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Intervention de Martine Martinel

Réunion du 27 octobre 2009 à 9h00
Commission élargie

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartine Martinel :

Je crains, monsieur le ministre, de ne pouvoir faire chorus avec l'orateur précédent.

Lorsque vous êtes venu devant notre Commission des affaires culturelles, le 6 octobre, vous avez déclaré : « Si l'augmentation des moyens suffisait à régler les problèmes auxquels doit faire face l'éducation nationale, cela se saurait. » Une telle assertion ne manque certes pas de bon sens, et nous tous, qui nous intéressons à l'école, savons bien que son sort ne se réduit pas à des comptes de boutiquier. À l'inverse, il faudrait être sot, ou plein de duplicité, pour ignorer que les moyens, à l'heure où nous examinons le budget de l'enseignement scolaire, sont la traduction de choix politiques et sociétaux fondés sur le respect de la laïcité et des principes républicains.

Lors de votre audition, vous avez insisté sur la fermeté de M. le Président de la République à tenir les engagements pris lors de sa campagne. J'avoue que nous ne sommes pas déçus, puisque 16 000 suppressions de postes sont annoncées dans le budget pour 2010, après les 13 500 postes supprimées en 2009 et les 11 200 de la rentrée 2008.

Nous avons du mal à saisir la cohérence entre les objectifs annoncés, les dispositifs et les moyens mis en oeuvre. Le Président de la République s'est désolé que l'ascenseur social soit grippé. Il a déclaré que l'école savait autrefois distinguer et promouvoir les élèves méritants. Comment, monsieur le ministre, allez-vous satisfaire cette nostalgie d'une école fantasmée et lui donner chair ? Si le budget de l'éducation reste le premier, il est extrêmement faible. L'augmentation de ses crédits est à peine supérieure à 1 %. N'y a-t-il pas quelque malhonnêteté intellectuelle à valoriser ainsi le passé lorsque l'on fait des choix qui aggravent le présent et hypothèquent l'avenir, tant pour les élèves que pour tous les membres de la communauté éducative, des personnels administratifs aux enseignants – sans parler des professions de santé, infirmières, médecins, assistantes sociales, dont les auditions en commission nous ont permis de connaître les salaires misérables.

À l'occasion du vote de la loi Carle, M. Jean-Louis Debré a tenu des propos inquiétants : selon lui, la priorité donnée à l'enseignement public serait un préjudice porté à la liberté de l'enseignement. Or notre inquiétude est redoublée par la lecture du budget, qui accorde discrètement des privilèges à l'enseignement privé. Ainsi, le nombre des postes y augmente alors que celui des élèves baisse.

D'autres exemples permettent de souligner l'écart entre le dire et le faire, tant en ce qui vous concerne que s'agissant du Président de la République. Lorsqu'il a présenté la réforme du lycée, Nicolas Sarkozy a affirmé son désir de replacer la culture française au lycée – à supposer qu'elle y eût disparu –, de faire des langues vivantes une priorité et de revaloriser la série littéraire. Il a aussi posé un principe fort : « Le devoir de l'école est de valoriser toutes les compétences et tous les talents. » On ne peut que souscrire à une telle ambition. Mais comment comprendre alors que les crédits pédagogiques, dès le premier degré, passent de 12,26 millions d'euros en 2009 à 5,9 millions d'euros en 2010 ? Ces crédits sont pourtant destinés à financer des actions pédagogiques complémentaires à l'enseignement dans les domaines artistiques et littéraires et dans celui des langues étrangères. On l'a évoqué : tous les élèves devraient devenir bilingues, voire trilingues. Mais comment y parvenir alors que, dès le CP, les moyens dévolus à l'apprentissage des langues ne sont pas à la hauteur ?

D'une même voix, avec le Président de la République, vous ne cessez, monsieur le ministre, de rendre hommage aux enseignants. N'y a-t-il pas quelque tartufferie dans ces hommages appuyés tant sont mineures les mesures de revalorisation que vous annoncez à grand bruit ? Vous parlez ainsi d'une augmentation de 100 euros pour les nouveaux enseignants, mais ils en auraient bénéficié au bout de trois mois d'exercice de leur métier ! Et lorsque l'on sait à quel point celui-ci est fondé sur la maîtrise de savoirs en perpétuelle évolution, quelles peuvent être la valeur et la portée de tels discours alors que, dans le même temps, les crédits de formation baissent de 25 % dans l'enseignement primaire et de 55 % dans l'enseignement secondaire ? Rendrez-vous hommage aux rescapés lorsque la mastérisation, tant vantée lors de la réforme des IUFM, aura entraîné pour 2010 la suppression de 15 915 postes de stagiaires dans le primaire et dans le secondaire ?

Et que penser de cette chasse gardée du Président de la République qu'est la réforme des lycées ? Après bien des débats, bien des rapports, celui-ci promeut un lycée « plus souple » dont on a du mal à saisir les contours. Comment, et avec quels moyens, allez-vous concrétiser les choix annoncés ? Ce ne sont pas les préconisations très prudentes finalement adoptées qui risquent de faire « bouger les lignes ».

De votre côté, monsieur le ministre, vous avez axé votre communication sur l'accueil de 185 000 élèves handicapés. Il est vrai qu'il s'agit d'un progrès mais, dans le même temps, les moyens budgétaires alloués sont insuffisants. L'État se désengage en comptant sur les associations telles que l'UNAPEI. Mais aucune garantie n'est donnée dans le budget de 2010 quant à la pérennisation des subventions. Pouvez-vous, sur ce sujet, nous donner des réponses fermes et rassurantes ?

Ces choix budgétaires auront des conséquences violentes sur l'enseignement public et sur l'avenir de nos enfants. Et l'on peut se demander ce qu'il adviendra lorsque les collèges et lycées seront privés des dotations des collectivités territoriales, rendues exsangues par votre politique. Le Gouvernement tourne en fait résolument le dos à ce qu'il érige pourtant comme modèle : l'école comme ascenseur social, et l'autonomie des élèves. Car l'autonomie ne se décrète pas : on ne devient autonome que grâce à l'accompagnement régulier de plusieurs adultes. Vous comprendrez donc que le groupe SRC soit loin d'être enthousiasmé par ce budget.

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