérateurs ou aux algues vertes ; nos travaux doivent porter sur des sujets de controverse, générateurs de crise.