La justice a moins souvent à connaître des couches sociales supérieures – c'est indéniable. Si les femmes d'instituteurs, de médecins ou de pharmaciens ne viennent pas nous voir, c'est certainement parce qu'on a davantage honte, dans ces milieux sociaux, de porter plainte à la gendarmerie et de passer devant un tribunal correctionnel. Par conséquent, les conflits se règlent plutôt par avocats interposés, sous forme d'arrangements – versement de prestations compensatoires, par exemple, ou bien partage des biens. Ce type de population a plus facilement recours à une forme arbitrale de justice, ce qui constitue sans doute un élément d'explication.
S'agissant de l'arsenal judiciaire, je pense que nous avons à notre disposition les moyens nécessaires – je pense notamment à l'obligation de soins en cas de sursis avec mise à l'épreuve. A ce propos, je précise qu'il n'y a pas réellement de différence entre l'injonction de soins et l'obligation de soins : le psychiatre, le psychologue ou le médecin traitant ne prendront pas différemment en charge la personne concernée ; ce qui change, c'est qu'un médecin coordonnateur doit intervenir en cas d'injonction de soins. Or nous avons besoin que ces médecins, peu nombreux, restent disponibles pour les cas les plus graves.
Je rappelle également que nous rencontrons régulièrement, dans le respect du secret médical, les médecins exerçant dans les centres médico-sociaux, ainsi que les infirmières et les conseillers d'insertion. Cela nous permet de savoir si les personnes viennent effectivement consulter et si elles réfléchissent à leurs actes. Or, si une injonction de soins a été prononcée, il faut passer par l'intermédiaire du médecin coordonnateur, ce qui peut déformer l'information : la justice n'en sait donc pas davantage, bien au contraire. En outre, le système court à la paralysie depuis la loi du 10 août 2007. C'est pourquoi nous demandons qu'il soit mis fin à la généralisation des injonctions de soins et du suivi socio-judiciaire en cas de violences « simples ».
Mieux vaudrait utiliser d'autres outils, qui ont fait la preuve de leur excellence, notamment l'obligation de soins et les groupes de parole mis en place dans le cadre des départements. On constate, en effet, qu'il n'y a quasiment pas de cas de récidive pour les personnes participant à ces groupes. La difficulté est que les associations n'ont plus les moyens de fonctionner aujourd'hui. Dans la Mayenne, par exemple, la préfecture a investi 22 000 euros, la caisse d'allocations familiales 6 000, mais il manque encore 10 000 euros au 30 juin. Pour le moment, l'administration pénitentiaire ne débloque pas de fonds, au motif que les conseillers d'insertion n'interviennent pas dans ces groupes ; or, c'est une solution inenvisageable : comment voudriez-vous que les groupes de parole fonctionnent librement dans cette hypothèse ? Quant au ministère de la santé, il dit ne pas avoir de budget suffisant et la préfecture nous explique qu'elle doit d'abord utiliser ses crédits pour installer des caméras.