Ce n'est donc pas votre sincérité qui est en cause, mais les écarts, en matière de politique étrangère, entre les déclarations du candidat et les actes du Président élu.
La remarque, d'ailleurs, vaut aussi pour les ouvertures de crédits – près de 250 millions d'euros – au titre des emplois aidés. Vous espériez, avec les mesures contenues dans le paquet fiscal, relancer le travail par le travail et réduire le chômage. Faute d'anticiper, vous aviez donc « sabré » dans les crédits prévus pour ces contrats. Mais l'urgence vous a contraint à y revenir en cours d'année, puisque les chiffres du chômage devenaient alarmants dès le deuxième trimestre. Ces 250 millions ne peuvent donc être imputés à quelque insincérité de votre part.
Il en va tout autrement de la prime de Noël pour les RMistes : ces 380 millions d'euros peuvent difficilement être considérés comme une surprise. Même lors du vote de la loi de finances initiale pour 2008, nous savions que Noël tomberait le 25 décembre ; et vous n'espériez quand même pas qu'il n'y aurait plus de RMistes en cette fin d'année ! Ces crédits que vous nous demandez d'ouvrir auraient dû, bien sûr, être prévus en loi de finances initiale, comme ils devraient l'être en loi de finances initiale pour 2009 – j'aurai l'occasion d'y revenir.
Le même raisonnement vaut pour l'allocation aux adultes handicapés, ou pour la garantie de ressources des travailleurs handicapés – ce qui représente 290 millions d'euros. Là encore, ces dépenses étaient parfaitement prévisibles, et on ne peut qu'être surpris de constater qu'il faut attendre la seconde loi de finances rectificative pour que les crédits correspondants soient ouverts et les sommes versées à ceux de nos concitoyens qui, personne ne le conteste, en ont absolument besoin.
J'en viens au coeur du problème, que vous avez évoqué tout à l'heure, monsieur le ministre : je veux parler de la dette de l'État à l'égard de la sécurité sociale. Oui, il est vrai qu'un effort a été fait l'année dernière pour apurer l'arriéré ; oui, il est vrai, comme l'a dit M. le rapporteur général, qu'un effort est fait cette année pour que cette dette ne prenne pas l'ampleur qu'elle avait pu connaître. Mais cet effort, qui prend la forme d'affectations de taxes pour un peu plus de 700 millions d'euros et d'une ouverture de crédits pour la même somme, ne permet d'apurer la dette qu'à hauteur de 1,5 milliard d'euros. Il en reste donc trois – la Cour des comptes est formelle sur ce point.
Or rien n'est prévu pour régler ces trois milliards d'euros, ni en loi de finances rectificative, ni en loi de finances initiale pour 2009. Il faudra donc reparler de cette somme, probablement, encore une fois, à l'occasion d'un collectif budgétaire ; dans le cas contraire, cette dette ne serait pas acquittée et les régimes sociaux se trouveraient dans des difficultés plus grandes encore que celles qu'ils connaissent. Cela ne paraît certainement pas souhaitable.
Sous-dotation après sous-dotation, on s'aperçoit ainsi qu'il manquait à la loi de finances initiales près de 6,7 milliards d'euros de dépenses – somme qu'il faut rapprocher du déficit budgétaire prévu, qui s'élevait à 41 milliards d'euros. C'était déjà beaucoup ; et voilà, probablement, la raison pour laquelle vous avez sous-budgété ces crédits : à l'époque, vous, monsieur le ministre, mais aussi l'ensemble du Gouvernement et le Président de la République, attachiez encore quelque prix à ce que l'on appelle les critères de Maastricht, et vous souhaitiez démontrer, au moment où la France allait présider l'Union européenne, que notre pays se livrait à la rigueur budgétaire avec toute l'énergie nécessaire. La vérité est malheureusement autre, comme le démontre l'examen de ce dernier collectif budgétaire de l'année. Les arrière-pensées politiques sont ici évidentes, à défaut d'être correctes à l'égard du Parlement.
La troisième leçon qu'il nous faut tirer, c'est que nous devons nous attendre à d'autres sous-estimations budgétaires dans la loi de finances initiale pour 2009.
Je pense d'abord, bien sûr, aux trois milliards que représente la dette de l'État à l'égard de la sécurité sociale, qui ne sont pas budgétés dans cette loi de finances rectificative, et qui ne le sont pas davantage dans la loi de finances initiale pour 2009. Ils resteront donc un fardeau pour les régimes de sécurité sociale : c'est inconvenant, car l'État décide d'exonérations en s'engageant à les compenser, mais ne les compense pas, et revient donc sur sa parole ; ce n'est pas correct sur le plan des finances publiques, puisque nous savons que cette dette pèse plus lourdement sur les finances publiques quand elle demeure à la charge des régimes sociaux, plutôt que lorsqu'elle est reprise par l'État – il en va de quinze points de base, ce qui fait beaucoup d'impôts à la longue.
Je pense ensuite à la prime de Noël des RMistes, qui n'est pas prévue en loi de finances initiale ; monsieur le ministre, j'imagine que vous envisagez tout de même de la verser à la fin de l'année 2009, sauf à indiquer que cette prime ne serait plus versée. On pourrait alors comprendre que ces 380 millions d'euros soient passés sous silence. Mais sinon, il faut nous expliquer pourquoi vous refusez de les inscrire dans une loi de finances rectificative, et surtout de les inscrire dans la loi de finances initiale. Le même raisonnement vaut, encore une fois, pour l'allocation aux adultes handicapés et pour la garantie de ressources des travailleurs handicapés, soit 290 millions d'euros dont j'ai déjà fait mention.
Le rapport de la Cour des comptes annexé à ce second collectif budgétaire relève d'autres sous-budgétisations encore. Je pense notamment au fonds national de garantie des calamités agricoles ; il s'agit tout de même de 90 millions d'euros. Le code rural oblige l'État à doter ce fonds d'un montant équivalent aux cotisations des agriculteurs concernés ; mais l'État ne le fait pas en loi de finances initiale, ce qui l'oblige à le faire en collectif budgétaire. Là encore, ce n'est pas correct.
Il faut encore mentionner l'attitude de l'État à l'égard du Crédit foncier de France. Depuis 2006, c'est ce dernier qui consent, à la place de l'État, les avances de trésorerie pour les versements mensuels de prime lors de la liquidation de plans épargne logement.
En 2006 déjà, à la suite de la taxation effectuée par la majorité en 2005, les versements mensuels sont passés d'une centaine de millions d'euros à environ 150 millions d'euros chaque mois. Cette augmentation de moitié a entraîné une sous-budgétisation par l'État, compensée par le Crédit foncier de France – qui par convention avec l'État avance cette trésorerie aux organismes correspondants, étant entendu qu'en loi de finances rectificative tout cela est rectifié et les crédits afférents suffisamment abondés.
Mais la situation s'est aggravée. Il manquait 415 millions d'euros en 2006 et près de 840 millions en 2007 ; cette année, c'est dès le mois d'avril que le Crédit foncier de France a dû suppléer l'État dans ses versements mensuels de prime. La loi de finances initiale prévoyait 1,1 milliard d'euros, mais cette somme ne servira pas pour les versements pour 2009 : elle ne représente que la somme nécessaire pour rembourser au Crédit foncier de France les avances de trésorerie consenties en 2008. Si 150 millions d'euros de crédits ne sont pas ouverts dans ce collectif, le Crédit foncier de France devra se substituer à l'État dès le 1er janvier prochain ; grâce à cette ouverture de crédits, cette substitution n'adviendra qu'à partir du 1er février. La vérité est qu'il manque donc près d'un milliard d'euros.
La somme de toutes ces sous-budgétisations se monte à au moins cinq milliards d'euros en loi de finances pour 2009. Or, nous avions alors voté un déficit budgétaire de l'État légèrement inférieur à cinquante milliards d'euros ; ce déficit s'aggravera probablement d'une quinzaine de milliards d'euros à la suite du plan de relance, qui connaîtra une traduction législative ; à ces soixante-cinq milliards viennent donc s'ajouter cinq milliards supplémentaires de sous-budgétisation. Bref, en 2009, le déficit budgétaire de l'État s'élèvera à soixante-dix milliards d'euros au moins ! En 2007, il était de quarante milliards d'euros.
Cette augmentation de trente milliards en deux ans est tout à fait scandaleuse, et ce d'autant plus que nous savons que ce déficit ne sera financé que par la dette : ce sont donc les générations qui nous succéderont qui devront acquitter cette facture du sarkozysme. C'est moralement choquant – non pas que je conteste la possibilité de s'endetter, dès lors qu'il s'agirait d'investir ; mais alors, comme l'a souligné M. le président de la commission des finances, il faudrait faire des choix et renoncer à des politiques publiques qui coûtent cher et qui ne fonctionnent pas.
Le déficit budgétaire s'alourdit de trente milliards d'euros : est-il alors légitime de conserver les éléments d'un paquet fiscal qui coûte huit, dix, douze milliards d'euros, intégralement financés, eux aussi, par la dette ?
Non, la défiscalisation et la désocialisation des heures supplémentaires ne sont pas utiles : ces 4 à 5 milliards d'euros seraient bien mieux utilisés par l'augmentation, voire le doublement, fût-il temporaire, de la prime pour l'emploi.