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Intervention de Michèle Alliot-Marie

Réunion du 2 novembre 2009 à 15h00
Commission élargie des affaires économiques, de l’environnement et du territoire et des finances

Michèle Alliot-Marie :

ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Pour répondre d'abord à M. Jean-Luc Warsmann, qui me demandait quelles étaient les grandes lignes de notre politique, je dirais que nous essayons d'abord de renforcer ce pilier institutionnel qu'est la justice. Si les citoyens ont le sentiment que des règles du jeu existent, qu'elles sont respectées par tous et appliquées équitablement, la cohésion d'une nation est garantie.

Mais nous voulons aussi répondre aux attentes, aux inquiétudes et aux critiques dont la justice fait l'objet. Il nous paraît essentiel de la rendre plus rapide dans son exécution, plus simple dans son fonctionnement et plus effective lorsque des sanctions sont prononcées.

La hausse du nombre des greffiers et des fonctionnaires doit permettre aux magistrats de se concentrer sur le coeur de leur mission, rendre des jugements. J'ai écrit aux procureurs pour leur demander de me communiquer les délais moyens, afin de dresser un état des lieux annuel, juridiction par juridiction. Je leur ai aussi demandé de me transmettre la liste des dossiers en instance depuis plus de cinq ans. La dématérialisation devrait permettre d'accélérer les procédures. Enfin, certaines procédures simplifiées ne sont pas suffisamment utilisées, comme la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

La tendance à la judiciarisation des affaires contribue de façon certaine à l'engorgement des tribunaux. Or, qu'il s'agisse du pénal, du civil ou des prud'hommes, il est possible de recourir à la médiation et à la conciliation : cela permet d'éviter le passage devant le juge ou, si la procédure doit suivre son cours, de la simplifier et de l'accélérer.

Enfin, j'ai rappelé lors des débats sur la loi pénitentiaire que je m'étais fixé un objectif de résorption des 32 000 condamnations annuelles qui ne sont pas exécutées. Pour cela, nous disposons de plusieurs outils dont la possibilité, donnée par la loi pénitentiaire, d'aménager les peines de moins de deux ans.

M. Migaud m'a interrogée sur la simplification de la carte judiciaire. Le coût immobilier de la réforme se situe aux environs de 385 millions d'euros, les dépenses étant censées s'étaler jusqu'en 2018. S'agissant des économies attendues à plus long terme, les réponses que j'ai obtenues de mon administration sont pour le moment insuffisantes : il nous faut encore affiner nos évaluations.

Vous m'avez parlé ensuite des difficultés de paiement de certaines cours d'appel. La responsabilité gestionnaire des cours d'appel appartient, je le rappelle, aux premiers présidents et aux procureurs généraux. Elle s'exerce évidemment dans le cadre des crédits disponibles, qui s'élevaient en 2009 à 315 millions – montant globalement suffisant. Si certaines cours d'appel rencontrent des difficultés de paiement, il s'agit de difficultés ponctuelles, auxquelles on remédiera facilement. Elles sont dues peut-être au relèvement des tarifs médicaux ou aux frais de stages.

S'agissant des visioconférences, 6 000 ont été réalisées depuis le début de l'année, dont 4 000 avec les détenus. Les situations varient d'une juridiction à l'autre, les tribunaux de Marseille, Bordeaux et Auxerre marquant une certaine avance. Ces pratiques, qui doivent rentrer dans la culture judiciaire, permettent notamment de réaliser des économies sur les transfèrements.

M. Warsmann m'a interrogée sur les nouveaux programmes d'ouverture de prisons qui compensent, dans le cadre de la RGPP, les fermetures d'établissements anciens. Je ne suis pas opposée à la fermeture de prisons vétustes et mal adaptées. Mais je me réserve la liberté de revenir sur certaines décisions qui tendraient à créer des ensembles gigantesques et déshumanisés, risquant de mettre en échec notre politique de réinsertion. Il nous faut trouver un équilibre entre la rationalisation et une approche plus humaniste de la détention.

La prise en charge sanitaire et médicale dépend aussi du ministère de la Santé. Dès mon arrivée place Vendôme, je me suis entretenue avec Mme Bachelot ; nos cabinets respectifs travaillent en étroite collaboration sur la question du déficit en personnels dans certaines spécialités et sur le manque général d'appétence des médecins pour le travail en prison.

S'agissant du retrait du permis de conduire, il est difficile de réaliser une fusion complète des phases administrative et judiciaire tout en respectant les caractéristiques de chacune des procédures. Mieux vaut s'attacher, par exemple, à réduire les délais pour la récupération de points.

Monsieur Couanau, vous avez rappelé que la justice était l'un des rares ministères à voir ses crédits augmenter. Cela nous permet de répondre à un certain nombre de priorités, mais pas à toutes. Un budget est une somme de choix, l'expression d'une politique ; je n'en connais aucun qui ait permis de répondre aux attentes de tous. De ce point de vue, les ministres sont égaux devant Bercy !

S'agissant de la carte judiciaire, qu'il soit clair que je ne reviendrai sur aucune décision prise avec moi. Il y va de la continuité de l'État. Le secrétaire d'État, M. Bockel, effectue de nombreux déplacements pour vérifier que les personnels reçoivent un traitement conforme à nos engagements.

Alors qu'on avait parlé de 700 à 800 millions d'euros, le coût des investissements immobiliers est aujourd'hui fixé à 385 millions d'euros, auxquels il faut ajouter, bien entendu, les charges de personnel ainsi que les frais d'adaptation des cabinets d'avocats à la réforme de la carte judiciaire. Ces derniers crédits sont en effet inscrits dans le budget. S'ils ont été très peu consommés jusqu'à présent, on doit prévoir un accroissement en 2010 des dossiers soumis à la commission.

Vous me demandez si la réforme va générer des économies : sincèrement, je ne peux pas répondre aujourd'hui à cette question.

Vous avez signalé les difficultés de la dématérialisation, notamment en ce qui concerne Cassiopée. Nous travaillons à les résoudre. Les services et les opérateurs en cause ont été convoqués et avertis que nous ne tolérerions plus à l'avenir ni nouveaux retards ni dysfonctionnements. Toutefois, nos services ne sont pas les seuls à devoir apprendre cette nouvelle culture : nos efforts resteront vains tant qu'ils ne seront pas partagés par nos partenaires – nous ne pouvons pas encore, par exemple, échanger avec les services de police.

La chancellerie, pour sa part, continue son grand mouvement de modernisation, qu'il s'agisse des chantiers de la signature électronique, des documents d'état-civil, des procès-verbaux électroniques ou de la visioconférence. Tout cela entre progressivement dans les moeurs.

L'augmentation du nombre de fonctionnaires, de greffiers et d'assistants est un de mes choix budgétaires et une demande unanime des syndicats de magistrats. Je compte en outre proposer dans quelques semaines de nouvelles solutions pour recentrer les missions des agents sur leur coeur de métier, dans une perspective d'enrichissement des tâches ainsi que de simplification et d'accélération du fonctionnement de la justice.

Vous avez appelé mon attention, monsieur le rapporteur spécial, sur le risque que l'intervention des services pénitentiaires d'insertion et de prévention, les SPIP, se développe en matière d'aménagement des peines au détriment de leur mission à l'intérieur des établissements pénitentiaires. Vous avez noté que le projet de budget crée 260 postes supplémentaires pour les SPIP, ce qui n'est pas négligeable. Nous travaillons en outre à faire évoluer leurs missions vers une prévention accrue et vers une plus grande cohérence, conformément à l'accord statutaire signé en juillet. Une telle évolution contribue également à l'enrichissement des tâches.

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