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Intervention de Jean-Paul Huchon

Réunion du 4 novembre 2009 à 10h15
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Jean-Paul Huchon, Président du conseil régional d'Île-de-France, Président du STIF :

Je répondrais d'abord à M. Daniel Goldberg pour lui dire qu'effectivement il peut y avoir une incompatibilité en terme de tracé entre le « Grand Huit » et les projets inscrits au SDRIF. Je me fie par exemple au projet Arc express qui figure au SDRIF et dont le tracé a la préférence des élus concernés, préférence confirmée lors des débats internes au STIF à ce sujet : il s'agit de la liaison de Fontenay-sous-bois à Bagneux, plutôt qu'une liaison passant à quelques centaines de mètres à partir de la commune de Noisy-le-Grand. Le choix va être fait semble-t-il par le Gouvernement de desservir Noisy-le-Grand et plus tard Clichy-Montfermeil, mais il me semble que les élus concernés auraient pu être consultés, ce qui n'a pas été le cas jusqu'à présent. Je rappelle que deux conseils généraux ont voté à l'unanimité pour le tracé figurant au SDRIF, celui des Hauts-de-Seine et celui du Val-de-Marne. Il sera à mon avis difficile de revenir sur cette décision. Par souci de consensus, j'ai accepté d'affirmer qu'il n'y avait pas d'incompatibilité de principe entre les projets d'Arc express et de « Grand Huit », mais la réalité m'oblige à dire que les projets présentés par le secrétaire d'État à la région capitale sont contraires aux voeux des élus locaux.

Je rejoins l'interrogation formulée sur l'adéquation entre la vision du Grand Paris et la réponse constituée par le « Grand Huit ». Une offre de transports collectifs, si novatrice et si performante soit-elle, est-elle de nature à répondre à tous les défis auxquels se trouve confrontée notre région, notamment en termes d'urbanisme et d'aménagement du territoire ? Je ne le pense pas. Avec ce projet, nous retrouvons un urbanisme tel qu'on le concevait dans les années soixante, et loin de nous projeter dans la modernité, comme le disait M. Christophe Caresche tout à l'heure, il nous ramène quarante ans en arrière. Il me semble que notre vision, exprimée notamment par le SDRIF, qui est le fruit d'un travail de quatre années et qui a reçu l'aval de six conseils généraux sur huit, répond à une vraie demande des élus, même de la part de ceux qui ne l'ont pas approuvé.

Cela étant dit, je ne suis pas opposé à l'idée, émise par M. Yanick Paternotte, d'une révision du SDRIF, qui n'est pas parfait, évidemment, car la situation a évolué depuis quatre ans. Il constituait à mon sens une base pour les discussions avec le Gouvernement sur le projet de loi dont nous débattons. Il pouvait être mis en oeuvre immédiatement et faire l'objet d'une révision, avec la concertation que cela suppose.

S'agissant de la sécurisation des procédures, je vais essayer d'expliquer ce point relativement complexe. Au départ, il n'existait pas dans le projet du Grand Paris de contrats territoriaux : la Société du Grand Paris « s'appropriait » les gares et prenait en charge l'aménagement. Devant le tollé suscité par une telle approche, notamment chez les élus, le Secrétaire d'Etat a modifié ses propositions pour mettre au point ce que je qualifierais d'« autoritarisme contractuel » : au terme d'un délai de dix huit mois, en l'absence de signature d'un contrat de développement territorial, l'Etat fera ce qu'il voudra et pourra imposer sa volonté aux maires ! La fragilité juridique d'une telle procédure me paraît grande, surtout lorsqu'il s'agira de s'assurer de la compatibilité de ces contrats territoriaux avec un document d'urbanisme. A quel document se réfèrera-t-on à ce moment-là ? Dans la mesure où le SDRIF signé en septembre 2008 n'a pas encore reçu d'approbation, il faudra se reporter au SDRIF approuvé en 1994, un document qui n'est naturellement plus en phase avec la réalité d'aujourd'hui. Au total, il faudra donc compter avec dix huit mois de mise au point des contrats territoriaux, suivis d'une période d'un ou deux ans, dans le meilleur des cas, pour régler les contentieux qui ne manqueront pas de surgir. Au lieu de gagner un ou deux ans, on va en définitive en perdre trois voire quatre.

Pour répondre à la question de M. Christophe Caresche, je dirais qu'il y un système qui fonctionne aujourd'hui très bien, celui de l'EPA Marne et de l'EPA France, deux établissements qui exercent leur compétence sur un même territoire, qui ont les mêmes responsables et dont les services sont communs. Je ne demande pas mieux que de le calquer sur les structures du STIF, et d'augmenter encore les moyens de celui-ci en ingénieurs, en architectes, etc. Ce ne sont pas les dépenses en personnel du STIF qui constituent un obstacle car ils représentent une part peu importante du budget annuel d'environ 7 milliards d'euros. Je ne crois pas à la coexistence de deux entités, l'une qui fonctionne au consensus et à la concertation, l'autre qui va fonctionner disons avec une dose certaine d'autoritarisme. Il me semble naturel que, si l'Etat participe au financement des transports, il soit représenté dans les instances qui gèrent ces transports.

Le Parlement pourrait retenir un meilleur système et s'inspirer notamment des propositions du rapport de M. Gilles Carrez, qui propose un éventail de solutions intéressantes, portant sur un financement supplémentaire de 500 à 600 millions d'euros par an pour de nouvelles infrastructures de transports. Cette enveloppe permettrait par exemple d'envisager avec une relative sérénité le remboursement d'un emprunt de 2 ou de 4 milliards d'euros. Or je suis relativement inquiet car aucune de ces solutions ne figure au projet de loi de finances pour 2010, ni a priori dans la loi de finances rectificative, qu'il s'agisse du versement transports ou de la participation des entreprises. Je vois donc poindre avec appréhension le risque que ces recettes ne soient en réalité absorbées au profit d'un autre projet. S'agissant du financement du « Grand Huit », le Secrétaire d'Etat a évoqué une dotation initiale en capital qui s'accompagnerait d'un emprunt dont j'ai compris qu'il serait distinct du grand emprunt. Pour terminer sur la question du financement, j'exige de savoir qui va porter la dette in fine du « Grand Huit » : si l'étanchéité entre cette dette et les finances du STIF n'est pas garantie, vous comprendrez la réticence sur la question du transfert des matériels.

Le conseil régional d'Ile-de-France et le STIF sont tout à fait favorables à un maillage de la région en gares TGV, maillage qui a été intégré dans l'élaboration du SDRIF car il constitue une bonne formule pour les franciliens et pour tous nos compatriotes. Aujourd'hui, le dossier « ressort » avec l'appui de la SNCF, même si celle-ci ne semble pas tout à fait sur la même longueur d'ondes que Réseau ferré de France.

Je réponds à M. Yves Vandewalle concernant l'opération d'intérêt national (OIN) de Paris-Saclay. Une ligne de bus en site propre, que j'ai inaugurée, a été mise en service et va être prolongée : bien entendu, il faut aller plus loin en créant une véritable offre locale de transports. La meilleure formule, et cela constitue une ouverture conforme aux souhaits des élus de la communauté d'agglomération du plateau, serait de créer une autorité de proximité, sous la forme d'une AOP. Celle-ci serait autorisée par le STIF, une majorité des deux tiers des voix au sein du conseil du STIF étant requise, et la mise au point de cette offre lui serait déléguée, selon un cahier de charge relativement précis qui garantisse sa complémentarité avec l'offre globale de transports dans la région ainsi qu'avec le SDRIF. Je compte proposer cette solution lors d'un prochain conseil du STIF, à la fin de cette année ou au début de 2010.

Le projet concernant la haute vallée de Chevreuse a connu quelques déboires : un nombre relativement élevé de communes a voulu y participer, l'Etat s'y est opposé, mais je pense qu'une solution consensuelle pourra émerger.

Je rejoins les interrogations de M. André Chassaigne sur la finalité d'un système de transport : celui doit-il être conçu pour la desserte et les déplacements des habitants dans les zones urbaines mal desservies ou pour des pôles de développement et des déplacements que je qualifierais de professionnels – certains disent « travail à travail » ? Avec le projet Arc Express, nous avons choisi la première option, notamment avec des tangentielles éloignées de Paris. La tangentielle Nord, chère à M. Daniel Goldberg, desservira notamment une très grande partie des cités défavorisées du Nord de la région. Nous finalisons la tangentielle Ouest avec le conseil général des Yvelines. Avec le Président M. Michel Berson et le conseil général de l'Essonne, nous avons travaillé sur la liaison Massy-Evry. Nous aurons ainsi au terme du processus fait quasiment le tour de la région. J'ajoute que le prolongement du tramway des maréchaux jusqu'à la porte de la Chapelle s'intègre dans cette démarche, et son impact sera presque plus important à l'extérieur de Paris intra muros qu'à l'intérieur.

Les pôles économiques, qui figurent au projet de loi, ont également été inscrits au SDRIF. Pour répondre à une interrogation de M. Christian Patria sur les pôles de compétitivité, je voudrais rappeler que c'est la région Ile-de-France qui les a portés et financés, à parité avec l'Etat, à hauteur de 73 millions d'euros pour l'année 2009. Pour prendre l'exemple du transport et de la logistique, nous avons aidé à forger deux pôles de compétitivité mondiale que sont Mov'eo et Advancity. Je souhaite, et je crois qu'il n'y là-dessus aucune forme de désaccord possible sur cette question, renforcer la compétitivité de l'Ile-de-France.

Pour abonder dans le sens d'une des questions sur les contacts avec les autres conseils régionaux en matière de transport, je rappellerais que nous avons, avec mes collègues de l'ensemble du grand bassin parisien, créé une structure nouvelle et volontaire, appelée « C8 », qui constitue une instance d'information et de concertation. Nous avons récemment effectué ensemble un déplacement à Bruxelles, afin de porter ensemble nos dossiers auprès de la Commission européenne. Dans les projets que nous développons ensemble, outre le canal Seine-Nord que j'ai cité, je voudrais mentionner l'électrification de la ligne de Troyes, menée avec le conseil régional de Champagne-Ardennes, avec le maire de Troyes et les conseils généraux concernés.

J'appelle d'ailleurs de mes voeux la création d'une structure, qui ne soit pas seulement consensuelle, permettant de mener à bien les projets de transports ayant une dimension interrégionale affirmée, qui sont extrêmement nombreux. Il est clair à mes yeux que d'autres dossiers comme le contournement ferroviaire de Paris ou la liaison avec Bordeaux doivent aboutir mais ces exemples ne sont pas les seuls.

Je regrette que le gouvernement n'ait jamais publié depuis février 2004 les décrets relatifs à la mise en place des communautés aéroportuaires, qui doivent être présidées par les présidents de région. Non que je sous-estime l'investissement que celles-ci requerraient, mais je crois qu'il est important sur cette question d'aménagement du territoire de donner des moyens à l'échelon local et, au besoin, au dialogue interrégional.

Pour répondre à M. Yannick Paternotte, je considère comme lui que le Val-d'Oise est le grand oublié du projet de loi. Mais qu'il se rassure : le Val d'Oise n'est pas oublié par le conseil régional, comme en témoigne notamment son engagement dans le barreau de Gonesse. Mais force est de constater que le texte soumis au Parlement ne le prend pas en considération.

En ce qui concerne les parkings de dissuasion, un schéma directeur des parcs de stationnement a été adopté par le STIF au cours de son avant-dernière réunion. Plusieurs dizaines de réalisations sont annoncées et programmées.

Je voudrais aussi évoquer le projet CDG Express que j'ai défendu lorsque le STIF était présidé par l'Etat et que le « Grand Huit » n'aborde pas. Or le STIF a été dessaisi en la matière par un amendement parlementaire discuté « nuitamment ». La gestion opérée depuis par l'Etat ne fait rien pour nous rassurer : une seule offre a été formulée par Vinci, le dossier n'a pas progressé et devient même emblématique d'un partenariat public privé qui ne fonctionne pas. Pourtant, à mon avis, nous avons besoin d'un axe comparable à la liaison anglaise WaterlooPaddington. Je dois prochainement recevoir les élus locaux concernés pour évoquer ce sujet, j'ai déjà trop tardé à le faire.

Enfin, il n'y a pas d'engagement régional sur la connexion entre Creil et Roissy.

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