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Intervention de Chantal Jouanno

Réunion du 15 septembre 2009 à 17h30
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Chantal Jouanno, secrétaire d'état chargée de l'écologie :

Le Danemark, la Norvège, la Suède, le Royaume-Uni et certaines provinces canadiennes ont instauré une taxe carbone. Elle est de 20 euros au Danemark, de 30 à 50 euros en Finlande, de 10 à 40 euros en Norvège et de 108 euros en Suède. C'est dans ce dernier pays que la mesure est la plus aboutie : elle a été instaurée en 1991, avec un taux de 27 euros la tonne, niveau de compromis. L'électricité et les combustibles utilisés pour produire de l'électricité ont été exclus. Aucun dispositif de compensation n'a été instauré, ni pour tenir compte de la situation géographique, ni pour tenir compte de la situation sociale, d'autres instruments ayant été utilisés à cet effet : quiconque habite loin de son lieu de travail le déclare et est remboursé de ses frais de transport. Les modalités de compensation se sont inscrites dans une vaste réforme fiscale de baisse de l'impôt sur le revenu, dont sont redevables 95 % des ménages. Les entreprises ne paient que de 16 à 20 euros la tonne de carbone, un consensus national ayant été recueilli pour préserver la compétitivité des entreprises. Les secteurs très « énergivores » étaient inclus dans la taxe carbone mais en sont progressivement exclus depuis l'instauration de quotas. La politique suédoise consiste à exclure les entreprises régies par le système des quotas européen et, pour les autres entreprises, à porter progressivement le taux de taxe carbone au même niveau que celui applicable aux particuliers.

En matière de fiscalité écologique, la France est en 21ème position parmi les pays européens, très loin de la moyenne européenne, notamment pour ce qui concerne la taxe sur l'énergie.

Il ne s'agit vraiment pas d'induire une culpabilisation. Nous sommes au contraire partisans d'un dispositif inspiré du bonus-malus : grâce à la redistribution, les ménages ont la possibilité d'adapter leur comportement et, pour caricaturer, de gagner de l'argent sur le dos des impôts. Il faut prendre conscience que, sans s'attaquer aux comportements, on ne traite pas la moitié des émissions de gaz à effet de serre.

Convient-il d'inclure ou non l'électricité dans la base de la taxe carbone ? Notre priorité absolue est de faire baisser significativement la consommation d'énergie – c'est d'ailleurs le seul moyen de tenir les objectifs européens. À cet effet, nous privilégions les certificats d'économie d'énergie et, pour régler le problème de la consommation de pointe, l'application des prix différenciés. Nous spécialisons donc des outils sur cette dimension, outre les réglementations incitatives comme celle sur les constructions neuves ou l'éco-prêt à taux zéro. Nous nous inscrivons dans une logique d'extinction des énergies fossiles, mais il faut commencer par réduire notre consommation de pointe, qui nous contraint à importer une énergie hautement carbonée.

Le secteur du transport aérien, à ce stade – mais nous pouvons discuter de tout –, n'est pas inclus dans la taxe carbone car il sera traité dans le futur dispositif international de quotas d'émission de gaz à effet de serre. Pour inclure ce secteur dans la taxe carbone, il faudrait s'engager dans une négociation internationale.

La Suède, pays animé par une conscience écologique très forte, est partie de 27 euros. Le prix de 32 euros, proposé par la commission d'Alain Quinet, résulte d'un compromis, pour tracer une pente de progression modérée. Le seul chiffre scientifique, si j'ose dire, est de 100 euros en 2030. Le plus important est d'inscrire ce niveau dans le marbre et de confier à la future commission verte paritaire – il reste à lui trouver un nom – la tâche de rendre le mécanisme progressif et de déterminer le degré de la pente en tenant compte du prix du marché. Celui-ci est actuellement très bas, à 15 euros, mais il devrait s'établir entre 18 et 24 euros en 2010 et entre 23 et 30 euros en 2012. Après 2012, le système des quotas, un peu plus juste et efficace que le système très administré en vigueur, entrera en application.

Même si l'objectif premier de la taxe carbone n'est pas d'ordre redistributif, elle produira un effet redistributif : du premier au huitième décile de revenu pour les ménages ruraux et du premier au cinquième pour les ménages urbains, le surcoût de consommation d'énergie sera inférieur au chèque de bonus climat. Si ces ménages parviennent à réduire leur consommation d'énergie, ils bénéficieront même d'un petit bonus supplémentaire.

Quelles seront les mesures d'accompagnement ? Le plan véhicule électrique doit être dévoilé le 23 septembre. Le fonds « chaleur », confié à l'ADEME, est doté d'un milliard d'euros pour les trois prochaines années. Le succès de l'éco-prêt à taux zéro dépasse nos espérances puisque 25 000 contrats ont été signés, pour une moyenne annuelle de 40 000 chantiers de rénovation. Le crédit d'impôt cumulable avec l'éco-prêt à taux zéro atteint 2,7 milliards d'euros. Nous avons réussi à mobiliser 1 milliard supplémentaire en faveur des fonds de recherche pour les technologies propres et le Président de la République a souhaité que nous ajoutions 200 millions d'euros chaque année en faveur des recherches sur les énergies renouvelables, afin que l'investissement atteigne le même niveau que celui consacré aux recherches sur l'énergie nucléaire.

Le produit de la taxe carbone s'élèvera à 4,5 milliards d'euros, mais il n'entrera pas dans les caisses de l'État – même la TVA sera redistribuée. Cette somme se décompose en 2,6 milliards pour les ménages et 1,9 milliard pour les entreprises.

Quid des entreprises ? Le principe pollueur-payeur s'appliquera-t-il ? Les quarante-quatre mesures fiscales de la loi de finances pour 2009 comportaient déjà des augmentations de taxes, notamment de celle relative aux produits phytosanitaires, et des créations de taxe, comme celle relative aux incinérateurs. Nous réfléchissons à de nouvelles taxes sur les pollutions, en particulier sur les oxydes d'azote (NOx).

Des contreparties seront mises en place pour les secteurs particulièrement touchés : agriculteurs, pêcheurs, transporteurs. Ils ne seront pas exonérés, car un tel message serait étrange pour nos concitoyens, mais ils bénéficieront de compensations, nécessairement dégressives dans le temps, afin de s'adapter. Pour le transport routier, outre l'écotaxe poids lourds, qui entrera en vigueur en 2011 ou 2012, deux dispositifs sont à l'étude, portant sur les charges sociales et sur un report sur les chargeurs.

La taxe carbone ne sonne pas la fin de la réflexion sur les mesures de type bonus-malus. Celles-ci peuvent avoir d'autres objets que la réduction des consommations d'énergie, par exemple la réduction des déchets, mais chaque chose en son temps.

Il faut savoir que 60 % des Français utilisent leur voiture pour aller travailler chaque jour. Pour nombre d'entre eux, ce n'est pas un choix mais un impératif, dû à l'urbanisme dont nous avons hérité. Or la pollution et la consommation d'énergie des voitures sont essentiellement imputables à un parc vieillissant, d'où le principe de la prime à la casse, afin de faire sortir du circuit les vieilles voitures. Le bonus n'a pas vocation à inciter les gens à conduire plus, mais à réorienter le marché sur des véhicules consommant moins, et cela marche : les progrès en matière de réduction des émissions des véhicules vendus ont été aussi importants que ceux enregistrés au cours de la décennie précédente.

L'affectation des recettes est un vrai débat, Jean-Louis Borloo en a parlé tout à l'heure. Pour les investissements à venir, la logique du grand emprunt est plus adaptée que celle de la taxe carbone. Le Président de la République a d'ailleurs déjà déclaré que la croissance verte serait l'un des objectifs du grand emprunt.

L'extension du principe de la taxe carbone à l'ensemble des États membres de l'Union européenne est l'une des priorités de la présidence suédoise. D'autre part, la France porte toujours avec détermination le principe de la taxe carbone aux frontières afin d'éviter le dumping environnemental.

Nous franchissons une nouvelle étape et nous tâtonnons, comme tout le monde. Le modèle suédois n'est pas totalement transposable en France, où la culture est différente. Le rôle de la commission verte sera de faire progresser le dispositif et de tirer chaque année les enseignements des observations effectuées sur le terrain.

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