Compétitive, soit !
…la question de la demande et des revenus, serait une bonne question. Mais, chers collègues, moi qui défends une industrie forte, je trouve bien dommage que nous ne traitions pas sérieusement la question des délocalisations car, à chaque fois que nous en parlons, c'est pour ne rien faire. Mais parlons de l'économie de services. Croyez-vous qu'elle ne se nourrit pas d'abord du revenu des Français ? Comment sont financés tous les emplois de service à la personne, tous les emplois à domicile ? Directement par le revenu des Français, quelle que soit leur tranche d'âge, quelle que soit leur situation familiale.
Second élément, les investissements. On a l'impression qu'il a suffi d'un discours du Président de la République pour que vous redécouvriez les vertus de l'investissement public sur fonds publics et, surtout, celui des collectivités locales… J'ai été frappé d'entendre, pendant la séance de questions au Gouvernement, un député de la majorité défendre l'investissement des collectivités locales, répéter ce que nous avons toujours dit, savoir que près des trois quarts de l'investissement public est le fait des collectivités locales et que si l'on ne leur permettait pas d'investir, ce serait un effondrement. J'ai du reste entendu M. Devedjian, nouveau ministre, reprendre cette argumentation.
Quel dommage que nous ayons perdu deux ans ! Et même plus de six ans, devrais-je dire, puisque votre politique était déjà à l'oeuvre dans le précédent gouvernement, une politique consistant à réduire les moyens des collectivités locales pour les contraindre à réduire leurs investissements. À l'instar de tous nos collègues dans leur région, je dispose d'exemples très concrets où l'État, ses services, notamment les préfets, freinent délibérément des projets parce qu'ils ne veulent pas que l'État soit amené à les cofinancer ou parce qu'ils ne veulent même pas que les collectivités locales puissent les réaliser.
Si seulement, au lieu de freiner, voire d'empêcher ces projets, vous aviez encouragé les projets d'infrastructures d'utilité écologique et sociale comme la rénovation urbaine ou les transports en commun – réalisations qui devraient susciter un large consensus puisque les grands projets de villes ont été lancés sous un gouvernement de gauche, puisque l'Agence nationale pour la rénovation urbaine a été pour sa part créée par un gouvernement de droite, et puisque le Grenelle de l'environnement prévoit la création de milliers de kilomètres de lignes de transports en communs en sites propres. Or depuis deux ans, vous avez systématiquement freiné ces projets.
Dans le présent projet de loi de finances rectificative lui-même, les crédits pour la rénovation urbaine sont encore à la baisse et le rapporteur général du budget a montré à quel point il s'agissait de pur affichage, aucune décision concrète de l'État n'ayant été prise, hormis celle de baisser les crédits affectés à la rénovation urbaine.
Si ces projets avaient été facilités et financés, ils pourraient se réaliser rapidement pour profiter au secteur du bâtiment et des travaux publics qui va maintenant subir pendant au moins un an, si ce n'est deux, une grave récession. Car ne nous leurrons pas, vous êtes vous-même un élu local, monsieur le ministre, vous connaissez bien la situation de nos territoires : les chantiers évoqués par le Président de la République – dont nous pourrions d'ailleurs discuter – n'auront pas d'effet concret sur l'économie avant un ou deux ans.
C'est pourquoi nous aurions préféré que l'on mette vraiment la priorité sur le logement tant pour la construction de logements neufs, notamment dans le secteur de l'habitat social dont vous n'avez cessé de réduire les moyens pendant des années, que pour la rénovation. Ce sont là des chantiers identifiés par le Grenelle de l'environnement. Passons à l'action : ces chantiers pourraient démarrer rapidement et et donner du travail aux entreprises du bâtiment, obligées aujourd'hui de licencier.
Il va sans dire, mais cela va encore mieux en le disant en ce qui nous concerne, que cette priorité au logement, à la rénovation urbaine ou aux transports en commun, pour ne prendre que quelques exemples concrets, nous paraît nettement plus utile que la relance de projets autoroutiers annoncée par le Premier ministre il y a quelques jours, souvent inutiles voire nuisibles dans de nombreux territoires, comme on l'a maintes fois démontré _ sans même parler de pas la relance de programmes militaires, cités également par le Président de la République, à mille lieux des attentes des Français et dépourvus d'utilité sociale à court comme à moyen ou long terme.
Votre politique gagnerait sans aucun doute en efficacité si vous aviez davantage le souci de la cohérence. À cet égard, je ne citerai que deux exemples.
Premier exemple : la cohérence entre les engagements du Grenelle de l'environnement – que nous avons quasiment tous votés, qui sont donc un sujet consensuel, qu'il faudrait maintenant porter collectivement – et vos choix budgétaires.
Comment expliquer que la seule mesure de fiscalité écologique contenue dans le projet de loi de finances rectificative soit cette mesurette, cette mini-mesurette qui consiste à instaurer un malus annualisé sur les véhicules émettant plus de 250 grammes de CO2par kilomètre et vendus après 2009 ? Cette disposition ne touche même pas les véhicules existants. Elle n'a donc aucune incitation sur le renouvellement du parc. En outre, les véhicules concernés représentent à peine 1 % des ventes de voiture en France. C'est vraiment ridicule. Comment le dire autrement ? C'est ridicule à l'échelle des enjeux dont M. Borloo, ministre de l'écologie, a encore parlé tout à l'heure lors de la séance des questions au Gouvernement, en évoquant la conférence de Poznan et le paquet énergie-climat qui doit être adopté sous la présidence française.
Comment expliquer, pour être encore plus concret, que le ministère de l'écologie soit celui qui connaît, dans ce projet de loi de finances rectificative, la plus importante annulation de crédits, plus de 300 millions d'euros ? Quelle cohérence y a-t-il dans votre politique ? Nous ne la voyons pas.
Deuxième exemple, vous avez découvert les vertus des « stabilisateurs » sociaux. Grand bien vous fasse. Nous en sommes très heureux. J'espère que ce sera suivi d'effets. Mais comment expliquer que, dans le même temps, vous ne trouviez rien de mieux à faire que de relancer des mesures de régression dans le domaine du droit du travail, avec cette funeste proposition de loi d'ouverture généralisée des commerces le dimanche ? Comment allez-vous faire pour nous expliquer que cette mesure est utile dans le contexte actuel de crise ? Quel besoin satisfait-elle ? Les Français ont-ils tant d'argent que six jours ne leur suffisent pas pour le dépenser ? C'est franchement se moquer du monde !
On sait également que l'effet sur le pouvoir d'achat sera nul, et même potentiellement négatif, puisqu'il a été démontré qu'à partir du moment où les salariés seront payés double le dimanche – j'espère que si jamais vous adoptez ce texte, vous ne reviendrez pas sur ce point –, les commerces ouverts ce jour-là seront obligés de pratiquer des prix plus élevés.
L'effet économique général sera nul, car le pouvoir d'achat ne va pas augmenter du seul fait que les commerces seront ouverts le dimanche. Il y a aura simplement un transfert de la consommation d'un jour sur l'autre, ou de certains types de commerces vers d'autres, en l'occurrence des petits commerces, ceux qui créent le plus d'emplois et contribuent à la stabilisation de nos territoires, au profit du grand commerce.
Et je ne parle même pas des conséquences très négatives sur l'organisation sociale. Nous aurons d'autres occasions d'en parler. Mais à quoi bon déchirer le tissu social si c'est pour aller se plaindre, ensuite, de ce que les parents ne s'occupent pas de leurs enfants et du coût des mesures sociales rendues nécessaires pour réparer les dégâts ?
Sur le contenu du projet de loi de finances rectificative, je voudrais, enfin, attirer votre attention sur trois points qui suscitent une certaine inquiétude, partagée bien au-delà des bancs de l'opposition.
Premièrement, l'article 18 prévoit d'instaurer un dégrèvement de taxe professionnelle pour les investissements réalisés entre le 23 octobre 2008 et le 31 décembre 2009. Une petite remarque, tout d'abord, sur la date du 23 octobre. En lisant bien l'exposé des motifs, on comprend que cette date renvoie au discours du Président de la République qui a annoncé cette mesure. Je veux bien que le Président de la République annonce des mesures, c'est son droit le plus strict. Mais enfin, jusqu'à plus ample informé, le discours d'un Président de la République n'a pas force de loi. Je m'étonne donc de votre choix, du point de vue de la forme. Mais passons.
Cette mesure, après tout, pourquoi pas ? Discutons-en. Mais pouvez-vous nous dire – car ce sujet a un lien direct avec ce que je disais à l'instant sur les investissements des collectivités locales – ce qu'il en est de l'avenir de la taxe professionnelle, ressource vitale pour les collectivités locales, notamment les intercommunalités, mais aussi les départements et les régions ? On annonce des réformes en la matière, mais quelle sera la cohérence si l'on demande aux collectivités locales – après leur avoir demandé le contraire il y a quelques mois – d'investir dans des projets si on les prive d'une ressource, et en tout cas si on les prive d'une visibilité quant à l'avenir de leurs ressources pérennes ?
Deuxièmement, l'article 28 est présenté comme ayant pour but la lutte contre la fraude fiscale par le biais des paradis fiscaux. Sur ce point, il ne s'agit pas tant pour moi d'exprimer une inquiétude que de souligner à quel point la montagne peut parfois accoucher d'une souris, après les grands discours qu'on nous a servis au moment où la crise atteignait son paroxysme. On nous a dit en substance : promis, juré, nous allons moraliser tout cela, nous allons assainir tout cela, nous allons lutter contre les paradis fiscaux. Et qu'apprend-on ? Que l'amende sanctionnant la dissimulation de compte à l'étranger sera portée de 750 à 1 500 euros !
Franchement, chers collègues, même si je ne connais pas bien les gens qui fraudent en ouvrant des comptes dans les paradis fiscaux, je doute qu'une telle mesure les en dissuade… Pour certaines infractions, cette amende pourra être portée à 5 000 euros. Bigre ! Pour ceux qui investissent des millions, cela risque de faire très peur s'ils vont ouvrir des comptes dans des États qui ne sont pas liés avec la France par une convention sur la transparence !
Troisième et dernier point, nous venons tout juste d'apprendre que vous proposiez, par un amendement dont nous venons de débattre en commission, d'insérer dans ce projet de loi un article additionnel concernant Dexia. Cela appelle des explications de votre part. Car nous avons tous été, toutes tendances politiques confondues, extrêmement surpris. La commission a d'ailleurs donné un avis défavorable sur cet amendement n° 375 qui conduirait l'État à couvrir de nouveaux risques pour Dexia, jusqu'à hauteur de plus de 6 milliards de dollars. Ce sont tous les membres de la commission, et pas seulement les députés du groupe GDR, qui souhaitent avoir des explications de votre part.
Pour toutes les raisons que je viens d'indiquer, je vous demande, mes chers collègues, d'adopter cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)