Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Alain Juppé

Réunion du 28 octobre 2009 à 19h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Alain Juppé, coprésident de la commission sur le grand emprunt :

J'aborderai plus particulièrement deux points qui sont revenus à plusieurs reprises, à savoir la question du retour sur investissement et celle de la gouvernance.

J'ai dit tout à l'heure, peut-être imprudemment, que 50 % des fonds que nous nous proposons d'utiliser pourraient revenir sous forme d'avances remboursées, de prêts participatifs remboursés ou de dotations en capital non consumptibles. Pour prendre ce dernier exemple, si l'on dote les universités en capital, il existe deux façons de faire : soit comme pour le plan campus, c'est-à-dire qu'en réalité c'est la Caisse des dépôts qui conserve l'argent ; soit comme pour des dotations véritables, c'est-à-dire que l'argent ne revient plus dans les caisses de l'État – c'est une première difficulté, mais, comme pour le plan Campus, on peut trouver des solutions intermédiaires.

Pour ce qui est de l'autre moitié – à supposer que ce soit vraiment une moitié, car je ne m'engage pas sur ce ratio – M. Hollande nous dit que l'on peut en déduire qu'il s'agit d'argent à fonds perdus. Non : même sur cette autre moitié, il peut y avoir un retour sur investissement. Si nous finançons, par exemple, le maillage en fibres optiques sinon de l'ensemble du territoire, du moins d'une grande partie, certaines applications en très haut débit peuvent entraîner de grandes économies budgétaires à commencer par la télé-administration ou la télé-éducation. Il peut donc y avoir, dans cette moitié, des dépenses génératrices de recettes budgétaires.

Je n'irai pas complètement au bout de ce raisonnement, car il y a des cas où il sera extrêmement difficile de mesurer le retour sur investissement autrement qu'en appréciant la rentabilité socio-économique globale de l'action. Dans le domaine de l'énergie solaire, nous disposons d'un fantastique centre de recherche à Chambéry, l'Institut national de l'énergie solaire, l'INES, dont Jean Therme est l'un des acteurs. Si notre intervention permet à la France de rattraper son retard en matière d'énergie solaire, le retour sur investissement sera mesurable non pas en termes strictement budgétaires, mais en termes socio-économiques. On annonce dans ma région un fort investissement d'un fabricant américain de panneaux photovoltaïques. Si on développe notre compétence et notre savoir-faire dans ces domaines, on peut donc avoir des retours sur investissement. Mais cela pourra être très difficile à quantifier, comme en matière de recherche fondamentale où il faut attendre dix ou quinze ans.

Jérôme Chartier s'est demandé s'il y aurait des dépenses de personnel dans l'utilisation du grand emprunt. Je me mettrais en contradiction avec ce que j'ai dit tout à l'heure – pas de dépenses récurrentes – si je répondais par l'affirmative. Mais répondre non à 100 % ne serait pas non plus tout à fait honnête parce que financer par exemple des laboratoires de recherche performants permettant le retour de chercheurs d'excellence aujourd'hui employés dans la Silicon valley, cela signifie aussi qu'il faut les payer mieux qu'ils ne le sont aujourd'hui et leur donner des équipes qui soient également performantes. Par ce biais-là, il peut donc y avoir, mais dans le cadre de programmes de recherche et non par dotations budgétaires ou par création de postes, un effet sur la dépense de personnel.

La deuxième grande question que j'évoquerai concerne la gouvernance. Pour assurer l'étanchéité par rapport à la procédure budgétaire habituelle, certains d'entre vous préconisent de créer un fonds spécial, qu'il serait plus aisé de contrôler. Plutôt qu'un support unique, nous pensions recourir à plusieurs instruments pour identifier clairement la dépense. Je prendrai trois exemples. Premièrement, l'Agence nationale de la recherche est le bon outil pour doper des laboratoires. Deuxièmement, OSEO sait amorcer des projets de PME innovantes pour combler le vide entre la recherche, le dépôt de brevet, l'exploitation industrielle et la mise sur le marché. Troisièmement, nous sommes très séduits par le concept de « campus d'innovation », regroupant des acteurs de la recherche, dans des domaines comme l'énergie solaire.

Nous avons aussi émis l'idée que soit créé une sorte de conseil de surveillance du grand emprunt, afin dévaluer la mise en oeuvre de ces fonds, sous l'autorité du Parlement, avec un compte rendu périodique, comme c'est déjà le cas en ce qui concerne la mise en oeuvre du plan de relance.

Nos investigations comportent une lacune : je note que nous avons négligé le transport par dirigeable !

Les nanotechnologies et les biotechnologies sont totalement transversales. Elles touchent notamment à la santé, à l'avion du futur, à la maîtrise des nouveaux matériaux et aux réseaux numériques.

Faut-il mailler en fibres optiques la totalité du territoire national ? Cela coûterait 35 milliards d'euros. N'existe-t-il pas des moyens un peu progressifs ? Dans la zone 3, par exemple, l'utilisation du satellite peut offrir une solution transitoire pendant quelques années.

La France est le deuxième pays au monde dans le secteur aéronautique mais cela ne durera pas car le Brésil et la Chine se mettent à produire des avions. Il est par conséquent impératif que nous prenions un temps d'avance et que nous construisions l'avion du futur, qui consommera 50 % de kérosène en moins, générera 50 % de bruit en moins et pèsera 10 % moins lourd grâce aux matériaux composites. Pour construire un prototype, un démonstrateur est nécessaire, mais il est impossible de lever des fonds bancaires à cet effet car il s'agit d'un projet de long terme. C'est l'exemple type de projet pour lequel le système de l'avance remboursable est approprié, tout comme Ariane 6.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion