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Intervention de Luc Chatel

Réunion du 27 octobre 2009 à 9h00
Commission élargie

Luc Chatel :

ministre de l'éducation nationale. Or l'éducation nationale emploie 50 % des effectifs de la fonction publique. Nous avons déjà eu l'occasion d'indiquer que la réforme des lycées, dont l'objet n'est pas de réaliser des économies, sera menée à taux d'encadrement constant. Nous travaillerons avec les commissions et leurs rapporteurs pour préparer sereinement la rentrée 2010 et le projet de loi de finances pour 2011.

Le Président de la République avait effectivement indiqué qu'une partie des économies réalisées grâce au non-renouvellement d'un fonctionnaire sur deux devrait servir à revaloriser la condition des fonctionnaires. J'ai la conviction que, pour les enseignants, nous devons aller plus loin et mettre en place une véritable politique des ressources humaines de l'éducation nationale, une politique beaucoup plus ambitieuse et audacieuse. Nos enseignants se retrouvent trop isolés face à leurs missions. Ils ne sont pas suffisamment accompagnés tout au long de leur carrière, qu'il s'agisse de la formation, des perspectives d'évolution mais également de la rémunération. Je rappelle qu'un jeune enseignant certifié néo-titulaire gagne 1 400 euros nets par mois, montant inférieur à celui constaté en moyenne dans les autres pays développés.

Le ministère vient de recruter une nouvelle directrice générale des ressources humaines, qui vient de la RATP. Je lui ai assigné pour priorité de mettre sur pied des dispositifs d'accompagnement tout au long de la vie, comme elle l'avait fait dans ses fonctions précédentes.

La revalorisation doit porter sur plusieurs volets.

Premièrement, comme je l'ai indiqué lors du comité technique paritaire ministériel de début octobre, la revalorisation en début de carrière ne saurait être inférieure à une centaine d'euros nets par mois, soit pratiquement l'équivalent d'un treizième mois sur l'ensemble de l'année. En période de crise, quelle entreprise adresse un tel message à ses salariés ?

Deuxièmement, pour ne pas créer de décalage avec les néo-titulaires, il importe d'adapter la rémunération des professeurs certifiés en début de carrière déjà en fonctions. Nous procéderons donc à un rattrapage équitable pour les premiers échelons.

Troisièmement, de nouvelles missions seront proposées aux enseignants, sur la base du volontariat, et feront l'objet de rémunérations complémentaires. Nous souhaitons par exemple que des enseignants interviennent comme tuteurs, tout au long de l'année, auprès d'un groupe d'élèves, ou encore accompagnent les élèves n'ayant pas trouvé leur voie et désireux de changer d'orientation ou de série, afin de les remettre à niveau. Ceux qui assumeront ces tâches percevront une rémunération spécifique.

Quatrièmement, un nouveau grade sera accessible aux enseignants dont l'engagement aura été particulièrement important.

Nous proposons donc une revalorisation globale, qui représente le montant significatif de plus de 190 millions d'euros.

Vous avez raison, monsieur Censi : c'est le système éducatif tout entier qui doit progressivement être revu. Mon prédécesseur, Xavier Darcos, avait déjà mis en place une réforme de l'école primaire fondée sur des programmes simplifiés, le socle commun des connaissances, un système d'évaluation et une aide personnalisée. Nous avons poursuivi ce travail en mettant en oeuvre à la rentrée 2009 une réforme du lycée professionnel. Afin de mener davantage de jeunes jusqu'au « bac pro » – jusqu'à présent, un élève sur deux ayant choisi la voie professionnelle n'allait pas plus loin que le BEP –, et donc d'élever le niveau moyen de connaissances, nous avons ramené à trois ans la durée du cursus. Nous avons également simplifié l'organisation de l'enseignement et rendu possibles des passerelles entre les spécialisations et entre les filières. Ainsi, un élève ayant entamé des études en filière professionnelle pourra les poursuivre en filière technologique. Enfin, nous avons institué deux heures et demie par semaine d'accompagnement personnalisé de façon à lutter contre le « décrochage » scolaire et à apporter une réponse aux élèves en situation d'échec.

Après l'école primaire et l'enseignement professionnel, et alors que nous venons de présenter la réforme du lycée, il est temps d'engager un débat sur le collège. Si le collège unique a été le moyen de massifier le système éducatif, nous devons faire en sorte qu'il prépare mieux l'entrée au lycée. Rappelons que 120 000 jeunes quittent chaque année le système éducatif sans rien, dont 50 000 au niveau du lycée. Cela signifie que 70 000 élèves sortent du système avant même la première orientation. Ils doivent constituer notre priorité.

D'autres mesures de lutte contre l'échec scolaire ont été mises en place par le Gouvernement. Je pense aux propositions faites par Martin Hirsch dans le cadre du Livre vert, qui ont conduit à la mise en place de plateformes de lutte contre le décrochage. J'ai la conviction que la réforme en profondeur de notre système d'orientation constitue une réponse à ce phénomène. L'élève ne doit pas subir l'orientation ; il ne doit pas la vivre comme un couperet, comme un engagement irréversible dans une voie déterminée. Si au contraire il se spécialise progressivement, s'il a le droit à l'erreur – et donc la possibilité de changer de série –, si nous parvenons à dédramatiser son parcours, il trouvera plus facilement sa voie, sera davantage épanoui, accompli, et plus intéressé par ses études.

Une de nos priorités est de détecter le plus possible en amont les situations d'échec scolaire. L'aide personnalisée est une première réponse : un million d'élèves ont ainsi bénéficié l'année dernière de ces deux heures hebdomadaires. C'est notamment un moyen d'éviter le décrochage en matière de lecture ou d'écriture. Jusqu'à présent, 15 % des élèves arrivaient en sixième sans maîtriser correctement ces deux savoirs, ce qui représente un handicap majeur pour la suite de leur parcours. Les études que nous avons réalisées le montrent, ce sont d'abord ces élèves-là qui sortent du système éducatif sans diplôme. Pour les élèves dont les difficultés sont plus profondes, des réponses spécifiques, comme les réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté – RASED –, sont prévues.

Vous avez raison d'insister également sur la santé au sein du système scolaire. Le corps de santé de l'éducation nationale compte un peu plus de mille agents de catégorie A. Il existe des emplois de médecins, de conseillers techniques, d'infirmières, qui bénéficient de 300 postes supplémentaires. Mais le sujet est compliqué : en raison de la situation des professions de santé au niveau national, l'éducation nationale a du mal à recruter du personnel dans ce domaine. J'ai donc demandé à mes services d'élaborer des mesures plus incitatives afin de répondre aux besoins.

J'ai répondu à la question de Dominique Le Mèner sur la revalorisation de la profession d'enseignant, laquelle comprend deux volets, celui des ressources humaines et celui de la rémunération. Je souhaite maintenant revenir sur les propositions audacieuses qu'il vient de formuler.

En ce qui concerne la performance, il ne doit pas y avoir de tabou, y compris dans l'éducation nationale. Nous devons donc réfléchir – et je l'ai proposé aux syndicats dans le cadre du nouveau pacte de carrière – à un système d'évaluation tout au long de la vie, susceptible non seulement d'accompagner les enseignants dans leur métier, mais aussi de permettre des reconversions, de nouvelles carrières. Je suis sensible aux propositions du rapporteur pour avis à ce sujet. La possibilité pour les enseignants d'occuper des fonctions d'encadrement dans le cadre d'une deuxième carrière est à mes yeux une piste intéressante, sachant que des voies existent aujourd'hui pour l'accès à ces fonctions, comme celles du concours ou de la liste d'aptitude. Le détachement peut également permettre à certains enseignants ayant notamment exercé des fonctions de directeur-adjoint ou d'adjoint de personnel d'encadrement d'accéder à ces postes.

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