Je remercie à mon tour le rapporteur et le président de la commission du développement durable de me donner l'opportunité de m'exprimer devant la représentation parlementaire. Je suis attaché aux principes de la décentralisation et, de ce point de vue, je trouve très positif que des élus locaux soient conviés devant les députés représentants de toutes les circonscriptions de France. Je me souviens des précédentes discussions qui avaient eu lieu entre le Premier ministre Lionel Jospin et Jean-Pierre Raffarin, alors président de l'association des régions de France : elles avaient été très constructives.
Je tiens à rappeler en préalable qu'il ne s'agit pas dans cette discussion d'octroyer un passe-droit à l'Ile-de-France ni de faire supporter son développement par la communauté nationale. Près des deux tiers des voyageurs français sont des Franciliens et nous avons un important retard à rattraper en termes d'infrastructures dans la mesure où les précédentes années ont vu porter l'essentiel des investissements sur le réseau des grandes lignes ferroviaires.
La question posée par Yves Albarello est particulièrement complexe et nécessite un certain nombre de rappels des faits. Au terme de quatre années de travail, le conseil régional a adopté un schéma directeur à une large majorité, transcendant les clivages politiques, avec à l'issue de l'enquête publique un avis favorable unanime des dix-neuf commissaires enquêteurs. Conformément à la procédure, il doit maintenant être transmis au Conseil d'Etat pour approbation. Or le gouvernement juge ce document « malthusien » et inadapté, il retient par conséquent sa transmission au Palais-Royal et son entrée en vigueur.
Je signale au passage que l'hypothèse retenue à l'époque par M. Christian Blanc se fondait sur une évolution de 5% du PIB et que le taux de 2% que nous avions retenu me paraît, dans la situation actuelle, beaucoup plus réaliste. Le conseil régional s'apprête à engager une action contentieuse à l'encontre du gouvernement pour cette attitude qui s'apparente de notre point de vue à une violation de l'obligation d'agir dans un délai raisonnable. Le schéma a été voté le 25 septembre 2008, il est temps désormais qu'il entre en vigueur. J'ai même proposé à M. Christian Blanc de mettre le schéma en révision immédiatement après son adoption par le gouvernement. Le protocole d'accord qu'il a voulu imposer alors exigeait que le conseil régional « batte sa coulpe » et critique sa propre décision.
Dans le même temps, aucune concertation satisfaisante n'a été conduite sur le projet de loi dont le Parlement débat. Durant une année, je n'ai pas réussi à être consulté par le secrétaire d'Etat. Le projet de Grand Paris s'apparente finalement à une montagne qui accouche d'une souris : le texte proposé ne concerne que l'urbanisme et les transports ; il va conduire à « battre en brèches » le schéma directeur de la région Ile-de-France, que ce soit le texte en attente ou celui en vigueur actuellement – qui date de 1994 !
Le délai de dix-huit mois prévu pour les contrats de développement territorial est trop court et aboutira en fait à ce que l'Etat reprenne la main. Il y a de fortes chances que toutes les procédures dérogatoires ne conduisent à multiplier les recours contentieux et agissent en fait comme un frein à l'accomplissement des travaux. Je rappelle par ailleurs que la zone sélectionnée couvre trente-cinq mille hectares, soit trois fois la surface de la ville de Paris ainsi soustraite au droit de préemption des collectivités municipales.
Le volet transports du projet de loi conduit à ériger un réseau primaire, le « Grand Huit », et à ravaler les lignes existantes au rang de réseau secondaire. Des questions se posent en termes de connexion des réseaux de transport public, de cohérence technique, d'unité de gestion. On risque grandement de retrouver, à moyenne échéance, deux ensembles déconnectés l'un de l'autre.
En outre, je crains pour les garanties de financement du projet et je me fonde en cela sur l'excellent rapport de votre collègue Gilles Carrez. Il en découle que la somme de trente-cinq milliards d'euros, évoquée dans ce rapport, relève de l'utopie et que le projet ne mobilisera au mieux qu'une vingtaine de milliards d'euros. Je pose aussi le problème de la gestion des infrastructures existantes : les Parisiens n'attendront pas 2035 pour que leurs difficultés présentes soient résolues. Je l'affirme sans détour. Il n'y a aucun accord possible au détriment du réseau actuel et sans harmonisation entre le centre parisien et la banlieue. Notre préférence va sur ce dernier point à un réseau de bus à haute capacité.
La création d'une société du Grand Paris ne fera qu'ajouter une strate supplémentaire alors qu'il existe déjà une structure, dotée de bureaux d'études, qui a fait ses preuves en prenant en charge les extensions de lignes de métro, les projets de tramways et les lignes tangentielles. Aujourd'hui, l'urgence est de créer des réseaux là où il y a urbanisation et de développer les relations de banlieue à banlieue. Il faut désormais privilégier la circulation entre le domicile et le travail ; les chefs d'entreprises d'Île-de-France que j'ai rencontrés ont demandé davantage de transports et de logements. Or, si 60 % de la population de la région relève du logement social, il n'y a aucune allusion au logement dans le projet de loi.
On va confier à la RATP le soin de mener des projets sans consultation ni écoute des populations. Le plan de mobilisation de la région fait l'objet de consultations et le Président de la République m'a indiqué qu'il y était favorable.
Que se passera-t-il si les collectivités refusent de signer des contrats de développement territorial ? Est-ce qu'on leur imposera des schémas de développement ? Ainsi, ni les financements ni les modes opératoires ne sont au rendez-vous.
Le contrat de projet avec l'État engage durablement ce dernier et la région. Suite à la réforme de la taxe professionnelle, les collectivités territoriales ne disposeront plus que d'une autonomie fiscale de 3 à 9 %. L'histoire montre que les dotations d'État ne sont jamais suffisantes et que les droits des collectivités concernés ne sont pas garantis alors qu'ils le sont constitutionnellement en Espagne et en Allemagne. Comment peut-on travailler devant un tel mépris pour les élus locaux ?
J'ai fait la proposition suivante : que les collectivités territoriales concernées doublent le budget du STIF le portant ainsi à 1,4 milliard d'euros, que le STIF prenne en charge la réalisation du réseau unifié en y incluant le « grand 8 », qu'il y ait deux conseils d'administration, l'un dans lequel siègerait l'Etat pour la réalisation du « grand 8 » - je n'y vois aucune difficulté puisque l'État doit participer au financement - , l'autre pouvant prendre en charge le plan de mobilisation. Les tracés des nouvelles lignes doivent être concertés, à l'exemple de la concertation réussie pour le tramway T 4 ClichyMontfermeil.