La crise bancaire et financière a durement éprouvé l'économie mondiale, et ses conséquences les plus lourdes restent à venir, même si la situation des marchés financiers se redresse peu à peu. Ainsi, la dégradation du marché de l'emploi se poursuit, avec 580 000 destructions d'emplois marchands avouées en 2009, et les outils de traitement conjoncturel de la crise sont fortement sollicités.
Le Gouvernement se veut optimiste et parie sur une normalisation progressive de l'activité économique en 2010 – laquelle se traduirait tout de même par 190 000 destructions d'emplois marchands. Il reste que, dans un tel contexte, la plus élémentaire prudence voudrait que les moyens de la politique de l'emploi ne soient pas revus à la baisse. Or les dotations de la mission Travail et emploi inscrites dans le projet de loi de finances pour 2010 trahissent une tout autre logique. Avec une diminution de ses crédits de l'ordre de 5 %, la politique de l'emploi paraît avoir été sacrifiée au dogme du « zéro volume ».
La création dans la loi de finances rectificative pour 2008 d'une mission Plan de relance de l'économie, à la durée de vie forcément limitée, renforce encore le sentiment d'improvisation. Elle complique aussi le suivi de l'exécution 2009 et l'analyse des crédits demandés pour 2010. Il aurait été souhaitable, dans l'esprit de la LOLF, d'abonder les missions déjà existantes. Je rappelle par ailleurs que le Comité interministériel d'audit des programmes a recommandé la fusion des programmes 102 – Politiques du travail et de l'emploi – et 103 – Anticipation des mutations économiques et développement de l'emploi.
Ce dernier programme n'est pas ménagé, puisque ses crédits, avec 4,63 milliards d'euros, connaissent une baisse de 11,7 %, d'abord imputable à des variations de périmètre. Ainsi, pour tenir compte de la réduction du taux de TVA dans le secteur des hôtels, cafés et restaurants, des aides directes à l'emploi sont supprimées à hauteur de 538 millions d'euros. À titre personnel, je suis d'ailleurs favorable à l'amendement de Mme Brunel tendant à supprimer certaines exonérations de charges dont bénéficient également les entreprises du secteur, à condition que les salariés n'en subissent pas les conséquences.
Par ailleurs, suite à un changement de tutelle, la subvention de 20 millions d'euros destinée à l'Agence nationale des services à la personne sera transférée vers le programme 134 Développement des entreprises et de l'emploi de la mission Économie.
Hors effets de périmètre, les crédits enregistrent encore une baisse de 60 millions d'euros qui s'explique par la diminution des stocks de bénéficiaires des mesures d'âge – ASFNE, programme de retraite progressive – et par la limitation du financement du chômage partiel. Le projet de loi de finances pour 2010 poursuit ainsi le mouvement de resserrement des conditions d'accès aux dispositifs de préretraites financés par l'État. L'objectif de relever le taux d'emploi des salariés de plus de cinquante-cinq ans est légitime, mais il est regrettable que dans une conjoncture difficile, le Gouvernement se soit privé d'un outil conjoncturel efficace pour contenir le chômage.
Sous l'effet de la crise économique, le nombre de journées de chômage partiel indemnisables – c'est-à-dire demandées par les entreprises et autorisées par les directions départementales du travail – a, lui, fortement augmenté en 2008 et au premier semestre 2009 par rapport à 2007, atteignant respectivement 4,1 millions et 6,9 millions de journées contre 2 millions.
La loi de finances initiale pour 2009 avait ouvert 39 millions d'euros au titre de l'allocation spécifique de chômage partiel sur le programme 103, tandis que 258 millions d'euros avaient été ouverts sur le programme 316 de la mission Plan de relance de l'économie, soit un total de 297 millions d'euros. De façon très surprenante, le projet de loi de finances pour 2010 ne prévoit qu'une modeste enveloppe de 60 millions d'euros, inscrite sur la mission Travail et emploi et qu'aucune dotation complémentaire sur le plan de relance ne vient abonder. Nous risquons donc de manquer de crédits pour couvrir le chômage partiel, d'autant que les délais d'indemnisation nous conduiront à assumer, en 2010, le coût d'un grand nombre d'heures chômées en 2009. Les autorisations d'engagement au 30 septembre 2009 s'élèvent d'ores et déjà à 170 millions d'euros.
Les politiques de l'emploi n'ont donc pas pris la mesure de la crise et ne sont pas adaptées à l'évolution prévisible du marché du travail. C'est pourquoi j'appelle à les relancer d'urgence afin de contenir l'accélération du chômage.
J'en viens à la formation professionnelle. En dépit d'un investissement annuel de 22 milliards d'euros, celle-ci reste concentrée sur ceux qui en ont le moins besoin : en France, 74,3 % de salariés n'ont participé à aucune action de formation au cours des douze derniers mois. La réforme qui vient d'être adoptée n'a malheureusement pas permis d'y remédier.
Quant aux dotations consacrées à la prévision des suppressions d'emplois, à la création de cellules de reclassement et aux congés de reclassement, elles pourraient être relevées d'au moins 100 millions d'euros.
En ce qui concerne l'AFPA, le Gouvernement semble avoir abandonné l'idée de créer vingt-deux entités régionales au profit d'un organisme central. Le patrimoine immobilier occupé par l'association, aujourd'hui propriété de l'État, lui serait attribué pour l'euro symbolique. Mais une partie de ce patrimoine est vétuste, ce qui alimente l'inquiétude des représentants de l'AFPA et des personnels, dans la mesure où les crédits prévus pour son entretien ne sont que de 10 millions d'euros. La question reste donc en suspens, d'autant que d'autres solutions auraient été possibles.
Vous l'aurez compris, les crédits de la mission Travail et emploi me paraissent, en l'état, insuffisants pour faire face aux conséquences de la crise. Dans ces conditions, j'émets un avis défavorable à l'adoption des crédits de cette mission.