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Intervention de André Rossinot

Réunion du 29 septembre 2009 à 16h00
Mission d’information sur la pratique du port du voile intégral sur le territoire national

André Rossinot :

Cette mission d'information permettra un travail en profondeur. La vigilance républicaine doit être au coeur de la fonction parlementaire, et je salue votre souci de défendre la laïcité et de prévenir de nouveaux abus.

La question dont vous êtes saisis est complexe, en raison de son caractère surdéterminé et de ses enjeux : aspects sociétaux, vie dans nos quartiers, questions liées à l'immigration, droit des femmes, enjeux juridiques, enjeux géopolitiques. C'est cette complexité qui rend la vigilance d'autant plus nécessaire et nous interdit de tomber dans le laxisme.

Maire d'une grande ville, je tiens, en particulier, à souligner les difficultés rencontrées par certains de nos agents territoriaux. Il convient de les soutenir et, pour cela, d'adopter une position claire sur le sujet, sans leur laisser la responsabilité de gérer, seuls, des situations délicates.

Je le dis d'emblée, avec fermeté : il ne faut pas céder. Pour vous en convaincre, je reprendrai les arguments et les analyses que j'avais développés dans mon rapport.

Tout d'abord, une démission sur ce point ouvrirait la porte à de nouvelles demandes et aboutirait à un recul de la citoyenneté, à la réduction de l'espace public laïc et républicain et à la limitation de nos libertés. Une telle logique de surenchère interdit toute négociation.

Ensuite, le port du voile intégral, ou burqa, n'est pas qu'une affaire religieuse : il s'agit d'une interprétation maximaliste d'un usage religieux ou ethnique, que la précédente génération de musulmans en France avait abandonné. Surtout, son enjeu est le statut de la femme dans une société républicaine et démocratique. Si la moindre brèche est ouverte, d'autres exigences viendront, toujours plus excessives, au nom soit de la religion, soit de l'identité culturelle – cette ambiguïté complexifiant encore le problème.

Que signifie la burqa ? Elle manifeste qu'une femme est la propriété de son mari, de son père ou de son frère, et qu'elle ne doit pas être vue par d'autres hommes ; que les femmes ne sont pas propriétaires de leur image, qu'elles ne sont pas libres de se montrer, d'exister pour l'extérieur, encore moins de séduire. Le port de la burqa est le premier maillon d'une chaîne conduisant au mariage arrangé, au mariage forcé et à tous les asservissements et aliénations qui s'en suivent. La femme peut être une monnaie d'échange entre deux groupes, deux familles. La dimension monétaire de la burqa annihile toute individualité. Toutes les burqas sont identiques : comme la monnaie, la femme est une entité abstraite. En un mot, la femme, dans sa spécificité, disparaît : la burqa est un uniforme qui la réduit à l'anonymat.

L'enjeu du port du voile à l'école n'était pas d'affirmer un attachement à l'islam, mais de rappeler aux filles qu'elles appartiennent à un groupe humain qui ne donne pas aux femmes les mêmes droits qu'aux hommes et que le choix du conjoint ne leur appartient pas. La burqa, de mon point de vue, a un caractère infamant ; contrairement à d'autres religions qui réservent le port de tenues particulières à ceux qui choisissent d'y jouer un rôle – prêtres, pasteurs, religieuses –, les islamistes qui prônent le port de la burqa veulent l'imposer à toutes les femmes. Dans l'espace social – la rue, la place publique –, la femme n'a pas le droit d'exister comme individu ou comme personne : elle n'existe que derrière le masque qui lui est imposé. C'est là que la burqa et le voile se rencontrent. Il s'agit pour ceux qui les prônent de conquérir l'espace public et de rejeter tout ce que la République a apporté aux femmes : le droit de disposer d'elles-mêmes, de travailler – et donc de ne pas être dans une dépendance économique par rapport à leur mari –, de gérer leur corps, de choisir leur conjoint, de choisir d'avoir des enfants, de s'instruire, ainsi que la reconnaissance de l'égalité entre hommes et femmes. En leur imposant une contrainte vestimentaire, les défenseurs de la burqa signifient aux femmes que ces droits ne sont pas pour elles, qu'ils sont plus forts que la République, dont les lois ne s'appliquent pas universellement. Le port de la burqa est un défi politique et sociétal ; son aspect religieux n'est qu'un prétexte. Il s'agit d'un acte politique, qui vise à créer un rapport de forces pour faire reconnaître comme légitime un ordre social autre que l'ordre républicain.

Notre position doit être d'une fermeté absolue : on ne négocie pas la République, on ne négocie pas la liberté, on ne négocie pas la personne humaine et sa dignité. Le port de la burqa n'est pas seulement un signe ostentatoire agressif, mais également un instrument de négation de l'humain dans son individualité et dans ses relations avec les autres. Il interdit toute communication extérieure, tout dialogue.

C'est la liberté des femmes qui est en jeu ; si certaines affirment porter le voile par volonté délibérée, il ne s'agit certainement pas de la règle générale, car seule une petite minorité a pu s'exprimer sur ce sujet. Tout laxisme cautionnerait de nouveaux abus. La burqa est une sorte de ghetto portatif ; elle ne doit plus exister sur le territoire national.

Enfin, et plus profondément encore, ce débat met en question la vie en société elle-même. Que seraient un espace public peuplé d'êtres sans visages, une société où personne ne pourrait se connaître ou se reconnaître ? C'est la société forgée depuis des siècles, fondée sur la reconnaissance de l'autre, qui se trouve ainsi mise en cause – ce que reconnaissent d'ailleurs explicitement les promoteurs de la burqa. Cet instrument est donc en soi porteur de violence.

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