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Intervention de Tony Dreyfus

Réunion du 28 octobre 2009 à 11h15
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaTony Dreyfus, Rapporteur :

Je ne prétends pas m'exprimer sur le thème de notre rapport avec la même compétence que Jean-Jacques Guillet, qui a longuement peaufiné sa connaissance de ces questions, notamment à l'occasion d'un précédent rapport. Je partage les analyses qu'il vient de formuler et sur le dernier point qu'il a abordé, je dois dire que M. Piebalgs m'a laissé l'impression d'un commissaire européen soucieux de se protéger et s'en remettant assez largement aux grandes entreprises du secteur pour la gestion des épisodes de crise tel que celui de janvier dernier. Cela étant, à l'heure où les tensions vont croissant ailleurs dans le monde, en particulier en Afghanistan et au Pakistan, il est probable que les tensions entre les pays de l'Est de l'Europe et la Russie aillent plutôt en s'amenuisant.

Alors que nous en sommes déjà à nous poser la question : « aurons-nous du gaz russe cet hiver ? », je voudrais rappeler ce très fâcheux précédent et les leçons douloureuses qu'il a permis de tirer. Précédée par une série d'alertes sérieuses entre 2005 et 2008, l'interruption totale du transit gazier à travers l'Ukraine entre le 7 et le 20 janvier a été qualifiée, par des observateurs avertis, de « pire crise énergétique de l'histoire de l'Union européenne ». La lumière complète reste à faire sur cet épisode aux ressorts politico-économiques complexes, et l'Europe est sans doute une victime collatérale dans cette histoire. La partie russe a déclaré que l'Ukraine n'avait pas honoré les droits de transit qu'elle devait. Je crois pour ma part que la situation n'est pas près de s'arranger, ne serait-ce qu'en raison des velléités d'élargissement de l'OTAN dans la région.

Le dénouement immédiat de la crise, fin janvier, par un accord politique soudain entre les deux premiers ministres, Mme Ioulia Timochenko et M. Vladimir Poutine, ainsi que sa traduction industrielle et financière entre Gazprom et Naftogaz, les compagnies nationales russe et ukrainienne, sont officiellement connus. La disparition, à cette occasion, de la société intermédiaire de droit suisse créée pour résoudre une crise précédente, RosUkrEnergo, laisse planer quelques doutes sur les dessous de l'affaire. Quelle est donc la fiabilité de l'accord Timochenko-Poutine ? Nous exposons dans le rapport les raisons de croire qu'il est plutôt fragile.

Face à la crise et au tout début de la présidence tchèque du Conseil, l'Union européenne, touchée à des degrés très variables, a réagi en ordre dispersé. Certes, dans l'urgence, une solidarité européenne s'est improvisée, et il faut saluer les quelques livraisons supplémentaires ou les inversions de flux gaziers qui ont pu être organisées à titre de secours. Mais l'impréparation était totale et l'on a même pu assister, ici où là, à des réactions nationales où l'égoïsme le disputait à l'irresponsabilité. Quant à la réponse des institutions communautaires dans l'urgence, elle n'a pas été inexistante mais elle n'a pas non plus été coordonnée, et pour tout dire, elle a beaucoup déçu. Nous devons à la vérité de dire qu'en la circonstance, le sang-froid et le savoir-faire étaient du côté des grands groupes gaziers ; c'est pourquoi nous préconisons la création d'une « force de réaction rapide » européenne mobilisable en cas d'interruption des flux gaziers à destination d'États membres de l'Union.

Parmi les autres recommandations que nous formulons dans notre rapport pour le très court terme, je veux mentionner celle consistant à parfaire les mécanismes de solidarité en matière de stockages stratégiques de pétrole par l'application généralisée des standards de l'Agence internationale de l'énergie, et j'observe avec satisfaction que ce sujet est en bonne voie à Bruxelles. En matière de stockages gaziers, nous suggérons de faire jouer le principe de subsidiarité en impliquant davantage les régulateurs européens des marchés nationaux de l'énergie dans la définition et la mise en oeuvre de mécanismes de gestion des stocks locaux. Nous recommandons également l'accélération de la mise en place de l'Agence de coopération des régulateurs de l'énergie à l'échelle européenne, et le déploiement de moyens supplémentaires pour les interconnexions électriques et gazières dans l'Union.

Je vous renvoie, pour les autres recommandations, institutionnelles notamment, au rapport écrit et je conclurai en exprimant mon sentiment personnel. En marge des déplacements que nous avons effectués dans le cadre de cette mission d'information, je me suis rendu une nouvelle fois à Moscou en avril, à l'occasion de la réunion de la Grande commission parlementaire France-Russie, pour sa première réunion au niveau des Présidents d'assemblée – le Président Bernard Accoyer et son homologue de la Douma d'État, M. Boris Gryzlov. En effet, l'un des thèmes abordés était celui de l'énergie. De ces différents contacts noués en Russie, je retiens que lorsque la parole émanait de personnes extérieures à la bureaucratie d'État, plus proches du secteur privé, elle était nettement plus intéressante car moins pesante. Quant à l'expression publique de parlementaires du pourtour de la Baltique qui étaient présents à la conférence de Saint-Pétersbourg sur le projet Nord Stream, elle m'a laissé l'impression d'une désunion confinant à la faiblesse. Si je devais qualifier d'un mot les chances pour l'Europe actuelle de peser, unie, face à la Russie dans le domaine de l'énergie, je dirais : scepticisme.

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