Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Christine Lagarde

Réunion du 16 novembre 2009 à 11h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi :

L'article 14 du projet de loi de finances rectificative est consacré à la lutte contre les paradis fiscaux. Il s'inscrit dans la mise en oeuvre en droit français d'un dispositif adopté par le G20 lors de sa réunion du 2 avril à Londres et développé lors de sa réunion des 24 et 25 septembre à Pittsburgh. Le G20 des ministres des finances a permis de nouvelles avancées en novembre.

Je rappelle que l'OCDE avait publié trois listes des « juridictions non coopératives » : la liste noire des pays qui sont résolument des paradis fiscaux, la liste grise des pays qui se déclarent prêts à se mettre en règle avec les accords en matière d'échange d'informations et, enfin, la liste blanche.

Nos efforts et ceux de nos services ont permis de signer quatorze accords ou conventions avec des pays aussi différents que la Suisse, le Luxembourg, la Malaisie et Singapour, par exemple. Nous avons également travaillé en direction de territoires qui ne figuraient pas forcément dans la liste grise, comme Hongkong, les îles Anglo-normandes, l'île de Man et Malte. Notre réseau d'accords d'échange d'information est sans doute le plus développé à ce jour au sein de l'OCDE.

L'article 14 pose la définition d'un État ou d'un territoire non coopératif, jusqu'à présent absente du code général des impôts. La liste devra être mise à jour au 1er janvier de chaque année en fonction des accords passés.

Par voie de conséquence, nous renforçons l'arsenal des sanctions. Celles-ci ne sont pas dirigées contre les États – ce ne serait pas possible – mais elles concernent les ressortissants fiscaux français. L'article 14 prévoit donc plusieurs modifications.

Premièrement, les montants versés dans ces États ou territoires seront taxés à 50 % lorsqu'ils rémunèrent des actifs financiers délocalisables : intérêts, dividendes, redevances. Ces revenus sont aujourd'hui soit exonérés, soit taxés à des taux allant de 18 à 33 %. Pour les prestations de services, le taux pourra être porté à 50 % après contrôle si l'entreprise ne peut justifier de la prestation reçue.

Deuxièmement, il est prévu de taxer les dividendes perçus en provenance de ces États. Aujourd'hui, la plupart d'entre eux sont exonérés au titre du régime « mère-filiale » d'élimination des doubles impositions.

Troisièmement, il s'agit de la quasi-interdiction de déduire les dépenses payées dans ces États. Nous avions envisagé au départ une interdiction pure et simple mais, suivant l'avis du Conseil d'État, nous avons opté pour une clause de sauvegarde : la déduction ne sera autorisée que dans des conditions très restrictives et toutes les charges déduites devront faire l'objet d'une déclaration spécifique annexée à la déclaration de résultats, afin de permettre un suivi par l'administration fiscale.

Enfin, nous renforçons les dispositions anti-abus permettant de taxer les bénéfices de filiales situées dans ces États – articles 209 B et 123 bis du code général des impôts. Il appartiendra au contribuable et non plus à l'administration de démontrer que ces bénéfices ne doivent pas être taxés en France.

Cet ensemble est complété par l'instauration d'une obligation pour les groupes réalisant plus de 400 millions d'euros de chiffre d'affaires de documenter leurs prix de transfert, en cohérence avec les recommandations du Forum européen sur les prix de transfert et la pratique de nombre de nos partenaires.

La France, il faut le souligner, est pionnière dans ce domaine et ira jusqu'au bout de l'engagement de définir et d'appliquer les sanctions – les « contre-mesures », pour reprendre les termes du G20 – à compter de mars 2010. À ma connaissance, il n'existe aujourd'hui qu'un projet de loi pendant devant le Bundestag, et un autre devant le Congrès américain, mais dont la progression sera vraisemblablement lente.

Les autres mesures visent à mettre le droit fiscal français en conformité avec les normes européennes.

Le régime d'intégration fiscale, qui permet à une entreprise d'être imposée sur ses bénéfices consolidés, est rénové. Il permettra, comme l'exige la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, d'intégrer une sous-filiale qu'une société détient à plus de 95 % par l'intermédiaire d'une filiale établie dans un autre État de l'Union.

La taxation de dividendes perçus par des organismes sans but lucratif est rénovée. Ceux-ci étaient jusqu'à présent taxés à 24 % sur leurs dividendes de source étrangère et exonérés sur leurs dividendes de source française. En vertu de l'harmonisation européenne, le régime est unifié par une taxation au taux unique de 15 %.

Le bénéfice du régime fiscal du mécénat et des dons aux oeuvres est ouvert aux associations européennes. C'est, là aussi, une exigence du juge communautaire.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion