Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Yves Cochet

Réunion du 15 septembre 2009 à 17h30
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Cochet :

Les écologistes, parlementaires, associatifs et autres, étaient tous favorables, depuis plusieurs années, à une contribution climat-énergie, mais pratiquement tous s'opposent aux modalités proposées par le Président de la République. C'est un paradoxe : l'idée, popularisée notamment par Nicolas Hulot dans son pacte écologique, se traduit, selon nous, par une mesure décevante.

Le Grenelle de l'environnement évoque une contribution dite « climat-énergie », c'est-à-dire non pas une mesure limitée à la taxe carbone mais une invitation générale à économiser l'énergie, y compris les sources d'énergie renouvelable, qui fonctionnent avec des appareils demandant à être entretenus et régulièrement remplacés. Quant à agir sur le carbone, nous étions tous d'accord, particulièrement dans la perspective du sommet de Copenhague.

La contribution climat-énergie aurait dû avoir comme première qualité d'être large, de taxer toutes les énergies, peut-être de manière modulée, parce qu'il n'est jamais innocent de consommer de l'énergie, à cause des lois de la thermodynamique.

Cette contribution aurait aussi dû être incitative, afin que le signal prix entraîne des changements de comportement de consommation, de production et de déplacement. Le raisonnement du Président de la République qui a conduit à retenir le prix de 17 euros la tonne est très mauvais car le marché de la tonne de carbone joue au yoyo. Si le prix moyen du marché, en 2010, atteint 32 euros, le niveau de la contribution climat-énergie sera-t-il revu ? Non. Le marché européen des quotas échangeables ETS (European Trading System) est au demeurant très peu efficace et les grosses entreprises, les plus polluantes, sont tranquilles. Pourquoi les 1 200 ou 1 300 entreprises participant au marché du carbone échappent-elles à la taxe carbone ? C'est une décision du Président de la République. Tout le monde aurait dû y être assujetti : les grandes entreprises, les petites, les collectivités et les ménages. Cette contribution ne changera guère les comportements, c'est un échec annoncé.

La progressivité compte aussi, évidemment, et un article de la loi de finances initiale devra déterminer son niveau. Quand les chiffres sont petits, la progression exponentielle est plus lente que la progression linéaire. En partant de 17 euros, une progression exponentielle ne conduirait pas à des chiffres très haut avant 2030. Même en partant de 32 euros, avec un taux de croissance de 5 % – je préférerais 10 % –, on arriverait à environ 120 euros en 2030. Le linéaire est bon au départ, mais régressif : plus le temps avance, moins l'on paie.

La mesure proposée est-elle écologiquement efficace et socialement juste ? Sa première vertu doit être écologique. Parler de « compensation » sous-entend que l'on est coupable. Les enjeux sont formidables pour nous-mêmes, les générations futures, la planète, pour les pauvres des pays pauvres et les pauvres des pays riches ! Ensuite, je suis tout à fait d'accord pour qu'une redistribution soit assurée, mais sous quelle forme ? La meilleure forme de redistribution serait une sorte d'allocation universelle, non pas par ménage mais pas personne, qui n'entraînerait pas de frais supplémentaires pour l'État. Une modulation pour les ruraux ou les femmes célibataires avec enfants fera travailler 500 fonctionnaires à Bercy. La priorité n'est pas de créer des postes là-bas mais plutôt dans les hôpitaux et les écoles !

Deux études parues au début du mois, émanant respectivement de l'ONU et de la CNUCED (Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement) établissent que la situation est beaucoup plus grave que l'on pouvait le croire : pour infléchir l'évolution et ne pas atteindre les 2 degrés du température supplémentaires en 2060, la somme annuelle nécessaire n'est pas de quelques milliards, mais au moins de 500 milliards de dollars selon l'ONU et même de 800 milliards selon le cabinet McKinsey.

La France manifestant un certain volontarisme au moins verbal, c'est à elle d'agir, à condition que la mesure soit écologiquement efficace et socialement juste.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion