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Intervention de Ismahane Chouder

Réunion du 28 octobre 2009 à 16h00
Mission d’information sur la pratique du port du voile intégral sur le territoire national

Ismahane Chouder :

Je vous remercie d'avoir répondu à notre demande d'être auditionnées en tant que porte-parole d'un collectif féministe. Nous avons souhaité être entendues en binôme, afin d'être représentatives de la diversité existante, que nous entendons promouvoir. Mais si nous intervenons aujourd'hui en tant que femmes musulmanes et non musulmanes, nous refusons d'être réduites à cette dénomination, car le positionnement et l'engagement de ce collectif féministe n'obéissent pas à une telle logique.

Nous avons participé ensemble à la naissance de deux collectifs profondément laïques dans leur essence et dans leur démarche : « Une école pour toutes-tous – Contre les lois d'exclusion » et le « Collectif des féministes pour l'égalité ».

Le CFPE et le CEPT ont mis d'emblée en avant un certain nombre d'invariants, laïques et féministes, notamment l'égalité entre les hommes et les femmes et le droit inaliénable de se déterminer selon des choix correspondant à ses convictions. Pour nous, ce qui établit la liberté, c'est l'existence réelle des principes qui la fondent et non pas la forme qu'elle peut revêtir dans telle ou telle société. J'entends par cela le droit de choisir, de disposer de son corps et de se vêtir selon les choix de chacune.

Notre conception de la laïcité est claire. Nous estimons qu'il est temps que les uns et les autres arrêtent de se positionner par rapport à la laïcité et au féminisme selon le propre sens qu'ils leur donnent. J'ai visionné toutes les auditions de votre mission, dans la mesure où son objet est de faire un état des lieux sur la question particulière du port du voile intégral. Pour nous, il s'agit d'un épiphénomène. A ce jour, il n'existe d'ailleurs aucune étude sérieuse qui tendrait à le quantifier. Pour notre part, nous nous fondons sur notre expérience du terrain.

Le port du voile intégral connaît-il une recrudescence ? Quelle en est la signification ? Ne risquons-nous pas de nous cantonner à nous interroger sur la visibilité de certains signes ? En effet, par simple honnêteté intellectuelle, nous ne sommes pas en mesure, de manière définitive et rigide, de décider qu'il a tel sens pour toutes et pour tous.

Le législateur s'était engagé à fournir, au bout d'un an, un bilan de l'application de la loi du 15 mars 2004. N'ayant pas vu ce bilan venir, nous avons décidé de le faire nous-mêmes : il est paru sous la forme d'un livre intitulé Les filles voilées parlent, publié en mars 2008.

J'ai cru comprendre, en écoutant les précédentes auditions, que vous n'aviez pas d'a priori par rapport à une loi et que votre mission déboucherait sur des préconisations. Il n'empêche que toutes les questions qui ont affleuré lors des débats et des auditions révèlent soit des préjugés, soit des a priori. Le port du voile intégral apparaît comme constituant une menace. Les arguments qui ont été avancés lors de ces auditions et sur lesquels, en tant que collectif, nous souhaitons apporter un éclairage, peuvent être regroupés selon trois registres : féministe, moral et sécuritaire.

Le voile intégral, comme tout signe, a pour signification celle que lui donnent celles qui le revêtent. Mais en lui-même, en quoi serait-il le marqueur d'une infériorité ou d'une inégalité entre les hommes et les femmes, sachant que nous le dénonçons comme une pratique sectaire ? Pourquoi faudrait-il faire en sorte de légiférer contre ce marqueur plus que contre un autre ? Je précise qu'au sein de notre collectif, nous luttons pour l'émancipation des femmes, au-delà d'un modèle prétendument supérieur et, tant qu'à faire, occidentalo-centré.

On présente, par ailleurs, le voile intégral comme portant atteinte aux valeurs fondamentales de la République, nos valeurs de laïcité et de dignité humaine. Il serait enfin le symptôme d'un complot visant à déstabiliser notre République. Mais en quoi ?

Dans le cadre du CFPE, nous considérons que l'émancipation ne peut pas passer par l'interdiction. L'émancipation, la liberté, la dignité s'acquièrent, ne se confèrent pas. Elles s'acquièrent par des espaces où le dialogue est possible, par des expériences partagées, dans des valeurs partagées, par le biais de projets communs fondateurs permettant de dépasser les appartenances particulières.

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