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Intervention de Bernard Perrut

Réunion du 28 octobre 2009 à 10h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Perrut, rapporteur :

Les crédits des programmes « Accès et retour à l'emploi » et « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » de la mission « Travail et emploi » du projet de loi de finances pour 2010 s'élèvent respectivement à 5, 8 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 5,9 milliards d'euros en crédits de paiement d'une part, et 4, 6 milliards d'euros en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement d'autre part.

On ne peut toutefois, pour l'année 2010, apprécier l'effort budgétaire en faveur de l'emploi sans prendre en compte également les crédits du programme « Soutien exceptionnel à l'activité économique et à l'emploi » de la mission « Plan de relance de l'économie ». Créée par la loi de finances rectificative pour 2009, cette mission a vocation à mettre en oeuvre le volet budgétaire du plan de relance. Les crédits de l'action « Politiques actives de l'emploi » au sein de cette mission s'élèvent, pour 2010, à 1,4 milliard d'euros en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement.

Au total, le budget de l'emploi pour 2010 atteint donc, en crédits de paiement, 11,9 milliards d'euros. Cet effort extrêmement significatif, à la hauteur des enjeux liés au contexte de crise économique que traverse le pays, doit être salué. Il permet de poursuivre en 2010 le soutien exceptionnel engagé dès le début de la mise en oeuvre du plan de relance, qui s'était traduit par 1,3 milliard d'euros supplémentaires inscrits dans les deux lois de finances rectificatives de février et avril 2009.

L'examen détaillé des crédits de l'ensemble de ces programmes relevant avant tout de la compétence de la Commission des finances, j'ai choisi de me concentrer sur la question de l'emploi des jeunes et plus précisément sur la manière, à la fois conjoncturelle et structurelle, dont le présent budget répond à cette question récurrente.

Le constat d'un niveau de chômage des jeunes particulièrement élevé en France relativement au niveau du chômage de l'ensemble de la population, et relativement à la situation qui prévaut dans les pays voisins, européens ou plus généralement de l'OCDE, est bien connu. Il en va de même de la forte sensibilité de l'activité des jeunes aux fluctuations conjoncturelles, que la présente crise met une nouvelle fois en évidence.

À la suite des interventions du Président de la République consacrées à l'emploi des jeunes le 24 avril 2009, et à la jeunesse le 29 septembre 2009, de multiples initiatives sont aujourd'hui lancées. Le plan d'urgence pour l'emploi des jeunes fait l'objet d'un suivi régulier. La publication en juillet dernier du « Livre vert » destiné à refonder la politique en faveur des 16-25 ans, ainsi que la discussion du projet de loi relatif à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, confirment la multiplicité des facettes de la politique en faveur de l'emploi des jeunes.

Ce n'est pas un hasard si les crédits budgétaires pour 2010 consacrés à cette politique figurent en premier lieu dans les missions « Travail et emploi » et « Plan de relance de l'économie » du projet de loi de finances pour 2010, mais se trouvent aussi dans d'autres missions, telles la mission « Sport, jeunesse et vie associative » ou encore la mission « Ville et logement ». Le document de politique transversale annexé au projet de loi de finances pour 2010, consacré à l'orientation et l'insertion professionnelle des jeunes, évalue l'ensemble des crédits dédiés à cette politique à 3,7 milliards d'euros, en augmentation de 19 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2009.

Le présent avis budgétaire a d'abord pour objet de rendre compte – de manière certes synthétique – de cette richesse et de cette diversité. Aucun effort ne doit être ménagé et tel est bien le sens de l'ensemble de ces dispositifs.

Pour la mise en oeuvre du plan d'urgence pour l'emploi des jeunes, des crédits ont été portés sur la mission « Plan de relance de l'économie » par la première loi de finances rectificative pour 2009 à hauteur de 485 millions d'euros. Ces montant sont gérés par le Fonds d'investissement social (FISO).

C'est cet effort qu'amplifie le présent budget avec des crédits d'un montant total de 733,8 millions d'euros.

Je rappellerai quelles sont ces mesures d'urgence, en insistant sur leurs premiers résultats.

La prime de 3 000 euros pour l'embauche en contrat à durée indéterminée des jeunes stagiaires a été prolongée jusqu'au 30 juin 2010, au profit des stagiaires entrés en entreprise avant le 30 septembre 2009. En effet, le court délai laissé aux entreprises pour procéder à ces embauches n'avait pas permis au dispositif de recevoir le succès escompté : au 24 septembre, seuls 1 676 stagiaires avaient bénéficié de la mesure. Un décret fixant les modalités de cette prolongation est en instance de publication.

Des crédits, à hauteur de 30 millions d'euros, sont prévus dans le présent budget pour le financement de cette mesure.

Au profit des employeurs de moins de cinquante salariés a été créée une aide de l'État de 1 800 euros pour les embauches d'apprentis supplémentaires. Le budget prévoit, pour le versement de 20 000 aides, 36 millions d'euros.

En outre, le dispositif « zéro charge », mis en place pour l'année 2009 pour toute embauche réalisée par les entreprises de moins de dix salariés, a été étendu aux embauches d'apprentis dans les entreprises de onze salariés et plus.

Le coût total de la mesure est évalué, sur la base de 120 000 recrutements en apprentissage dans des entreprises de plus de dix salariés entre avril 2009 et juin 2010, à 55,3 millions d'euros.

Selon les informations que j'ai pu recueillir auprès des services du secrétariat d'État chargé de l'emploi, fin juin 2009, le nombre d'apprentis est de 394 000, contre 403 000 en juin 2008. Depuis le mois d'août, les flux d'entrées en apprentissage sont en nette progression, avec 13 015 entrées contre 7 533 au mois de juillet. Pour septembre 2009, ce chiffre est de 36 722.

Autre mesure importante du Plan d'urgence pour l'emploi des jeunes, la prime pour l'embauche d'un jeune en contrat de professionnalisation entre le 24 avril 2009 et le 30 juin 2010. L'aide est d'un montant de 1 000 euros, portée à 2 000 euros pour les embauches de jeunes ayant un niveau d'études inférieur au baccalauréat. Fin juin 2009, le nombre de jeunes présents en contrats de professionnalisation était de 164 000, contre 186 000 en juin 2008. On constate une progression significative des entrées en contrats de professionnalisation depuis le mois d'août – 7 338 entrées, après 4350 entrées au mois de juillet 2009. Pour mémoire, au mois d'août 2008, 7 133 entrées étaient comptabilisées. En septembre, on dénombre 17 460 entrées en contrats de professionnalisation, correspondant à un niveau équivalent à celui de septembre 2008.

Les contrats d'accompagnement dans l'emploi « passerelles », à durée déterminée, sont destinés prioritairement aux recrutements par les collectivités territoriales, notamment les communes, mais en vue d'une intégration dans le secteur marchand. Des crédits à hauteur de 167,4 millions d'euros sont prévus pour leur financement. Le nombre de nouveaux contrats, conclus dans les seules collectivités et associations entre le 1er juin et le 25 octobre, est de 16 029. Sur la période de juin à septembre 2008, ce nombre était de 6 364. On constate donc le doublement des prescriptions pour les jeunes dans le dispositif des contrats aidés, alors que dans le même temps le nombre total de contrats aidés a progressé de 26 %.

Autre mesure du Plan d'urgence pour l'emploi des jeunes, le développement des contrats initiative emploi : l'objectif est d'ouvrir 50 000 de ces contrats au cours du second semestre 2009 aux jeunes de moins de vingt-six ans, prioritairement en direction des métiers porteurs, notamment ceux du développement durable et des entreprises de l'économie sociale et solidaire. Plus de 18 182 contrats ont, d'ores et déjà, été signés pour les jeunes depuis le lancement du programme.

Enfin, le but poursuivi par la mobilisation des contrats d'accompagnement formation est d'offrir aux jeunes inscrits à Pôle emploi 50 000 places supplémentaires dans les programmes d'accompagnement et de formation à la rentrée 2009. Ces formations seront ciblées sur des métiers porteurs et s'accompagneront de périodes de travail en entreprise.

Le montant de 181,5 millions d'euros prévu dans le budget est fondé sur un flux d'entrées de 50 000 jeunes d'ici fin 2009.

Cet ensemble de mesures très complet, aux premiers résultats prometteurs, est donc de nature à assurer la prise en compte de la diversité des parcours des jeunes concernés, tout en favorisant dans le même temps leur insertion aussi pérenne que possible dans l'emploi.

Mais au-delà des mesures d'urgence destinées à faire face à la crise, le Gouvernement a décidé de mettre en oeuvre des mesures « structurelles ».

Certaines de ces mesures ont été annoncées par le Président de la République, lors de la présentation de son plan « Agir pour la jeunesse » le 29 septembre 2009 à Avignon. Elles sont, en partie, inspirées des recommandations du « Livre vert » présenté en juillet dernier. Elles visent à favoriser l'accès des jeunes à l'emploi, de manière directe ou indirecte. Si elles trouvent leur traduction financière dans le présent budget, elles recoupent souvent dans le même temps des dispositions adoptées lors de l'examen du projet de loi sur la formation professionnelle.

Ces mesures structurelles peuvent être regroupées autour de cinq axes thématiques.

En premier lieu, le projet de loi relatif à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie consacre l'existence d'un service public de l'orientation tout au long de la vie, ainsi que le droit pour toute personne à être informée, conseillée et accompagnée en matière d'orientation professionnelle.

Parce que l'orientation ne suffit pas dans tous les cas, la lutte active contre le décrochage scolaire en est un corollaire nécessaire. On recense, chaque année, environ 120 000 élèves quittant le collège ou le lycée sans diplôme ou qualification reconnue, qu'ils aient « décroché » en fin de collège ou en première année de certificat d'aptitudes professionnelles (CAP) ou brevet d'études professionnelles (BEP) ou encore qu'ils abandonnent en cours de scolarité au lycée sans avoir obtenu le baccalauréat général ou technologique, ni de diplôme professionnel de niveau V. Le constat est bien connu.

Pour lutter contre le décrochage, trois outils sont désormais mobilisés.

D'une part, les missions locales, auxquelles vous savez combien nous sommes attachés, qui ont vocation à être, selon les termes du Président de la République, le « pivot de l'accompagnement des jeunes » : 40 millions d'euros supplémentaires sont prévues dans la mission Plan de relance de l'économie pour leur développement. On ne peut que s'en réjouir.

D'autre part, le contrat d'insertion dans la vie sociale (CIVIS) s'adresse à des jeunes de 16 à 25 ans révolus, rencontrant des difficultés particulières d'insertion professionnelle. Il a pour objectif d'organiser les actions nécessaires à la réalisation de leur projet d'insertion dans un emploi durable. Ce contrat est conclu avec les missions locales et profite en moyenne chaque année à 270 000 jeunes. Dans la mission « Travail et emploi », les crédits prévus s'élèvent à 55 millions d'euros, compte tenu d'une hypothèse de 150 000 bénéficiaires en 2010. Il faut y ajouter les crédits prévus au programme « Soutien exceptionnel à l'activité économique et à l'emploi », qui s'élèvent à 80 millions d'euros.

Enfin, troisième élément du dispositif anti-décrocheurs, les plateformes régionales d'orientation ont vocation à être généralisées à la rentrée 2010, pour garantir le repérage et le suivi de tous les décrocheurs scolaires. Des crédits à hauteur de 30 millions d'euros sont prévus dans le programme « Soutien exceptionnel à l'activité économique et à l'emploi » à cet effet.

Je crois sincèrement que ce triptyque représente une chance, que l'ensemble des acteurs doivent maintenant pouvoir saisir au plus vite, au profit d'une meilleure insertion des jeunes.

Le droit à une « deuxième » chance constitue le troisième axe structurel de ces politiques : le programme « Soutien exceptionnel à l'activité économique et à l'emploi » prévoit 17 millions d'euros au profit de l'augmentation du nombre de places dans les écoles de la deuxième chance. L'objectif pour 2009 et 2010 est de créer 7 200 places supplémentaires, pour pouvoir offrir aux jeunes 12 000 places annuellement. Autre instrument pour la formation au profit d'une « seconde chance », l'Établissement public d'insertion de la défense. Pour 2010, des crédits à hauteur de 50 millions d'euros sont prévus dans le programme « Accès et retour à l'emploi » de la mission « Travail et emploi », au profit du fonctionnement de celui-ci

Je ne reviendrai pas longuement sur la priorité que constitue l'alternance, sinon pour rappeler que, par-delà les mesures d'urgence, on ne peut oublier le soutien quantitativement important en termes de compensation des exonérations de charges (plus de 1 milliard d'euros), ainsi que l'amélioration qualitative du dispositif, désormais ouvert aux bénéficiaires de minima sociaux, réalisée par le projet de loi relatif à la formation professionnelle.

Enfin, la politique de la ville est le cinquième axe de nature structurelle. On peut citer, en application du plan « Espoir banlieues », le développement du contrat d'autonomie, l'objectif fixé étant celui de 45 000 jeunes en emploi dans les trois ans.

L'ensemble de ces mesures atteste l'existence d'une convergence de l'action des pouvoirs publics autour de quelques grands axes, en vue de bâtir une politique « de fond » au profit de l'emploi des jeunes.

Cette richesse et cette diversité illustrent, si besoin était, le fait qu'aucun effort n'a été ménagé.

Ces efforts nombreux doivent cependant encore être poursuivis, de manière à ce qu'en pratique, sur le terrain, les freins à l'emploi puissent être levés.

Je conclurai en faisant à ce stade trois propositions principales, volontairement modestes, car je crois que l'essentiel n'est pas maintenant de réformer une fois encore, mais bien plutôt d'appliquer et d'approfondir l'existant. C'est notre devoir à tous aujourd'hui.

Première piste : appliquer au plus vite le dispositif « anti-décrochage », qu'il s'agisse de l'affectation des moyens attribués – les prochaines semaines doivent donner lieu sur cette question à une concertation entre les principaux acteurs concernés –, mais aussi de la mise en oeuvre d'une nouvelle coopération entre les missions locales, Pôle emploi et l'État dans le cadre de la convention en préparation ainsi que de la « campagne jeunes » mise en oeuvre par l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA).

Concernant cette dernière question, il me semble en effet essentiel que, une fois les dispositifs et les crédits adoptés, la phase législative puisse être suivie d'une phase de transmission de l'information, de communication, plus systématique, et ce au plus près du terrain. Beaucoup ignorent encore ces mesures, qu'il s'agisse des entreprises, des collectivités locales ou des jeunes. Cela rejoint la préoccupation générale énoncée par le Conseil d'orientation pour l'emploi dans son tout récent point d'étape sur l'emploi en date du 21 octobre 2009.

Deuxième piste :poursuivre encore l'effort en faveur de l'apprentissage. L'apprentissage est un vecteur d'insertion professionnelle connu et qui fonctionne. Le Gouvernement propose de le dynamiser. Je crois que, sur ce point, la réflexion n'est jamais achevée.

Il est important :

– d'améliorer encore le statut de l'apprenti (trop souvent, les questions de logement ou de transport nuisent à l'attractivité de l'apprentissage) ;

– d'évaluer le système de financement de l'apprentissage, tel qu'il résulte de la loi de programmation pour la cohésion sociale, il y a, maintenant, déjà cinq ans, à savoir notamment le fonctionnement du nouveau fonds et la mise en oeuvre des contrats d'objectifs et de moyens conclus entre l'État et les régions ;

– de développer l'apprentissage dans le secteur public, comme le préconise Laurent Hénart dans son rapport remis au Premier ministre il y a quelques jours ;

– de resserrer le lien entre l'apprentissage et les métiers : les auditions que j'ai menées m'ont permis de prendre la mesure de l'intérêt d'un certain nombre d'expérimentations conduites, notamment les universités des métiers.

Troisième piste : assurer la diffusion et le suivi des mesures expérimentales au profit d'une meilleure insertion des jeunes. De nombreuses mesures expérimentales sont prévues par le projet de loi relatif à l'orientation et la formation professionnelle tout au long de la vie, en particulier à l'initiative du rapporteur Gérard Cherpion ; d'autres le sont dans le cadre du Fonds d'expérimentations pour la jeunesse. Toutes ces initiatives ne peuvent qu'être saluées. Il est là aussi nécessaire, afin d'en tirer tout le bénéfice, de les faire connaître, d'en assurer le suivi puis de les évaluer.

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