Du point de vue du sociologue que je suis, le salafisme est, en effet, une secte – est en tout cas travaillé par des dynamiques sectaires. Lorsque les sociologues parlent de secte, il n'y a là aucune connotation péjorative. Pour eux, c'est un courant religieux comme un autre. Mais, par opposition à l'église, la secte se définit premièrement par son refus de compromis avec le reste d'une société qu'elle considère comme corrompue ; deuxièmement par la nature charismatique de l'autorité religieuse qui la guide : les groupes salafistes s'organisent ainsi autour de leaders charismatiques ayant souvent étudié en Arabie saoudite, en Jordanie ou au Yémen. La troisième caractéristique d'une secte pour le sociologue est que ses membres l'ont rejointe volontairement. Si on naît musulman, on choisit de devenir salafi.
Le salafisme en France entretient un rapport négatif avec son environnement. Lorsque j'ai commencé à travailler sur ce mouvement il y a quelque six ans, j'ai été surpris de son sectarisme, de son refus de se mêler au reste de la société, de ses critiques de la société française et des valeurs républicaines. Mais force est de constater qu'en dépit de ce sectarisme, les salafis sont contraints de passer des compromis avec leur environnement, quelque insuffisamment islamique qu'ils le considèrent. Alors que, dans les années 1990, il n'était pas question de mariage à la mairie et, pour les salafis étrangers, de naturalisation, cela se pratique de plus en plus. Preuve que les salafis se « désectarisent » et s'ouvrent progressivement à notre société.