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Intervention de Michel Rocard

Réunion du 28 octobre 2009 à 19h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Michel Rocard, coprésident de la commission sur le grand emprunt :

A mon tour, je rappelle que nous n'avons pas décidé du lancement d'un grand emprunt. D'ailleurs, la commission est composée d'une majorité de membres qui, à l'origine, n'étaient guère favorables à cette idée.

Pourquoi ce grand emprunt, censé, à long terme, conforter l'avenir de la France ? Voilà quinze ans que les budgets de rigueur se succèdent. Les mesures nouvelles – 8 à 9 % du budget – sont traditionnellement consacrées à répondre à des demandes de nature sociale et de nature agricole, aux dépens de la défense, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Dans ce dernier domaine, le grand emprunt nous donne l'occasion de cerner les points de fragilisation, de réaliser l'inventaire de ce qui n'a pas été fait, faute de financements. C'est dans cette perspective que j'ai accepté de coprésider cette commission.

L'endettement de notre pays est tel que la commission recommandera que l'emprunt soit unique – même si les fonds nécessaires doivent être collectés en deux fois – et qu'il soit accompagné d'un effort plus vigoureux d'assainissement des finances publiques.

A vrai dire, la situation de la France demeure moins catastrophique que celles du Japon, des États-Unis, de l'Islande, voire de pays membres de l'Union comme l'Irlande, la Grande-Bretagne, la Belgique, l'Espagne ou l'Italie. La crédibilité de notre signature équivaut à celle de l'Allemagne et les marchés nous gratifient encore d'un triple A. Mais il est vrai que le traitement anémie parfois le malade souffrant de langueur, le privant ainsi de ses capacités de recouvrer la santé. Il ne faudrait pas que le grand emprunt obère nos chances de retour à la normale. C'est en ce sens que nous avons accepté de faire l'inventaire de projets d'avenir importants.

Le montant de l'emprunt doit être compatible avec la préservation de l'image de la France et de sa signature en matière de dettes. Selon l'AFT, 20 milliards d'euros correspondraient à « l'épaisseur du trait », une somme qui laisserait les marchés insensibles. C'est la raison pour laquelle nous pourrions être amenés à collecter les fonds en deux fois, pour une somme totale se situant entre 20 et 38 milliards. Nos travaux, comme vos débats, ont été pollués par la circulation d'un montant sans fondement – 100 milliards d'euros – que le Président de la République a démenti avec la plus grande vigueur. Les taux du marché sont pour le moment honorables – aux alentours de 2 % – ce qui tendrait à disqualifier l'option de l'épargne publique, plus coûteuse.

La France est un grand pays de chercheurs et d'inventeurs, mais le nombre de brevets et de réalisations demeure trop faible. Songez que la Corée du Sud, qui publie autant d'articles sur les avancées dans les nouvelles technologies que la France, dépose huit fois plus de brevets ! Qu'il s'agisse des nanotechnologies, des biotechnologies, des biocarburants de troisième génération, des énergies renouvelables ou encore des véhicules du futur, la France regorge de projets d'avenir. Nous nous sommes laissé dire que dans quatre ou cinq domaines spécifiques, la France pourrait occuper une position de leadership mondial si les financements des recherches étaient complétés.

La gouvernance de l'emprunt est au coeur de nos préoccupations, même si les décisions ne sont pas encore formalisées. Nous espérons que le choix des porteurs et des sujets sera tel que l'emprunt sera rapidement remboursé, via une économie sur la balance des paiements, une fourniture de valeur ajoutée ou des rentrées fiscales. Toutefois, certains investissements n'auront pas de rentabilité immédiate, mais des résultats socioculturels patents.

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