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Intervention de Jean Launay

Réunion du 9 décembre 2008 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2008 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Launay :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances rectificative intervient dans un contexte très particulier.

D'abord, au mois d'octobre dernier, des mesures exceptionnelles de soutien au secteur financier, liées à la crise financière et à ses répercussions sur le système bancaire français, ont été prises.

Ensuite, ce collectif est, au moment même où nous en débattons, truffé d'amendements du Gouvernement qui traduisent le plan de relance des investissements.

Dans le contexte de double crise financière et économique, je voudrais évoquer une autre double crise : la crise énergétique – c'est-à-dire l'excès structurel de la demande d'énergie sur l'offre – et la crise climatique, qui nous amène à constater l'excès de consommation des énergies d'origine fossile au regard de la capacité de l'atmosphère à digérer l'excès de carbone.

Préparer l'après-pétrole, lutter contre le changement climatique, tels sont les enjeux structurels majeurs de notre XXIe siècle. Il s'agit de modifier en profondeur notre mode de développement et, avec lui, nos modes de production et de consommation. Pour y parvenir, il faut diviser par deux la consommation mondiale d'énergie d'origine fossile et par quatre celle des pays développés – c'est le fameux « facteur quatre ».

Nous avons eu ici même, avant la conférence de Poznan, un débat sur le « paquet énergie-climat ». L'article 6 du projet de loi de finances rectificative crée le cadre budgétaire de gestion des quotas de CO2. par l'État, c'est-à-dire le compte de commerce intitulé « Gestion des actifs carbone de l'État ». Parallèlement, vous prévoyez un dispositif permettant, dans le cadre du plan national d'affectation des quotas de gaz à effet de serre, d'abonder la réserve destinée aux nouveaux entrants,.

Dans ce contexte, mon intervention sera donc un appel à débattre de l'instauration de la taxe carbone. La stabilisation de la concentration en CO2 et la réduction de notre dépendance au carbone dépendent de décisions politiques de quatre ordres : réduire la demande en biens et services responsables d'une grande part de ces émissions ; accroître l'efficacité énergétique ; favoriser le développement des énergies renouvelables ; envoyer aux agents économiques – ménages et entreprises – les signaux adéquats pour qu'ils modifient, dans la durée et en profondeur, leur comportement économique.

Je considère que le temps – nécessairement court – de la préparation de l'après-pétrole et de la lutte contre le changement climatique peut être une chance pour notre pays. Il le sera si nous mettons rapidement en oeuvre l'outil que constitue la fiscalité écologique et si nous le manions de façon appropriée.

La fiscalité écologique est en fait l'expression du principe pollueur-payeur. Elle est un puissant signal adressé à tous, et qui a l'avantage supplémentaire de fonctionner dans les deux sens, en pénalisant les usages nocifs pour l'environnement, mais en favorisant aussi l'usage de produits plus vertueux par des baisses de prix appropriées.

Pour appuyer ce plaidoyer, je voudrais rappeler que l'OCDE, dans une de ses publications de la collection « Problèmes et stratégies », précise que l'efficacité des taxes environnementales, qui introduisent un « signal prix » mettant en oeuvre le principe pollueur-payeur et incitent à la réduction des sources de pollution, est démontrée.

Chacun sait que le protocole de Kyôto, en partie parce qu'il n'a pas été ratifié par les États-Unis et ne l'a été que récemment par la Chine – qui, je le rappelle, est devenue en 2007 le plus gros émetteur de gaz à effet de serre –, n'a pas permis de réduction significative des émissions. Il n'y a plus de temps à perdre, et ce d'autant que les systèmes de quotas ne fonctionnent pas ou fonctionnent mal.

Puis-je enfin rappeler les propos tenus par Pascal Lamy, le 1er octobre dernier, devant notre commission des finances ? En réponse au président Migaud, qui lui demandait s'il était possible d'instaurer une taxe carbone était possible sans mettre en cause les principes fondateurs de l'OMC, il confirmait en effet : « Je crois que cela est possible. La constitution de l'OMC met le développement de l'échange international au service du développement durable. […] De nombreuses dispositions du code de l'OMC prennent en compte la nécessité de préserver l'environnement, et la jurisprudence de l'organe d'appel de l'OMC permet, dans des conditions qu'elle a déterminées, que la protection de l'environnement fasse obstacle au commerce. »

Monsieur le ministre, si la conscience et la responsabilité doivent nous guider pendant les crises, alors il est temps d'aborder concrètement les moyens de lutter contre la crise climatique et énergétique. Vous prétendez le faire en matière financière et budgétaire par vos plans de relance et les dispositions de ce collectif.

J'en appelle, pour ma part, au débat sur l'instauration de la taxe carbone. L'urgence écologique se doublant de l'urgence sociale, notre pays se doit d'être moteur, après le Grenelle 1 et avant ou pendant le Grenelle 2, dans la réponse à apporter à cette double crise par l'instauration du levier fiscal environnemental.

J'ai l'espoir que nous trouvions ensemble, au fil des collectifs budgétaires et des lois de finances, le temps d'y travailler.

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